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cipes sont un instrument pour lui, les questions à résoudre, le but. Pour le professeur, ce sont les questions qui sont l'instrument; voilà ce qui m'a fait penser qu'après les ouvrages si consciencieux de M Rauter, de MM. Chauveau et Faustin-Hélie, il y avait place pour des leçons de Code pénal ; voilà ce qui m'a déterminé à suivre la forme que j'ai adoptée. Je ne publie pas un livre, je publie mon Cours.

Sans doute, ce que j'ai tenté de faire, Boitard l'a déjà fait et l'a fait avec un très grand talent. Oui, mais dix-huit ans ont passé sur cette œuvre, et, depuis sa publication, combien de lois, de questions, de théories se sont produites, et dont il faut tenir compte ! Est-ce que Boitard, si la science avait eu le bonheur de le conserver, ne ferait pas, aujourd'hui, sur le Code pénal, des leçons autres que celles qu'il a faites en 1835? Est-ce qu'il persévererait dans ses préventions contre l'histoire du Droit pénal? Son esprit si élevé n'aurait-il pas été frappé de l'immense parti qu'un grand jurisconsulte a su tirer de notre vieux Droit pour raviver et développer la science du Droit civil? Aurait-il dédaigné, pour l'explication du Droit criminel, des ressources qui avaient si puissamment contribué à l'éclat de publications que, plus que tout autre, il était fait pour apprécier? Boitard.

aujourd'hui, s'inspirerait, bien plus qu'en 1835, des travaux si considérables de nos philosophes, de nos historiens, de nos publicistes; il n'a pu connaître ces travaux qu'en partie et il n'avait pas eu le temps de se les assimiler, pour faire profiter la science du Droit pénal de tout ce qui peut s'y appliquer ou avoir action sur elle.

L'ouvrage que Boitard ferait aujourd'hui en maître, avec sa vive et incisive parole, avec une grande autorité, je n'ai pas espéré que je réussirais à le faire. Dans le cours oral que je fais à la Faculté de Caen depuis 1846, j'ai au moins réuni, condensé, fondu bien des éléments qui sont épars çà et là, et qui doivent cependant, suivant moi, dominer l'enseignement du Droit pénal. J'ai mis à contribution les publicistes plus encore que les jurisconsultes ; j'ai essayé de vulgariser, en les appliquant, des idées qu'on ne rencontre guère que dans les ouvrages de pure spéculation. Sans aucun lien d'école, sans parti pris, j'ai cherché de bonne foi la vérité; ce que j'ai dit des droits du pouvoir s'applique, dans ma pensée, non à tel ou tel pouvoir, mais au pouvoir en général; je me suis préoccupé, non des intérêts variables et contingents, mais des intérêts durables et permanents de la société, et, je le confesse, dût cet aveu me faire tort dans l'esprit de ceux pour

lesquels tout acte d'opposition est un témoignage d'indépendance, je me suis montré plus disposé à défendre qu'à attaquer le législateur ; j'ai plus songé à justifier la loi qu'à la critiquer ; j'ai souvent suivi et développé les solutions de la Cour de Cassation, dont la Jurisprudence est, en général, empreinte d'un si haut caractère de sagesse et de prévoyance.

Les autorités purement doctrinales m'ont quelquefois trouvé plus rebelle j'ai combattu certaines tendances à traiter le pouvoir plutôt en ennemi qu'en protecteur de la liberté. Au reste, en répudiant des théories controversables, je n'ai cessé de me montrer plein de déférence pour les écrivains qui les ont professées: l'inconvenance ou seulement l'extrême vivacité du langage ne m'ont jamais semblé un moyen efficace de conquérir les convictions.

Dans un cours oral, on peut, on doit souvent s'abstenir de citer les noms des auteurs dont on approuve ou dont on combat les doctrines; mais le livre a ses exigences: le cours, tout en conservant sa forme, impose, lorsqu'il devient un livre, la nécessité d'indiquer les sources; en subissant cette nécessité, je crois pouvoir assurer que je ne froisserai aucune susceptibilité.

Si mes leçons, à travers des circonstances diverses, ont toujours été animées du même esprit, de la même pensée religieuse, du même respect du prin

cipe d'autorité, elles ne se sont pas toujours produites sous la même forme: le fond n'a pas changé, mais l'expression a varié ; entre des expressions diverses, il m'a fallu choisir. J'ai fait appel aux analyses d'élèves d'années différentes; je les ai comparées à mes notes et je me suis, en général, attaché à l'expression du cours de 1851-1852: j'ai fait à ce cours les additions qu'imposaient les lois et les documents jurisprudentiels ou doctrinaux d'une date postérieure.

J'ai pensé que mon Cours, qui avait toujours eu pour résultat d'exciter mon jeune auditoire à associer à l'étude du Droit pénal l'étude de la philosophie et de l'histoire, serait utile, au moins momentanément, et tant que l'ouvrage que ferait aujourd'hui BOITARD resterait à faire : voilà pourquoi je l'ai publié.

Une étude sur le Droit de punir, imprimée en 1850, forme l'appendice de mon Cours; elle explique et développe des idées que je n'ai pu qu'indiquer dans ma VIe leçon. Je n'y ai rien ajouté, mais j'ai fait quelques suppressions; j'ai retranché tout ce qui ne in'a pas semblé essentiel pour différencier la théorie que je professe des théories dont j'ai tenté la réfutation.

L'un des plus illustres représentants de la science du Droit, M. Mittermaier, en faisant à cette étude l'honneur d'un compte rendu plein de bienveillance,

a exprimé le regret que je n'eusse pas rapproché des théories accréditées en France, les théories si diverses des jurisconsultes Allemands. Je ne me suis pas cru en mesure de faire ce travail dont je n'ai point à ma disposition tous les éléments; j'eusse inévitablement été incomplet; il m'eût fallu, d'ailleurs, élargir singulièrement le cadre de mon étude, dont l'objet principal a été l'appréciation du système de l'école éclectique sur les fondements de la pénalité.

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