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vocations savantes, il pénétra, sans maîtres et sans livres élémentaires, dans cette langue mystérieuse de l'Inde, que l'on apprend avec peine, à Calcutta même, des brahmes du pays conquis. Il donna, par ses savants travaux, à la France, un titre de gloire intellectuelle qui, ne se liant à aucune spéculation politique, semble plus rare et plus désintéressée.

Les travaux de M. de Saint-Martin sur la langue et l'histoire de l'Arménie, complétaient cette série d'efforts dirigés vers l'Orient et qui, l'embrassant dans toute son étendue, promettaient d'y porter partout la lumière. M. de Saint-Martin a fait surtout servir aux progrès de cette grande science l'étude profonde qu'il avait faite d'un idiome trop peu cultivé. Esprit exact et pénétrant, il avait refait l'histoire d'une portion de l'antiquité classique d'après des textes inconnus. ou inexpliqués avant lui. Sa mort laisse presque abandonnée une partie neuve et importante de la philologie orientale, d'où il avait extrait de si précieux résultats et vers laquelle les encouragements de l'État doivent appeler de nouveaux efforts.

Des trois savants que je viens de rappeler, deux sont morts sans fortune, et l'autre presque dans l'indigence. Il nous a paru, messieurs, que cette circonstance et les travaux qui honoraient leur vie motivaient, en faveur de la veuve de chacun d'eux, une pension annuelle de 3,000 fr.

Avec un petit nombre de récompenses ainsi décernées dans des occasious rares et solennelles, l'État assurera, messieurs, le progrès des hautes connaissances. Sans doute, des récompenses semblables pourraient s'appliquer à des succès obtenus dans d'autres branches de la littérature et des sciences : tout ce qui honore le pays mérite l'attention de ses représentants; mais des succès incontestés dans de difficiles études que ne soutient pas la faveur populaire ont surtout besoin d'encouragement. Attentive aux diverses parties de son domaine intellectuel, la France n'en doit laisser dépérir aucune; elle doit protéger les études nouvelles, favoriser les découvertes commencées, et veiller sur les progrès de la

science comme sur un des éléments de la gloire nationale. L'Assemblée constituante décrétait, le 10 juillet : « Tout «< citoyen qui a servi, défendu, illustré, éclairé sa patrie, a « des droits à la reconnaissance de la nation, et peut, sui«vant la nature et la durée de ces services, prétendre aux « récompenses. » Soyons difficiles et réservés, messieurs, dans l'application de cette disposition; mais ne demeurons pas étrangers aux généreuses inspirations qui l'ont dictée. Une telle dépense, dont la législature tout entière est appelée à juger, coûtera bien peu, rapportera beaucoup, et attestera dignement l'esprit de notre époque.

PREMIER PROJET DE LOI.

Article unique. Il est ouvert au ministre secrétaire d'État au département de l'instruction publique un crédit extraordinaire de cent vingt-deux mille cinq cents francs destinés à acquérir au nom et pour le compte de l'Etat :

1o La bibliothèque de feu M. le baron Cuvier, membre de la Chambre des pairs, conseiller d'Etat, membre du conseil royal de l'instruction publique, secrétaire perpétuel de l'Açadémie royale des sciences de l'Institut, membre de l'Académie française, associé libre de l'Académie des inscriptions et belles-lettres, professeur administrateur du Muséum d’histoire naturelle, professeur d'histoire naturelle au Collège de France, etc.;

20 Les manuscrits, dessins et livres annotés laissés par feu M. Champollion jeune, membre de l'Académie royale des inscriptions et belles-lettres de l'Institut, conservateur du musée royal égyptien, professeur d'archéologie au Collége de France, etc.

DEUXIÈME PROJET DE LOI.

