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Apareilliés a tous ses kemandemens faire. (Lett. de Rois, vol. I. pag. 286.)

Plusieurs parisiens doivent prendre garde à une mauvaise prononciation de ce verbe commencer, que j'ay remarquée même en des personnes célèbres à la chaire et au barreau, c'est qu'ils prononcent commencer, tout de mesme que si on escrivoit quemencer (Vaugelas.)

REMARQUE I. L'o sonne encore comme e muet ou comme e naturel non-seulement dans des mots ou la préposition formative com ou con est suivie d'un m ou d'un n, comme connaissance, qui se prononce counnéessance et qu'néessance, mais encore dans des mots ou ce son effacé de l'o ne se peut expliquer que par un caprice du langage, ou par une fidélité héréditaire de nos paysans aux traditions du vieux français. Peut-être encore est-ce par une transformation du son ou au son eu, pour éviter deux ou de suite dans le même mot, que le dialecte blaisois dit prepous ou plutôt preupous pour proupous (propos).

Ysopes escrit a sun mestre

Ki bien quenust (connut) lui et son estre.

(M. de Fr. I. p. 60.)

Deshonnerée l'arai.

(Adam de la Halle, Buchon, p. 29.)

Et selon l'ordenance de Dieu qui point ne fine. (Le Déb. du Corps, p. 61.)

La bonne velonté que l'on voet et savoit que vous avez a nous. (Lett. de Rois. I. p. 300.)

Des queus est a voire volentė.

(Lett. de Rois, I. p. 189 et 190.)

Quant ma voulenté n'ai de tei

Ja nul henor n'aura par mei. (M. de Fr. I., p. 63.

Faictes-en et en ordonnez,

Je le vous dy cy devant tous,

Ce qui vous viendra a prepoux.

(M. du S. d'Orl., vs. 19263.)

C'est ainsi que horologe du latin horologium, après avoir passé par oriloge (Voir Rois, pag. 447, lignes 13 et 45 uns oriloges, en cest oriloge) est devenu, conformément à la règle de la suppression des brèves atones, (') orloge; et provost, qui s'est conservé comme nom propre, prévost.

Et puis fait sonner ses orloges

Par ses salles et par ses loges. (Rom. de la R., vs. 21951.) REMARQUE II. Dans un seul mot, dans tomber, l'o sonne comme u ou comme i, tumber, ou plus communément timber.

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« L'u grec se change en u, rúubos, tumbe, d'où tumber. » (J. Dubois, Isagoge, 1531, dans Livet, p. 15 )

Il y avoit quelque escripture sur sa tumbe. (Palsgr., p. 675.)

L'u, dès les origines de la langue, avait deux sons, ou et eu, ce qui a donné les deux prononciations toumber et teumber. Teumber se disait encore en certains pays à la fin du XVII° siècle avec la même prononciation qu'aujourd'hui dans le dialecte blaisois. En voici la preuve :

« Il faut dire tomber. Autrefois on disait tumber (prononcez la première syllabe comme la dernière d'Autun); il y a encore des pays où on le dit, ce qui pourroit bien venir du grec úplos, qui signifie une fosse, d'où vient qu'on dit encore en quelques provinces une tumbe pour dire un tombeau. » (A. de Boisreg., 1692, p. 665.)

Cf. l'allemand sinfuot, la grande inondation, transformé par le peuple par une opération inverse à tumber-timber en sündfluth, inondation du péché.

Lisez toumbe, plutôt que teumbe, dans ces vers de Jehan Lemaire, bien qu'il soit resté fidèle à l'orthographe primitive:

Et lui fut fait ce monument et lombe,

Dessus lequel pluye et rousée tumbe. (Fol. CLXXII, verso.)

(1) Voir sur cette règle A. Brachet, Du rôle des voyelles latines atones dans les langues

romanes.

Je dois dire, pour être exact, que l'on trouve concurremment au moyen âge les deux orthographes tomber et tumber. On trouve même la première forme dans le sens actif de faire tomber, renverser, sens qui n'est pas indiqué dans le Dictionnaire de l'Académie, bien que tomber quelqu'un se soit conservé jusqu'à nos jours comme terme d'agonistique.

