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et reproduit comme amendement, le projet primitif du gou

vernement.

M. le ministre de l'instruction publique.-Je demande la permission de défendre ici les priviléges de la Chambre et de ses commissions. Il est d'usage constant dans la Chambre que lorsqu'une commission propose un amendement à un projet du gouvernement, cet amendement est mis aux voix avant le projet.

L'amendement de la commission, consenti par le gouvernement, fut adopté.

XLVI

Chambre des pairs. -Séance du 16 février 1833.

Le gouvernement avait présenté, le 10 décembre 1832, à la Chambre des pairs, un projet de loi relatif à l'état de siége. M. Allent en fit le rapport, le 5 janvier 1833, au nom de la commission chargée de l'examiner et qui y proposa de nombreux amendements. La discussion s'ouvrit, le 15 février, et dura trois jours, après lesquels le projet fut renvoyé à la commission qui n'en entretint plus la Chambre. Je pris la parole, le 16 février, dans ce débat, en réponse à M. le duc de Noailles.

Messieurs,

M. GUIZOT, ministre de l'instruction publique. je remercie l'honorable orateur qui descend de la tribune de la modération de son langage; mais cette modération couvre la même pensée que celle qui a éclaté dans le discours du premier orateur que vous avez entendu dans la séance d'hier, le marquis de Dreux-Brézé. L'honorable préopinant n'a pas

appelé le projet de loi que vous discutez liberticide, monstrueux; il ne s'est pas étonné qu'on ait osé venir le présenter à la Chambre; mais au fond, il l'a également accusé de détruire nos libertés constitutionnelles, de rouvrir la carrière des lois d'exception.

Ce n'est pas aux formes, c'est au fond que je m'attache. La pensée, je le répète, est la même que celle que vous avez entendue dans la séance d'hier. J'avoue qu'il m'est impossible d'entendre exprimer une telle pensée sans la plus profonde surprise.

Je vous le demande, messieurs, quel gouvernement a jamais, je ne dirai pas souffert, mais accepté à ce point toutes les libertés, la liberté de tous ses adversaires? la liberté de la parole, la liberté de la presse, la liberté de l'action, journaux, souscriptions, associations, démarches de tout genre, tout a été permis, tout a été toléré, je dirais presque tout a été trouvé bon.

Il y a beaucoup de gens, messieurs, et de fort honnêtes gens, et des hommes de beaucoup de sens, qui reprochent au gouvernement d'être allé trop loin dans cette voie de tolérance, d'avoir trop supporté en fait de liberté. Je ne le pense pas ; je suis de ceux qui croient qu'il a bien fait, et qu'il fera bien de continuer, et qu'il le peut, sans danger pour la société comme pour lui-même. Mais croyez-vous que, s'il l'eût voulu, il ne lui eût pas été facile de faire autrement? Avec un peu moins d'esprit de justice, un peu plus de complaisance et de laisser-aller pour les passions révolutionnaires, on eût volontiers passé au gouvernement de Juillet un peu de tyrannie; on lui eût volontiers permis de traiter un peu plus rudement qu'il ne l'a fait tels ou tels de ses ennemis. Pourquoi ne l'a-t-il pas fait ? Pourquoi s'est-il condamné à subir la liberté de tous? Parce que, de très-bonne heure et franchement, il s'est dévoué à la cause de l'ordre et de la justice; parce que, de très-bonne heure et franchement, il a repoussé l'alliance des passions révolutionnaires; parce qu'il a accepté, de très-bonne heure, la double mission des gouvernements

de notre temps, le maintien de l'ordre et le respect des droits de tous.

