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comme varité pour

vérité. Peut-être cette forme varité vient-elle de l'ancienne forme verté qui par l'absence de l'i rentrait dans la règle générale et pouvait se prononcer varté ('); Ex :

La verté de l'histoire.

(Rom. d'Alexandre cité par Fauchet.) des d. de Norm. vers 27481.)

(V. Chron.

Le dialecte bourguignon offre une foule d'exemples de 3me pers. plur. de parf. de l'indic. ou l'e devant r se change en a. On en rencontre surtout dans St Bernard à l'origine de la langue, et plus tard dans Rabelais, Ronsard et Dubellay.

<<< Les infinitifs en er, dit P. Delaudun d'Aigaliers, (Art. poét. franç. pag. 32), forment leur prétérit parfait en a. Ils gardent ladite lettre a en toutes leurs personnes, comme j'aymay, ils ay

marent. »

La pluspart de ces mulets

Tous chargez nous demeurarent
Et les plus visles genets

Par les esperons crevarent.

(Ch. hist. II. 490.)

Cette forme de parfait ne se rencontre plus dans le dialecte blaisois (je dis plus, car je pense qu'elle s'y trouvait du temps de Rabelais), par une bonne raison, c'est que excepté en certains cantons de la Sologne, l'on peut dire que le parfait défini n'y existe pas.

C'est ainsi qu'on dit fil far (fil de fer), mar (mer), gari (guéri), pari (péri), rencharir ou mieux renchardir (renchérir), hiar (hier),

etc.

Harsoir, Marie, en prenant maugré toy, etc.

(Ronsard, 2o livr. des Amours, chanson.)

(1) Un certain nombre de mots, même au XIIIe siècle, possédaient à la fois la forme populaire et abrégée, comme verté, ferté, noble et la forme directement calquée sur le latin, comme vérité, fermeté, nobile.

2o Dans un certain nombre de mots ou l'e est précédé d'un r, et par suite dans quelques-uns de ceux qui commencent par la particule itérative re:

Maintz sont qui d'entrer ens se hastent

Qui tous a l'entrée s'arrestent.

(R. de la Rose, vs. 6247.)

Empoint le bien, si l'ait fait trabuchier.

(G. de V. dans Burguy, II. p. 240.)

Or vois se j'y passe et rapasse.

(Un miracle de S'-Ignace, Buchon, p. 274.)

Puis, rapassant la mer...

(L. des Mas. p. 68.)

Cesse de plus ravasser.

(Desportes, ps. 41.)

Les pécheurs radressera. (1)

(Cl Marot, Ps. édit. de 1564, XXV. M.)

C'est ainsi que refreschir, usité au moyen-âge, est devenu au XVIe siècle rafraichir. On trouve de même regaillardir et ragaillardir, revigorer et ravigorer, travesti depuis et conservé dans le dialecte blaisois sous la forme ravigoter.

Divin harpeur, est-ce par la donzelle

Ou bien par toi que suis ravigoté ?

(M. Le Fèvre à M. de Voltaire, dans Naux Amus. Tom. XIV, pag. 71.)

N. B. Compar. avec la règle grecque : Tout verbe dont l's ou I'ʼn du radical est suivi ou précédé d'un change cet ou cet en α à l'aor. 2:

τρέπω, ἔτραπον.
τέρπω, ἔταρπον.

P

ρήγνυμι. (ρήγω) ἐῤῥάγην.
βρέχω, ἐβραχην. (*)

(1) En cette même édition, XXVII, B, je lis redresse, comme nous dirions aujourd'hui. Cette édition est, je crois, la même que celle qu'indique ainsi Brunet: Cent cinquante psaumes de David, en rime françoise par Cl. Marot et Théod. de Bèze, etc. Lyon, 1563, in-16. Brunet ne siguale pas l'édit. de 1564.

(2) V. Burnouf, gr. gr. par. 116 et H. Congnet, gramm. de la lang. grecq. 466, 4o.

3o Dans quelques mots ou l'e est suivi d'un ou plusieurs m ou n, comme même, gemme, (usité seulement dans sel gemme), étrenne, deuxième, etc. qui se prononcent meeme, meume ou mame; geume ou geamme; étreune ou étranne.

De son corps fauldra faire un haste
Ardent en flamme.

Hé! Vierge, précieuse gemme!

(Mist. de la Femme arse, Buchon, p. 351.)

Or, adieu donc, reyne de toutes femmes,
La fleur des fleurs, le parangon des gemmes.
(Le Maire, fol. CLXXIV, vsu.)

Pourras-tu bien endurer en toy-mesme
De perdre ainsy la princesse des femmes.
(Le Maire, fol. CLXXI.)

