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législation en vigueur avant cette époque, entraînaient la contrainte par corps, continueront à produire cet effet dans les cas où elle est autorisée par la loi nouvelle: or, le recouvrement des amendes n'est plus de plein droit garanti par la contrainte par corps depuis cette loi. Oui, sans doute; mais l'exécution par corps n'est pas interdite par la loi du 13 décembre 1848 contre les mineurs de seize ans; elle est seulement soumise à une condition, à la condition qu'elle sera écrite dans la condamnation. Mais on ne pouvait pas rétroactivement imposer cette condition aux condamnations antérieures (1).

Remarquez cependant, que la loi du 13 décembre 1848 rétroagit au moins pour les frais et réparations civiles auxquels le mineur de seize ans aurait pu être condamné, malgré son acquittement. L'art. 9, en effet, n'autorise la contrainte par corps contre des mineurs de seize ans, qu'en cas de condamnation pénale.

La minorité de seize ans est, vous le voyez, tantôt une cause exclusive, tantôt une cause restrictive d'imputabilité; dans ce dernier cas elle exerce une grande influence sur la nature ou sur la quotité de la peine; elle n'est plus une immunité, elle est une excuse.

Je dis une excuse et j'insiste sur le mot : ce n'est pas seulement une cause de mitigation de peine. Il

(1) Voir en ce sens M. Durand, Contrainte par corps, no 81, et M. Troplong, Comment. de la loi du 13 décembre 1848, sur l'art. 9.

est bien vrai que les causes de mitigation sont subordonnées à des qualités de l'agent, et, sous ce rapport, je comprends qu'on soit, au premier abord, tenté de dire, avec Boitard, qué la minorité de seize ans n'est pas une excuse, mais seulement une cause de mitigation, une cause en vertu de laquelle la peine est adoucie. Mais, dans la pensée de la loi, la qualité de l'agent n'est simplement une cause de mitigation qu'autant qu'elle ne réagit pas sur le caractère du fait, qu'elle n'ajoute ou qu'elle n'enlève rien à sa criminalité; les art. 16, 70, 71 et 72, Code pénal, précisent des causes de mitigation qu'il est impossible de confondre avec des excuses: Les femmes et les filles condamnées aux travaux forcés, n'y seront employées que dans l'intérieur d'une maison de force (art. 16).

Les peines des travaux forcés à perpétuité, de la déportation, des travaux forcés à temps, ne seront prononcées contre aucun individu âgé de soixantedix-ans accomplis au moment du jugement. Ces peines seront remplacées, savoir : celle de la déportation, par la détention à perpétuité; les autres, par celles de la réclusion, soit à perpétuité, soit à temps, selon la durée de la peine qu'elles remplacent (art. 70 et 71).

Tout condamné à la peine des travaux forcés à perpétuité ou à temps, dès qu'il a atteint l'âge de soixante-dix ans accomplis, en est relevé et est renfermé dans une maison de force pendant la durée de sa peine, comme s'il n'eût été condamné qu'à la réclusion (art. 72).

Voilà des qualités qui affranchissent l'agent de certaines peines et qui cependant n'atténuent en rien ses actes; elles n'en modifient, sous aucun rapport, pi le caractère moral, ni le caractère légal.

Mais n'y a-t-il pas des qualités de l'agent qui sont, en quelque sorte, inséparables du caractère du fait, qui lui impriment un caractère plus ou moins odieux?

La qualité peut être une cause d'aggravation de la peine, parce qu'elle aggrave le fait; la qualité de fils, chez le meurtrier, donne au meurtre le caractère de parricide et entraîne une aggravation de châtiment; la qualité de l'agent peut être une cause d'atténuation de la peine parce qu'elle atténue le fait. La minorité de seize ans, alors même que la présomption d'irresponsabilité est exclue par une déclaration de discernement, fait encore supposer que l'agent n'a pas eu autant de liberté d'esprit que le majeur, qu'il avait moins de force de volonté et de résistance, moins d'empire sur lui-même, qu'il n'avait pas une conscience aussi nette du mal moral et social résultant de son infraction. Sous ce rapport il n'est pas vrai de dire que l'âge soit toujours et nécessairement une circonstance étrangère au fait luimême.

