Ex.: Et Messire Florent d'Illiers Avec mes gens pres a pres (Mist. du S. d'Orl. vs. 17879.) A Paris, et par exprez (Vous savez le besoin qui est) (') Et artillerie abondance. (Id. vs. 7892.) Lisez Illiée, prée, esprée, s'i vous plée, irée, qui ée. Voisin, ne songe en procez: On en a toujours assez. (Ol. Bass. p. 41.) Tous vos procez (J. le Houx, p. 138.) Et toy, mon pere cher, te plaise en ta main prendre Car d'une si grand guerre et d'un carnage frais A moi n'aguere issu, ce seroit forfaiture Les toucher de la main. (J. de Montl., p. 25.) Tu revestis de verdeur les forés ; Tu peints de fleurs et champs et prés. (Id. p. 506.) (1) Née ne serait-il pas pour n'est en ces vers d'Eust. Deschamps, poète du XIVe siècle, (P. 152): Quand jadis fu assenée, (mariée) Honourée Et bien amée, Fors doubtée Du plus vaillant cœur que née. J'aimerais mieux cette explication que de supposer l'ellipse de riens dans cette phrase que riens née, que chose née, si souvent usitée dans le sens de qu'âme qui vive. Le vaillant Briarée et Cotte avec Gygés Gardes de Jupiter, loiaux, y sont logės. (Id. p. 84.) Mon ventre affamé abaye Comme l'oisillon qui bée. (Est. Pasq. Jeux poét. Ambition.) Et les mépris des grands Dieux immortels (1) Mère des Rois, etc. (Rons. Franciade, III° ch.) Sa bouche encore ouverte, et ses deux bras croisez La cause et la façon. (G. du Bartas, la Vocation.) Et cette prononciation d'ai et è en é fermé s'est, de l'aveu des grammairiens, prolongée dans un grand nombre de mots jusques en plein XVII siècle. « L'ai ou ay, dit le P. Chifflet, se prononce comme un é masculin en ces mots : j'ai, je sçai, aisne, lisez : J'é, je scé, éne, et en tous les ai qui terminent les futurs et les prétérits des verbes j'aimai, j'aimerai, lisez : j'aimé, j'aimeré. Mais ne prononcez pas en é masculin comme l'enseigne un grammairien, (il y avait donc encore au moins un grammairien fidèle à la prononciation du moyenâge) bréviaire, grammaire, paire. Autrement nos petits écoliers. diront: Je porte ma grand-mère dans mon sac, et à ce compte l'on dirait Deux péres de bottes. >> Pour comprendre le sel de cette plaisanterie, il faut savoir que dans père et mère l'e au XVII° siècle était fermé, absolument comme aujourd'hui dans le dialecte blaisois. « Dans piége, liége, siége, pére, mére, frére, dit le même auteur, on pro (1) Els qui primitivement sonnait eus se prononçait depuis longtemps és: Je m'en retouray à l'ousté (hôtel) De mon bon père et de ma mère, Que vous avez cueur enhorté. (M. du S. d'Orl. vs. 7256.) Apprenez, enfans, et notez: ....Gentilshommes de bons hôtels. (Coquillart.) Quand par son poix ces corps faux et cruels Furent gisans, desrompus et tués. (Marot, 1r livr. des Métam. d'Ovide.) Cf. Belfort et Béfort. nonce la pénultième en é masculin. » Ainsi frère se prononçait encore au siècle de Louis XIV, comme au temps de St Bernard : Chier freire. Du reste il s'est trouvé jusqu'au XVIIIe siècle des grammairiens pour défendre le son fermé de la diphthongue ei : « Ei ou ey, dit le P. Buffier, marque le même son que l'e simple ou accentué : peine, enseigner, prononcez: péne, enségner. » Que diriez-vous en effet d'un personnage qui se conformant aux prescriptions de la Grammaire des Grammaires dirait : J'ai bien des peines (de cœur), du même accent qu'un serrurier pourrait dire : J'ai bien des pènes (de serrure)? NOTA. Les finales en aie suivent la règle générale et se prononcent ée, mais seulement dans les noms et les adjectifs: Orfraie, raie, vraie, gaie, etc., prononcez: Orfrée, rée, vrée, guée, etc. (') REMARQUE I. Nous avons vu (1re partie, chap. 2, règle 2) que l'é fermé se prononce souvent comme e