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meumiliaunt

jeugemans

sou la poynteuro
de sa peunisioun

mainteneues

serviteudo

preudanso

vaynkeurs vainkeus.
(Id. p. 57.)

Ne faudrait-il pas être aveugle en présence de preuves aussi concluantes pour nier l'attribution du son eu à la voyelle u, et estil besoin de recueillir dans les poètes du XVIe siècle, où d'ailleurs elles fourmillent, des citations à l'appui?

C'est dans le Dialogue de l'ortografe et de la prononciation francoese du Manceau Jacques Peletier (1550) qu'il est fait mention pour la première fois de la transformation de la dipthongue eu en u dans les participes : « Incidemment faut dire ici, répond Dauron, l'un des interlocuteurs, que pour la même cause les supins seu, peu, teu, deu, conneu, etc. ont été mis en su, pu, tu, du, connu, etc.; item asseure, alleure, monteure, jeuner en assure, allure, monture, juner et beaucoup d'autres. »

J'ai ici plusieurs conclusions à tirer. La première, c'est que c'est

entre 1530, où écrivoient Dubois et Palsgrave, et 1550, où écrit Peletier, que le son et la diphthongue eu ont commencé à se transformer en u; la seconde, c'est que de l'aveu même de Peletier, cette transformation n'a pas été subie par tous les mots terminés en eu et en oure; la troisième, c'est qu'il faut bien se garder de croire que cette pronciation en u fut alors aussi répandue que pourroient le faire penser les paroles de Dauron. Nous verrons en effet un grand nombre des mots, dont il s'agit, se maintenir en prose et en poésie pendant tout le XVIe siècle, et qui le croirait? jusqué dans le sévère Mallterbe lui-même. Le verbe asseurer, dont Peletier affirme si imperturbablement la métamorphose en assurer, vivra pendant la plus grande partie du règne de Louis XIV, et n'expirera qu'au seuil du XVIIIe siècle. Quant à juner, dont on trouve encore des exemples dans Lafontaine, il est bien mort aujourd'hui: jeuner promet d'être immortel.

Et la preuve que cette prononciation en u ne sortait point, même alors, d'un petit cercle de novateurs, c'est que pas un des poètes contemporains de Peletier, ni Ronsard et sa pléiade, ni Est., Pasquier, ni L. des Masures, ni J. du Bellay, ni du Bartas lui-même, quoique postérieur, n'appuient de leurs exemples les préceptes du grammairien.

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Mais pourquoy te fais-je demande

De si peu de baisers, friande,

Si Catulle en demande peu?
Peu vrayment Catulle en désire,
Et peu se peuvent-ils bien dire,

Puisque compter il les a peu. (Joach. du B. Bayser.)
Puisse arriver après l'espace d'un long âge

Qu'un esprit vienne a bas sous le mignard ombrage

Des myrtes, me conter que les âges n'ont peu

Effacer la clarté qui luist de notre feu.

(Ronsard, 2 livr. des Amours, Elég. à Marie.)

Je te feray tous les ans un grand vou,

1572.

Heureux rideau! non que par ta présence
J'aye cueilli le fruit de jouyssance.
Las! arriver à ce poinct je n'ay peu.

(Est. Pasq. Jeux poét. Loyauté.)
Les Dieux, les rois, le sang, le fer, le feu
En vers francoys Desmazures entonne
Qui a cerché Virgile, où il étonne
Tout l'Elysée au bruire de son jeu.
Puis est sorti sus en l'air peu à peu
Pour déclarer l'Enfer qui d'horreur tonne,
Chantant ainsi que le fils de Latone,

Ou que sonner le grand Virgile a peu.

(Fr. de Clémery dans L. des Mas. p. 263.)

Et ce participe peu dont je pourrais citer bien d'autres exemples, est précisément un de ceux de la finale desquels Peletier affirmoit positivement la transformation en u!

Ramus (1562) ne parle pas des participes. Il se contente de signaler la présence de la diphthongue et de la prononciation eu dans peur, seur, meur. Juste vingt ans après Henri Estienne dans son Hypomneses écrit ces lignes toutes contraires : « seur, meur se prononcent sur, mur, u long ». Il n'est peut-être pas un poète au XVIe siècle, qui ne donne raison à Ramus contre H. Estienne.

