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par mauvaise intention, ou au moins par négligence. La justice c'était une dette royale que les rois s'empressaient d'acquitter. C'était l'ancienne défaute de Droit, l'évocation, pour déni ou impossibilité de justice, agrandie et métamorphosée; le Droit d'évocation n'était plus subordonné qu'à l'initiative des juridictions royales (1).

4o Les jurisconsultes de la royauté invoquèrent souvent et finirent par faire triompher le principe de la compétence teritoriale. Ce principe fut une grande conquête, mais cette conquête coûta bien des efforts.

Ce principe était trop hostile à l'organisation féodale pour parvenir à s'imposer sans de rudes combats. Il fut conquis par la royauté, puis perdu par elle, puis reconquis.

Considérez, en effet, l'importance, de ce principe : si la répression du crime appartenait à la juridiction. des lieux où il avait été commis, et non à la juridiction du domicile de l'agent, c'est que le lien qui attachait le justiciable au seigneur était rompu, au moins sous le rapport de la répression.

C'est que le seigneur ne pouvait plus revendiquer la justice sur ses hommes comme conséquence de son droit de propriété ou de sa supériorité féodale.

(1) M. Faustin-Hélie, de l'Instruction criminelle, t. I, p. 319; et M. Pardessus, Essai historique sur l'Organisation judiciaire, p. 190 et suiv.; M. Laferrière, Histoire du Droit français, t. IV, p. 98. Conf., Montesquieu, Esprit des lois, livre XXVII, chap. xxvIII.

Que disait-on en faveur du principe de la territorialité?

On disait que la compétence territoriale offrait plus de facilités pour la preuve, pour l'instruction, pour la recherche des éléments de conviction, et qu'elle offrait, d'ailleurs, plus de garanties de sévérité, parce qu'il serait plus difficile de soustraire le coupable à la répression sur le théâtre du crime, au milieu des intérêts qu'il avait lésés que là où il avait laissé ses influences de famille ou de patronage. Mais si ces excellentes raisons prévalurent, c'était donc qu'on se préoccupait plus de l'intérêt de la vengeance sociale que de l'intérêt de la vengeance seigneuriale, puisqu'on foulait aux pieds les règles et les traditions de l'organisation féodale pour faire prévaloir les nécessités d'ordre public.

Cette idée ressort non seulement des faits, mais elle s'écrit elle-même et s'affirme expressément dans les monuments scientifiques ou législatifs contemporains.

On lit dans la rubrique du chapitre 30 des Coutumes de Beauvoisis: De pluriex meffès et quele venjance doit estre prise de chascun meffet, etc., etc.

Dans le corps de ce chapitre, au n° 61, on lit

encore:

« Bonne coze est que on queure au devant des << malfeteurs et qu'ils soient si radement pusni et

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justicié selonc lor meffet, que por le doute de le

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་ gardent de meffère. Et entre les autres meffès

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<< dont noz avons parler ci-dessus, li uns des plus grands et dont li segneurs se doivent penre plus « près de penre vengance, si est des aliances fetes «< contre segneurs ou contre le commun porfit. »>

Les Etablissements de saint Louis avaient déjà donné pour l'une des bases de la peine l'intérêt de l'exemplarité: « Car li mauvais lessent à mal fere pour la << peur de la paine et li bon pour avoir l'amour de « Dien. >>>

En résumé, les appels, les cas royaux, la prévention et la compétence territoriale; voilà les principes auxquels je reconnais l'idée nouvelle qui s'empare de la répression.

Ce qu'il importe de remarquer, c'est la corrélation intime entre le principe, en vertu duquel la peine est infligée et le mouvement politique,

Lorsque le travail commencé au XII siècle par Louis-le-Gros, poursuivi par Philippe-Auguste, saint Louis, Philippe-le-Bel, au XIIIe siècle, eut fait de la royauté, une magistrature suprême, en dehors et au-dessus de la féodalité, un pouvoir central, dont l'action réglementaire, partout présente, s'étendait, sans tenir compte de la diversité des domaines, qui morcelaient la France, sur tout ce qui était susceptible d'être ramené à des conditions de fixité et d'unité, la pénalité a revêtu elle-même le caractère de généralité; elle est devenue un instrument public, une force sociale.

QUATRIÈME LEÇON.

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SUITE DES PROLEGOMÈNES.—QUATRIÈME PÉRIODE DU XVI SIÈCLE à 1789.Caractère politique de cette période.-La souveraineté royale. - Dans quels actes cette souveraineté se traduisait-elle ?— Ordonnances, édits, lettres-patentes, déclarations du roi. · Arrêts du conseil.- En principe la souveraineté royale était-elle absolue ?—De l'enregistrement des Parlements. Des arrêts de réglement. — Principales ordonnances sur le Droit pénal -Du Droit romain, des Coutumes, du Droit canon comme sources du Droit pénal.-Indications bibliographiques. L'idée de vengeance publique domine-t-elle le Droit pénal? L'idée de vengeance divine et l'idée d'intimidation ne s'introduisent-elles pas dans la législation?-Influence de chacun des principes qui animent les sources du Droit pénal.-Témoignages des faits législatifs.—Témoignages de la science juridique.-Mouvement philosophique.

MESSIEURS,

Nous avons constaté dans la dernière période des essais et des efforts de centralisation et d'unité; nous avons vu la royauté s'aidant d'institutions générales pour généraliser son action et pour lutter, 1° contre la féodalité à laquelle elle veut reprendre les lambeaux épars de la souveraineté; 2o contre la suprématie ecclésiastique à laquelle elle ne veut pas soumettre sa souveraineté politique.

Mais la période de lutte et de combat doit précéder la période de triomphe et de victoire.

C'est dans la période de triomphe et de victoire que nous entrons; je l'ai appelée la période royale par excellence, la période des ordonnances.

Du XIII au XVI siècle, je ne vous ai cité que quatre monuments généraux de Droit pénal s'appliquant à toutes les parties du territoire français.

Du XVIe siècle à 1789, nous n'allons plus guère voir, en matière pénale au moins, que des monuments généraux, que des monuments émanés de la souveraineté royale.

La royauté a vaincu la féodalité et conquis son indépendance temporelle; elle a vaincu ou va vaincre même les instruments dont elle s'était servie, à sa voir les Parlements, les États-Généraux, les Assemblées des notables, dont elle a bien accepté le secours, mais dont elle ne veut pas subir la domi

nation.

Sur les ordonnances, j'examinerai deux questions: 1. Les ordonnances avaient-elles toutes le même titre et le même caractère?

2° L'autorité législative des ordonnances, quel que fût leur titre, n'était-elle pas subordonnée à l'enregistrement des Parlements?

1° Les ordonnances étaient des lois qui avaient un

PREMIÈRE QUESTION: Les ordonnances se divisaient en ordonnances proprement dites, en édits, en lettrespatentes et en déclarations.

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