Mais qu'une fois la mort te tombe. (Alph. de la M. K.)

CHAPITRE V.

De la prononciation de la voyelle U.

RÈGLE I. U dans le dialecte blaisois sonne généralement eu; Ex.: nature, morsure, piqûre; j'ai bu, tu as vaincu, il a aperçu; sur, mur, obscur; pron.: nateure, mourseure, pequeure, j'ai beu, t'as veunqueu, il a-z-aparçeu, ou il a-t-aperceu; seur, meur,

osqueur, ou seu, meu, ousqueu.

Telle a été en effet, non pas la seule prononciation de la voyelle u, mais une des plus communément employées depuis l'origine de notre langue. Je ne m'occuperai ici de la prononciation de la voyelle u qu'au XVIe siècle, qui lui-même l'avait reçue des siècles précédents.

Eû, dit J. Dubois (1531) est signe de diphthongue; Ex.: fleûr.

flos. >>

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Eu, c'est eû, mais d'un son plus sourd, comme cueûr, meurt, cor, moritur. >>

Ainsi - qu'on ne l'oublie pas eu, d'après Dubois, a deux sons, l'un fermé, l'autre ouvert. Le premier seul s'est conservé dans le dialecte blaisois. On a remarqué que la Comédie française, gardienne fidèle de la tradition, prononçait les finales en eur beau

coup moins ouvertes que dans le langage usuel. Nos paysans prononcent eu le plus fermé possible, d'un accent un peu traînant; ils disent une heure, une fleur, en faisant sonner cet eu, à peu près comme eue dans queue.

«E, écrit plus loin le même grammairien, se change en eû: debitum, deû, ou deût, ou debte; i en eû, visus, veù;

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eú, hora, heûre, -u en eû, fluvius, fleûve. »

o en

Ainsi en 1534 les participes veu, deu, aujourd'hui vu, du, se prononçaient réellement comme on les écrivait; et non-seulement ceux-là, mais tous les participes en eu, sans excepter même celui du verbe avoir; Ex.:

On ne pourroit mieulx

De ce qu'elle dit et propose;

Ce sont fais et dis souteneux.

(M. du S. d'Orl., vs. 15283.)

G'hai receûples tes letres; g'heisse eû faîct; g'heùsse eû aîmé; ils keûssent aimé. (J. Dubois.)

Il ne faudra donc pas s'étonner, si lors même que la diphthongue cu aura été dans une foule de mots contractée en u, le peuple, les courtisans, et les poètes, fidèles à l'antique usage, continuent à conserver à cet u le son de cu.

Je vais plus loin, et je prétends, fondé sur mes propres observations et confirmé dans mes idées par l'autorité de Palsgrave, que le son eu n'était pas alors représenté seulement par la diphthongue eu, mais encore par la voyelle u.

« L'u voyelle français, dit-il, sonne comme en anglais le son ew dans les mots reve, an herbe, (qui s'écrit aujourd'hui rue, prononcez reue) ('); a mew for a hauke, (pron. meue; en français, une mue); a clew of threde (auj. clew et clue, pron. cleue.)

Ainsi dans les mots plus, nul, humble, vertu, etc. les français pro

(1) Je note ici la prononciation anglaise du XVIe siècle et non celle d'aujourd'hui qui seroit rioue, mioue, etc.

noncent en traînant sur la prononciation de la voyelle Pleuus, neuul, feuus, euuser, heuumble, verteuu. » (Palsgr. p. 7.)

G. du Guez ne parle pas autrement : « Vous prononcez l'u, ditil, comme le font les Ecossais dans le mot gud» (pron.: gueud; c'est le good des Anglais).

Et ceci est tellement vrai que dans une pièce de vers d'Alain Chartier ainsi qu'en diverses autres citations où Palsgrave rapproche la prononciation de l'orthographe, et fait constamment entr'elles une comparaison intra-linéaire en inscrivant sous le texte du poète de Charles VII la manière dont on le lisait sous François I", la voyelle u est perpétuellement notée eu; Ex. :

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