Art. 1er. Il est accordé sur les fonds généraux :

1o A Mme Anne-Marie Coquet du Trazailé, veuve de M. le baron Cuvier, membre de la Chambre des pairs, conseiller d'Etat, membre du conseil royal de l'instruction publique, etc., etc., une pension de 6,000 fr.;

20 A Mme Rose Blanc, veuve de M. Champollion jeune, membre de l'Académie royale des inscriptions et belles-lettres de l'Institut, conservateur du musée royal égyptien, professeur d'archéologie au Collège de France, etc., une pension de 3,000 fr.;

3o A Mme Andrée-Jeanne-Jenny Lecamare, veuve de M. Abel Rémusat, membre de l'Académie royale des inscriptions et belles-lettres, conservateur-administrateur de la Bibliothèque royale, professeur des langues chinoise, tartare et mandchoue au Collège de France, membre de la commission administrative de l'École des chartes, une pension de 3,000 fr.;

4o A Mme Wilhelmine-Christiana de Klenecke, veuve de M. de Chezy, membre de l'Académie royale des inscriptions et belles-lettres de l'Institut, professeur de langue et littérature sanscrites au Collège de France, professeur de persan à l'École royale et spéciale des langues orientales vivantes, etc., une pension de 3,000 fr.;

5o A Mme..., veuve de M. de Saint-Martin, membre de l'Académie des inscriptions et belles-lettres de l'Institut, etc., une pension de 3,000 fr.

Art. 2. Ces pensions seront inscrites sur le livre des pensions du trésor public et acquittées à partir du jour de la promulgation de la présente loi.

A mon grand regret, la commission, chargée par la Chambre des députés de l'examen de ce projet de loi, le réduisit aux articles qui concernaient MM. Cuvier et Champollion jeune et leurs veuves, décidant, par une idée mesquine et fausse, à mon avis, que MM. Abel Rémusat, Chézy et Saint-Martin n'étaient pas en possession d'un nom assez populaire pour être l'objet d'une récompense nationale. Elle divisa, de plus, le projet en deux lois qui furent adoptées sans discussion par les deux Chambres et promulguées le 24 avril 1833.

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Dans la discussion du projet de loi sur les crédits supplémentaires pour l'exercice 1833, M. Bavoux attaqua le conseil royal de l'instruction publique et l'École normale, pour laquelle un supplément de crédit de 3,000 francs était demandé. Je lui répondis :

M. GUIZOT, ministre de l'instruction publique.-Je demande à la Chambre la permission de me renfermer étroitement dans la question particulière dont il s'agit. Je ne défendrai pas le conseil royal comme institution, je n'examinerai pas dans quel esprit il a été formé ni quels reproches lui ont été adressés: je vais me renfermer dans la question du crédit supplémentaire de 3,000 fr. demandé pour l'École normale. Je crois que toute dépense qui se fonde sur la demande d'un crédit extraordinaire doit être utile et urgente.

La dépense se divise en deux parties: une portion, destinée à augmenter de douze le nombre des élèves de l'École

normale, et une portion destinée à un supplément de traitement pour le conseiller de l'instruction publique chargé de la surveillance de l'École normale.

Quant à l'augmentation de douze élèves...

M. BAVOUX.-Je n'ai point d'objection à faire là-dessus. M. le ministre de l'instruction publique.-Permettez que je donne des explications. Depuis plusieurs années, on ressent le manque d'un certain nombre de professeurs, particulièrement pour les sciences physiques et mathématiques. Quarante-huit élèves de l'École normale ne fournissaient pas annuellement assez de professeurs pour les besoins de l'instruction publique. De plus, on a reconnu que deux années passées dans l'École normale n'étaient pas suffisantes pour donner aux élèves le degré d'instruction qui leur est nécessaire. Ainsi, d'une part on a augmenté le nombre des élèves, et de l'autre on a porté à quatre années, au lieu de deux, le temps qu'ils passent dans l'École normale. L'utilité de cette augmentation est fondée sur les besoins de l'instruction publique, besoins que vous pouvez, messieurs, avoir reconnus dans vos départements.

Mais comme l'année scolaire commence au 1er novembre, pour ne pas attendre une année, j'ai dû demander un supplément de crédit pour la fin de 1832. Ainsi, d'une part l'utilité de la dépense et de l'autre la nécessité d'un crédit extraordinaire ne peuvent être contestées.

Quant à la deuxième partie de la dépense, à l'allocation d'un supplément de traitement de 3,000 francs pour le conseiller de l'Université chargé de la surveillance de l'École normale, je demande à la Chambre la permission de rétablir quelques faits que le préopinant ne me paraît pas avoir exac

tement connus.

En 1814, avant la Restauration, l'École normale qui, aux termes du décret de. 1808, devait avoir 300 élèves, n'en avait que 74. Pour ces 74 élèves, il y avait un conseiller titulaire de l'Université, recevant à ce titre un traitement de 10 ou 12,000 francs, je n'en suis pas bien sûr. Mais indé

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