Images de page
PDF
ePub

actif, des attributions plus larges; elle veut se mouvoir, non-seulement en dehors des règles, mais même contrairement aux règles de l'organisation féodale qu'elle avait mission de maintenir et dont elle semblait n'être que le couronnement. Elle convertit son Droit un peu trop désarmé de suzeraineté, en un véritable pouvoir central, attirant à lui, pour les gouverner, toutes les forces de la société ; elle se présente comme l'instrument qui doit donner satisfaction aux besoins généraux, comme le symbole de l'ordre public, la personnification de l'unité nationale.

Trois essais d'institution générale correspondent à cette tentative que fait la royauté pour ressaisir et concentrer les véritables droits de la souveraineté politique, à savoir le Parlement, les Etats-Généraux, et les Assemblées des notables.

:

Avant le XIIIe siècle, le roi de France avait eu, à un double titre, une grande cour féodale, d'abord parce qu'il était le suzerain de ses vassaux directs, des vassaux du duché de France,-et en second lieu parce qu'il était le suzerain des grands vassaux, c'està-dire des possesseurs des grands fiefs, dont se composaient les autres duchés.

Eh bien ! l'ancienne cour féodale, la royauté la convertit, sous le nom de Parlement, en une institution complexe, tout à la fois politique, administrative et judiciaire.

Institution judiciaire, le Parlement était juge, non plus seulement de tous les rapports féodaux, mais de tous les intérêts qui, par leur importance, pouvaient,

de plano ou sous forme d'appel, s'élever jusqu'à lui.

Institution politique et administrative, le Parlement était en quelque sorte un conseil toujours en disponibilité pour la royauté.

Le Parlement ne devait pas conserver longtemps cette double nature; il devait bientôt se séparer en deux juridictions distinctes: la juridiction administrative, sous le nom de Conseil du roi, et la juridiction judiciaire proprement dite, qui conserva le nom de Parlement.

Les grands vassaux et même les vassaux directs du roi, qui ne voulaient pas, suivant le mot de Pasquier, « troquer leur épée contre une écritoire,» se tinrent à l'écart de l'institution judiciaire proprement dite et firent place à une classe d'hommes d'étude et de science, qui servirent sans doute activement la royauté, mais furent en revanche puissamment secondés par elle dans leurs efforts pour conquérir au sein du pays le rôle prépondérant.

Au commencement du XIVe siècle, les Etats-Généraux apparaissent et les trois ordres: clergé, noblesse, bourgeoisie ou tiers-état, sont constitués, puisqu'ils ont une représentation. La première convocation est de 1302.

[ocr errors]

Cette ébauche du gouvernement représentatif dont la constitution n'eut rien de régulier et de définitif, dut sa naissance à un intérêt fiscal et politique.La royauté associait la bourgeoisie aux délibérations de la noblesse, d'abord dans un intérêt fiscal: il

s'agissait d'introduire l'innovation de l'impôt public et il était prudent d'obtenir l'assentiment de ceux sur lesquels il devait surtout peser. Enfin, la royauté avait un intérêt politique à constater l'avénement, comme force sociale, d'une classe dont elle se réservait de se faire un appui, dans ses luttes contre la papauté et contre la noblesse.

1

De grandes assemblées, dites Assemblées de notables, où figurent de droit les grands vassaux de la couronne et les vassaux directs du roi, auxquels se joignent les grands personnages que la royauté appelle près d'eux, forment, à côté des Etats-Généraux, une autre institution mal définie, irrégulière aussi, mais ayant, comme celle des Etats-Généraux, un caractère tout nouveau de généralité.

Des tentatives de législation générale doivent correspondre à ces essais d'institutions générales. C'est pendant cette période que la royauté ne concentre plus son autorité législative dans les pays dits de l'obéissance le roy,-qu'elle la transporte et l'établit graduellement, sous prétexte d'ordre public, dans les domaines des grands vassaux, ses égaux du XI° siècle, qui apprennent, par expérience, que la suprématie du titre peut contribuer à former la suprématie de puissance.

Quatre ordonnances surtout doivent figurer, comme monuments ayant un caractère de généralité, au nombre des sources du Droit pénal pendant cette période

1° Une ordonnance de Philippe VI, de décembre 1344, traitant de la procédure pénale.

2. Une ordonnance du 3 mars 1356, rendue sur les doléances et les réclamations des Etats-Généraux pendant la captivité du roi Jean par le lieutenant-général du royaume, devenu plus tard Charles V.

3. Une ordonnance de 1453 de Montil-les-Tours sous Charles VII.

4. Une ordonnance de mars 1498, sous Louis XII, sur la réformation de la justice en général, et spécialement sur la réforme de la procédure pénale. Dans cette ordonnance, la procédure secrète, inquisitoriale se substitue, sous le nom de Procédure à l'extraordinaire, à la procédure accusatoire qu'elle n'exclut cependant point encore (1).

Ces monuments généraux dominaient, mais n'excluaient pas les monuments spéciaux. Il faut donc, même pendant cette période, ne pas négliger l'étude des chartes des communes.

Il ne faut pas non plus négliger les Coutumes pour lesquelles commencent l'ère des rédactions écrites.

L'ordonnance de Charles VII, d'avril 1453, prescrivait dans son art. 125, la rédaction de celles qui n'étaient pas encore rédigées.

Il faut aussi consulter, pour cette période, la compilation des arrêts du Parlement de Paris, commencée par Jean de Montluc, et qui comprend la période écoulée depuis 1254 jusqu'en 1318. C'est cette compilation qui est si connue sous le titre d'Olim.

(1) Voir, sur les progrès de la procédure inquisitoriale, M. Ortolan, Revue de Législation 1848, t. Ier, p. 180.

Les autres principaux monuments de doctrine, indépendamment du Conseil de Pierre de Fontaines que j'ai déjà cité, des Etablissements de saint Louis et de Beaumanoir sur les Coutumes de Beauvoisis, sont au nombre de sept:

1o Le livre de justice et de Plet, ancien Droit de France comparé avec le Droit romain, de la fin du XIIIe siècle.

2° Stylus Parlamenti in suprema parisiensi curia, de Guillaume Dubreuil, publié en 1330.

3o Les Décisions de messire Jean des Mares, dont la date de publication est inconnue, mais qui remontent au-delà de 1382.

4° Les anciennes Constitutions du Châtelet de Paris, que de Laurière a fait plus tard imprimer.

5° Les Coutumes toutes notoires et jugées au Châtelet de Paris, qui embrassent la période depuis 1300 jusqu'à 1387.

6. Le grand Coutumier de Charles VI, ouvrage d'un auteur anonyme, dont Charondas le Caron, a donné une édition en 1598. Il traite notamment dans son second livre des délits, et dans son quatrième, des peines. Il est du commencement du XVe siècle.

7° La Somme rurale de Jean Bouteiller, qui a eu un grand nombre d'éditions dans les XV et XVI siècles. La Somme rurale est postérieure au Grand Coutumier de Charles VI. Elle est beaucoup plus large, comme corps doctrinal, que ne semblerait l'indiquer son titre, et elle traite notamment, dans de nombreux chapitres, des matières pénales.

« PrécédentContinuer »