Je n'ai pas besoin, messieurs, de rappeler à votre mémoire tous les faits qui se sont passés depuis deux ans. Il n'en est pas un seul, j'entends parmi les faits importants, dominants, parmi les faits qui caractérisent la marche et la conduite du pouvoir, il n'en est pas un qui ne prouve que le gouvernement de Juillet s'est imposé ce rigoureux devoir, et qu'il l'a accompli. Six semaines s'étaient à peine écoulées depuis la révolution de Juillet, qu'il ferma les clubs et proclama son droit de les fermer. Quelques mois après la fermeture des clubs, le procès des ministres se jugeait dans cette enceinte. Qu'a fait le gouvernement dans toute cette affaire? Ne s'est-il pas dévoué à la cause de de l'ordre et de la justice? N'a-t-il pas protégé ses ennemis vaincus non-seulement contre les factieux, mais contre le préjugé public, le sentiment populaire? Peu après le jugement des ministres, un désordre déplorable, celui du 13 février, éclate dans Paris; le ministère tombe parce qu'il a été inhabile à le réprimer; un ministère nouveau se forme au nom de l'ordre; l'ordre était la mission du ministère du 13 mars, la mission de mon honorable, et je puis le dire, de mon illustre ami, M. Casimir Périer. (Très-bien! très-bien!) C'était sa mission de maintenir l'ordre en France, la paix en Europe, et cette mission il l'a glorieusement remplie. (Nouvelles marques d'adhésion.) Il a lutté pendant une année contre les principes anarchiques au dedans et au dehors, et pendant qu'il réussissait, il est mort, mort à la peine. Après sa mort, on a pu craindre que le système qu'il avait suivi ne fût affaibli, que le gouvernement ne chancelât dans cette voie. Une grande sédition a éclaté, et le courage n'a pas manqué aux ministres que M. Casimir Périer avait laissés après lui; le courage ne leur a pas manqué pour maintenir l'ordre dans Paris et venger la société attaquée.

A quelque époque, messieurs, que vous preniez le gouvernement de Juillet, dans tous ses grands actes, dans tous

les grands événements de son histoire, vous verrez dominer partout ce caractère d'une lutte franchement acceptée dans l'intérêt de l'ordre public et de la liberté de tous. Sans doute, il y a eu dans cette lutte des hauts et des bas, des vicissitudes, des suspensions; il y a eu des fautes commises: c'est la condition des affaires de ce monde; mais la lutte n'en a pas moins été franchement acceptée, constamment soutenue et promptement reprise, quand elle avait paru un moment abandonnée. (Marques d'adhésion.)

Non-seulement la lutte a été soutenue, mais elle l'a été avec succès, avec un progrès continuel. J'ose croire que je ne me fais pas illusion. Je n'ignore pas que nous avons encore beaucoup à faire pour ressaisir toutes les conditions de l'ordre social, pour rasseoir la société ébranlée. Nous avons beaucoup à faire; cependant depuis deux ans beaucoup a été fait. Les émeutes sont mortes, les clubs sont morts, la propagande révolutionnaire est morte, l'esprit révolutionnaire, cet esprit de guerre aveugle qui semblait s'être emparé un moment de toute la nation, est mort; l'esprit de paix domine aujourd'hui dans la société tout entière. Ce sont là, je pense, des progrès réels, des progrès qui amèneront tous

les autres.

J'irai plus loin, messieurs; je dirai que ce progrès a dépassé l'attente générale, et que là même réside une des difficultés contre lesquelles nous avons à lutter aujourd'hui.

Sous la Restauration, on pressentait dans l'avenir une révolution; une révolution semblait sans cesse suspendue sur nos têtes, tout le monde en parlait, tout le monde l'attendait, elle paraissait inévitable.

M. de Dreux-BrÉZÉ.-Ce n'est pas avant le ministère Polignac.

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M. le ministre de l'instruction publique. J'ignore si l'honorable membre qui m'interrompt n'a pas partagé ce pressentiment. Quant à moi, attaché pendant plusieurs années au gouvernement de la Restauration, et l'ayant servi loyalement et fidèlement, je déclare qu'il n'y a pas eu un

T. II.

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