naturel, c'est-à-dire eu. La diphthongue ai sonne souvent de même. Ainsi pour j'aimerais, ils étaient, il se trompait, on dit tout aussi bien j'eumerée, iz eutaint ou il éteùnt, i's'troumpeut, que j'émerée, il été, i's'trompé. << Les François, dit Garnier (1558), ont trois diphthongues ay, oy, oe qu'ils prononcent généralement par e simple et plut à Dieu qu'on écrivit comme on prononce meson, oreson, foé, francoes, « Les uns, écrit Peletier, disent plesir, les autres plaisir, par un e clair. >> Aujourd'hui les uns disent eimer; les autres emer; les uns j'emois; les autres mettent i ou y en la penultime et disent j'emoye. » (Peletier, dial. de l'ortografe.) Emer opposé à eimer, n'est-ce pas la prononciation actuelle de (1) Cf. Alphabet nouveau de la vrée et pure ortografe françoise, etc., par Rob. Poisson, Paris, 1609. nos paysans blaisois eumer, en regard de la prononciation française aimer? Et par tous les saints j'emeroye Mieux morir que n'estre vengé. (M. du S. d'Orl. vs. 15256.) REMARQUE II. De même que é dans certains mots se prononce a atouner, acouter, etc., ainsi, mais dans un nombre de mots beaucoup plus restreint, ai sonne à: Agu, aguser, claron, pament, vrament, etc., pour aigu, clairon, paiement, etc. Obliez trompettes, clarons. (Gde Ds Mac. p. 7.) Il a bien sa char revestue De bonne pel. (Un miracle de S' Ignace, Buchon, p. 290.) Vifs comme dars, aguz comme aguillon. (Fr. Villon, p. 197.) Sachez, amy, que nostre poésie N'entre aysément en toute fantasie. (Nic. Ell. p. 40. Cf. p. 66.) Desjà le point du jour sur l'horizon naissant (Les Dél. de la P. p. 52.) Voir Mist. du S. d'Orl. p. 196 clarons, baffroy pour clairons, beffroy. La diphthongue ai et la voyelle é ayant le même son dans la vieille langue, il n'est pas étonnant qu'elles aient subi les mêmes modifications. Du reste, comme nous l'avons vu, le son fermé de ai se notait souvent par e dans l'orthographe: Rabesser, espesse, (épaisse), souhetter, etc. Les autres passe, autant qu'argent l'erain. (Cl. Marot, Epigr. 25.) C'est par suite d'un changement analogue qu'un grand nombre de mots qui au moyen-âge avaient la diphthongue ai l'ont vue transformée, les uns dès le XVI, les autres au XVII siècle, en a. J'ay veu par forte glaive, Edouard, roy Anglois, Expulsé comme esclaive De ses royaux angletz. (Jeh. Mol. p. 160.) Chascun aignelet Sera vestu de pourpre violet. (Cl. Marot, I. p. 145.) Ses vaisseaux elle embraise Et des encensemens mesle parmi la braise. En lassis le tressant pour les salairier. (Id. p. 405.) Bref, plus soudain que je ne le déclaire, Je fus muée en eau coulante et claire. Nos paysans ont conservé déclairer et salairier. C'est ainsi qu'on a dit une vaiche, je saiche, une taiche ou une teche, etc. Voir le nota de la remarq. 3 du chap. I, 1" partie, sur les terminaisons en aige-age dans les substantifs, p. 5. REMARQUE III. Ai dans les terminaisons en aie des verbes en ayer, je paie, je balaie, et dans le subj. d'avoir, que j'aie, se prononce en ay-ey mouillé : Je peille, je baleille, que j'eille. On dit aussi quelquefois que j'a-ye (Prononcez comme le subst. ail.) Je peille, je baleille, que j' eille est une prononciation parisienne constatée par Geoffroy Tory, dans son Champfleury, dès 1529 : << Les dames Lyonnoises, dit-il, prononcent gracieusement souvent a pour e. Au contraire les dames de Paris au lieu de a prononcent e bien souvent quand elles disent: Mon méry est à la porte de Péris ou il se faict péier, au lieu de dire: Mon mary est à la porte de Paris ou il se faict païer (pa-yer.) Ainsi tandis que les Lyonnoises prononçaient je pa-ye, les Parisiennes disaient je pé-ye. C'est cette dernière prononciation que |