En revanche, les grammairiens paraissent désormais d'accord sur la finale des participes; le son u gagne de jour en jour du terrain; et au rebours de Rob. Estienne (1558) qui donne pour exemples de la diphthongue eu seur, meur, peu, meurement, esmeu, heureux sans faire de distinction entre la prononciation eu dans chacun de ces mots, Henri Estienne (1582) fait remarquer que dans il pleut et dans l'adverbe peu on n'entend pas le même son que en j'ai pleu et j'ai peu.

En 1584 la question paraît définitivement tranchée et Théod. de Bèze constate qu'à l'imitation des Picards, les Français prononcent par u simple:

1° Les mots seur, meur et leurs composés ;

2o Tous les noms en eure long, dérivés des verbes, comme blesseure, casseure, navreure, etc.;

3° Tous les participes passés passifs, masculins ou féminins, terminés en eu, eue, comme beu, beue; deu, deuc; leu, leue, etc.

Et il ajoute : « C'est à tort qu'on fait rimer heur et dur; engrareure et figure; heure et nature, faute qu'on retrouve en Guyenne ». (De Franc. ling. rect. pronunt. 1584.)

Aussi les poètes se montrent désormais moins prodigues de rimes condamnées par les grammairiens et les courtisans, et l'on peut dire que dorénavant, en poésie du moins, l'attribution du son eu à la voyelle u est une exception. On n'en rencontre que deux exemples dans Desportes:

O temps, qui du haut ciel la vitesse mesures,

Las! retourne, disois-je, à mesurer les heures. (Elégie V.)
Amour n'est point si beau; Angélique n'eut sceu

Se garder d'enflammer aux rais d'un si beau feu.

(Angélique.)

Et là-dessus Malherbe de s'écrier: « Rimes provençales! rimes gasconnes! mauvaises rimes! on dit feu et heure par diphthongue, mesures et sçu par voyelle simple. » (Comment. sur Desportes.) Mais, ô terrible Malherbe, quand on est si sévère pour les autres, on devrait au moins prêcher d'exemple, et je ne reconnais plus le critique de Desportes dans l'auteur des vers suivants :

Non, Malherbe n'est point de ceux

Que l'esprit d'enfer a déceus.

(A M. de la Garde, 1628, année de la mort de Malherbe.)

Cf. Cur. in. p. 518: Plusieurs peuvent être déceux.

Pour moi dans ce que j'en ai veu

J'assure qu'elle aura l'aveu

De tout excellent personnage. (Id. id.)

On peut suivre pendant la plus grande partie du XVII siècle la lutte dans certains mots entre cu et u. Ainsi je note dans Nicot (1606) Heurler et hurler; meusnier et munier; meurler et mugler; beurre et burre; beuvrage et bruvage; etc. J'y rencontre meur et seur sans même que la seconde forme mûr, sur soit notée. Ménage est le premier qui dans son Dictionn. Etymolog. ait signalé la double orthographe et la double prononciation sûr et seur: « En latin, dit le P. Chifflet (1658), on fait sonner l'e et l'u comme dans Europa, Eurus; en français l'on n'entend qu'un son : Fleurir, MEURIR, peureux, feu, peu ». — « La diphthongue eu, dit plus tard (1692) Andry de Boisregard, est longue: Creuser, meugler, excepté seule, ASSEURER, fleuron. »

Ainsi l'on voit qu'au moment ou le XVIIIe siècle va s'ouvrir, le verbe asseurer, condamné par Peletier dès 1550, conserve encore des prosélytes même parmi les grammairiens.

Aujourd'hui il n'y a plus que le mot gageure sur lequel on soit partagé. L'Académie dit gajure, et M. Louis Veuillot gageure. (') Victrix causa Diis placuit, sed victa Catoni.

REMARQUE I. U se prononce i dans jupon, ruban, pron. : jipon ou jeupon, riban ou reuban.

Un bon gipon ouvré vesti et boutonna.

(Chr. du Guesclin.)

Argent ne pend à gippon, ne ceinture. (Fr. Villon, p. 218.).
Estreinte d'un riban qui de Montoire vient.

(Ronsard, Amours, II, La quenouille.)

U se prononce aussi très souvent i dans un, lundi, manufacture, pron. in, lindi, manifacture. (Ce dernier se prononce aussi maneufacture et manéfacteure):

« Ce mestier estant divisé en beaucoup de parties, c'est-à-dire en plusieurs sortes de manifacture. » (H. Est. Précell. p. 144.)

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