M. Artaud, qui fut recteur de l'Académie de Paris, prononçait ainsi le mot même. Il me souvient que, présidant un concours public où un candidat avait cité en ces termes la pensée bien connue de Buffon: « Le style, c'est l'homme, » M. Artaud l'interrompit brusquement: « Monsieur, quand on cite, il faut citer textuellement Le style est l'homme maame. »

4o Dans la plupart des mots, on peut même dire dans tous les mots commençant par la syllabe é ou hé, comme égrener, émietter, exempter, héritier, héritage, etc. pron. agheurner, amicuter, axemter ou euxemter, aritier ou arétier, arétage, etc.

Maistre, ne soiés abaubis.

(Li Jus Adan, Buchon, p. 65.) Tant tint li prestres son cors chier, Qu'onques non laissast acorchier, etc.

(Rutebeuf.)

Tu peux bien assaier.
(Palsgr., p. 416.)

4

On va, on vient, on s'accoute à l'aureille (1).
(Est. Pasq. t. II, p. 922.)

Acoute un peu.

(Molière, Don Juan, acte II, sc. I.)

Quant fu apoiez sur son coute

Anieuse, fet-il, c'acoute.
(Roquef. à coute.)

Cette règle, communément pratiquée dans le dialecte blaisois, s'applique moins à la voyelle é qu'au son lui-même; et la preuve, c'est que cette transformation en a se produit non seulement dans les mots commençant par é, mais encore dans plusieurs de ceux dont la syllabe initiale est la diphthongue ai, comme agu, aguille, aguillon (pron. agu-yon ou agheuillon) aguser, asselles, azément. La diphthongue ai, comme nous l'avons vu, se change même parfois en a dans le corps des mots : Vrament pour vraiement.

En revanche, il n'y a qu'un très petit nombre de mots ou l'a initial se change en é; Ex.: élourdir, égrandir pour alourdir, agrandir.

C'est par suite d'une transformation semblable que acouter est devenu écouter et appeler, s'il fallait en croire un grammairien, eppeler dans un sens tout spécial, puis épeler. Appeler, appliqué à la lecture, dans le sens d'épeler a été usité jusqu'à la fin du XVIe siècle. « Il faut dire : Appeler les lettres; cet enfant ne sçait pas encore bien lire, il ne fait qu'appeler les lettres. Eppeler ne se dit que par les maistresses d'école et parmi le vulgaire. Mais ceux qui parlent bien disent appeller: Il ne faisoit qu'appeller les lettres sans pouvoir lire leurs sons. » (Andry de Boisreg., 1692.) Voir Brachet, Dict. Etym. à épeler.

(1) Ecrit par deux c, il aurait plutôt ici le sens de se pencher, s'appuyer, s'accoter, comme on dit encore en dial. blaisois. Cf. Guy de Nanteuil, vs. 83.

Qui plus est souffroit m'acouter,

Joignant elle, près s'accouter.
(Fr. Villon, p. 91.)

4° Enfin dans quelques rares mots, qui ne rentrent dans aucune des classes précédentes, comme sacher pour sécher, alle pour elle, qual devant une voyelle pour quel, savatier pour savetier, lesquels je considère comme des formes dialectales de l'ancienne langue; Ex.:

Nus ne puet estre çavatiers à Paris, se il n'achate le mestier du Roy. (Et. Boileau, Livre des métiers, Titre LXXVI.)

Vous voyez qu'al le soutient -- Vous êtes témoin comme al l'assure. (Molière, Don Juan, act. II, sc. V.)

Dans le dialecte blaisois proprement dit, les è ouverts, comme je l'ai déjà fait remarquer, sonnent fermés et avec un accent trainant; Ex.: tête, tempête, faite, pron. téete, tempéete, féete. Les gens de la Sologne prononcent souvent cet é en a long tåte, tempâte, fate. Th. Corneille a essayé de reproduire cette prononciation dans une de ses comédies :

Car, voyez-vous, j'avons une tarrible tåte

Que j'cachons sous not' bonnet;

Je vous moudrai, grugerai, pilerai,

Menu, menu, menu comme la chair en pâte.

(L'inconnu, représentat. de 1679, divertissement du Ve acte.)

Comme complément à cette étude, j'engagerais à lire l'acte II du Don Juan de Molière. Bien que la scène se passe au bord de la mer, c'est le langage des paysans de l'Orléanais et du Blaisois, langage qui, du temps de Molière était probablement celui des villageois de l'Ile-de-France, que le poète comique a mis dans la bouche de Piarrot, de Mathurine et de Charlotte. On y remarquera que le caractère principal de ce patois de comédie est comme dans le dialecte blaisois le changement de l'e en a, chaque fois qu'il est suivi de deux consonnes dont la première est un r.

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