Mais, dit-on (1), l'âge ne change pas la qualification du fait. Le mineur de seize ans, condamné

(1) Nicolini, Principes philosoph. et pratiq. du Droit pénal, p. 163 à 174 de la TRADUCTION. Boitard, quatorzième leçon.

dans le cas des art. 67 et 68, est condamné en matière criminelle; de ce qu'il ne subit que des peines correctionnelles, on ne peut pas conclure qu'il n'ait commis que de simples délits, lorsque ces articles sont applicables.

Cette objection a deux vices: 1o elle suppose qu'il est unanimement admis que l'infraction qui, en thèse ordinaire, a le caractère d'un crime, ne dégénère pas en simple délit, quand elle est commise par un mineur de seize ans auquel, en cas de déclaration de discernement, on applique une peine, mais une peine correctionnelle seulement. Or, deux de nos criminalistes les plus justement accrédités professent que, dans notre droit, le caractère de l'infraction étant subordonné à la nature de la peine applicable, l'infraction dont le mineur de seize ans est jugé responsable ne peut constituer qu'un simple délit, et cette théorie, que je suis loin d'adopter, n'est pas sans quelque appui dans la jurisprudence (1).

2° L'objection suppose qu'il est de l'essence d'une

(1) MM. Chauveau et Hélie, Théorie du Code pénal, t. Ier p. 313 à 315, 3° édition.-Ils invoquent deux arrêts de la Cour de cassation du 27 juin 1828 et du 9 février 1832 (Sir., 29— 1-42, 32-1-433.-Il y a, en effet, dans les motifs de ces arrêts, une énonciation favorable à l'opinion de ces honorables auteurs. Voir toutefois en sens contraire: Cass., 10 avril 1818 et 1 avril 1828 (Sir., 24—1—159, 28—1—275). M. de Molène, De l'humanité dans les Lois criminelles, p. 365, considère aussi que l'excuse change la qualification de l'infrac

excuse de changer la qualification de l'infraction; mais aucune loi n'a dit cela, et, à mon sens, aucune loi ne devait le dire. Un crime excusable reste un crime, et c'est bien là ce qu'atteste la rubrique du paragraphe 2, section II, titre II, du livre III du Code pénal Crimes et délits excusables. De ce que l'excuse modifie souvent la nature de la peine, parce que sa cause diminue la criminalité subjective, on ne saurait légitimement conclure qu'elle métamorphose le caractère de l'infraction. Ce n'est pas parce que la loi punit les infractions d'une certaine classe de peines afflictives et infamantes, ou infamantes seulement, que ces infractions sont des crimes; c'est, au contraire, parce qu'à raison de leur criminalité objective, à laquelle correspond presque toujours une criminalité subjective aussi grave, ces infractions sont des infractions très dangereuses, que la loi frappe, en général, leurs auteurs de peines afflictives et infamantes, ou infamantes seulement (1).

L'art. 65, Code pénal, proclame le principe que le crime ou délit ne peut être cxcusé ni la peine mi

(1) M. Molinier professe aussi que l'excuse ne change pas la qualification de l'infraction; il cite plusieurs arrêts en ce sens, notamment un arrêt de la Cour de cassation du 17 janvier 1833 (Sir., 33-1-413). M. Molinier arrive par d'autres arguments à la même solution que nous (Revue critique, 1851, p. 425 à 427).-Aux autorités citées par M. Molinier on peut ajouter un arrêt de la Cour d'Angers du 3 décembre 1849 (Dev., 50-2-290 (rapprocher cet arrêt de l'arrêt qui le suit).

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