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Mais le mien cueur adonc plus elle enflamme,
Car son alaine odorant plus que basme
Souffloit le feu qu'amour m'a préparé (Marot.)
Ange divin, qui mes playes embâme,

De quelle porte es-tu coulé des cieux

Pour soulager les peines de mon âme?
(Ronsard, sonnet XXX.)

Cf. également ces exemples tirés des œuvres diverses de Jehan Molinet, poète du XVIe siècle :

J'ai vu de deux Royaulmes

Deux rois contemporains

Confesser en leurs ames

Haulx motz et souverains. (G. Chastel., p. 157.)

Les Vigilles auront des ames

Trois feuilles après les sept Pseaulmes.

(Jeh. Mol., p. 197.)

CHAPITRE III.

De la prononciation de la diphthongue AY.

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RÈGLE. Ay se prononce généralement comme en français dans payer, essayer, effrayer, et par une conséquence logique on dit je pé-ye, j'effré-ye, j'essé-ye et non je paie, j'effraie, j'essaie. Cette question ayant déjà été traitée à propos de la diphthongue ai, je n'y reviendrai pas.

EXCEPTIONS. 4° Ay se prononce comme ai, c'est-à-dire éc dans paysan, paysage, et leurs composés, pron. : piezan, péezage, péezanner, etc. (Voir 4re partie, chap. VI., p. 57.)

2o Dans les temps du verbe avoir ou l'y est suivi d'une autre voyelle qu'e muet et dans un très petit nombre de mots, comme

rayon, crayon, la liaison ne se fait pas entre l'a et l'y et le son. mouillé disparaît; Ex.: ayant, ayons, ayez, etc., pron. a-yant, a-yons, a-yez, ra-yon ou ray-on, cra-yon ou cray-on. On dit même quelquefois que j'a-ye, que tu a-yes, qu'il aye.

« En ayant, a est une syllabe et yant une autre par contraction de deux.» (Guil. des Autels, 1548.)

L'y se détache toujours nettement de la voyelle suivante. Ayons se prononce a-y-ons. » (Claude de S'-Lien, 1580.)

Que j'aye, que tu ayes, qu'il eyt, que nous ayons, que vous ayez, qu'il ayet.» (Meigret, 1548.)

La différence d'orthographe entre les autres personnes et qu'il cyt prouverait que Meigret prononçait que j'a-ye, quand bien même il n'ajouterait pas plus loin : « Dites ayant, et non eyant. »

« Ayant et ayez d'avoir ne se prononce pas en e, eyant, eyez, mais en a, ayant, ayez. » (L. Chifflet, 1658.)

Inconséquence étrange: il n'y a dans le Dictionnaire de l'Académie trois substantifs terminés en aye, et elle indique pour que tous les trois une prononciation différente. Il faut dire une abbaye (abéie), un cipaye (cipa-ye, cipail; il est vrai que ce dernier mot est étranger), une paye (paie). Le paysan blaisois ne se sert jamais des deux premiers noms, l'un, parce qu'il le remplace par le mot de couvent, l'autre, parce qu'il l'ignore. Quant au troisième, il le prononce substantif, comme il le fait verbe: il pé-ye, une pé-ye.

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NOTA. Au lieu de balayer, on se sert de préférence de balier, qui sonne généralement baliller (11 mouillés); de même pour les composés balieur, baliure, baliement. Ce n'est point ici un changement d'ay en i, comme nous l'avons vu pour baiser, transformé en biser, bicher, biger; c'est tout simplement une forme, autrefois en usage, conservée de préférence à une autre.

En effet, nos verbes en ayer ont eu généralement deux et même trois formes au moyen-âge, selon les dialectes, ier, ayer ou eyer et oyer; par exemple :

Néier et noyer, payer et poyer,
lier et loyer, seier et soyer, (')
charrier, charreyer et charroyer
fouldrier, fouldréier et fouldroyer,
plier, pleyer et ployer,
(plion, pleyon et ployon),
prier, preier et proier,

(prière, preière et proière),

balier, balayer et baloyer,

1° ÉIER.

nestier, nettéyer et nettoyer,

suplier,

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suployer.

AIER. Preiez Deu mercit. (Ch. de Rol. II, 472.) Que nos seioms avisés. (Lettr. de Rois, etc. Eléon. d'Angl. à Ed. I.) Reneiè p' renié. (Chr. d. d. de Norm. II, p. 176.) Desveier. (Id. II, 254.) Sopleie p' supplie; otreie p' octroie. (Id. II, 485.) Nus souppleions. (Lett. de Rois, I. p. 436.) Neier. (Liv. du bon Jehan, p. 525.) Pléier. (Burguy, II, p. 311.) Sejer les bleds meurs. (J. de Montl. p., 23.) etc.

Ne vus esmaiez. (Ch. de Rol. I, p. 27.) Esmayer, nayer. (Rom. de la R., vs. 6291.) Abayer. (MTM P. Path., p. 115.) Abaie. (Chr. d. d. de Norm. II, p. 455.) Je l'otrai p' octroie. (R. du Ren., vs. 3170.) Braiez p' broyés. (J. de Montl., p 561.) etc.

2° OIER. Elle me semont et proie. (Mot. et Pastour. du XII!® s. Buchon.) Renoyent p renient. (Rom. de la R., vs. 5129.) Chastoye p' chastie. (Id. vs. 10453.) Noier p' nier. (Chr. d. d. de Norm., addit. III, p. 873.) Proiez p' priez; soyez du verbe être; soiez p' sciez; loiez p' lies. (R. du Ren., I, p. 457, 541.) Ploie. (Ibid., vs. 14837.) Desvoie. (Lais inéd., p. 108.) Au povre bestail qui s'effroye. (Eust. Desch., p. 14.) Effroyée. (Mr P. Path., p. 193.) Je vous poirrẻ p' paierai. (Liv. du bon Jeh., p. 492.) Poyer. (Ch. Bourd., p. 56.) Vous ne poyerez rien. (Palsgr.. p. 527.) Royé p' rayé. (Liv. du bon Jeh., p. 515.) Balloyer et nectoyer. (Jeh. Bouch., fol. XXIII.) etc.

3o IER.

tre

Prie-li s'aïde m'envoit. (Un mir. de S'-Ign. Buchon.)

(1) V. Eust. Desch. p. 71.

Prier Jhesus. (Un mir. de St-Val. Ibid.) Souplions à nostre fil. (Lett. de Rois, Marg. de Fr. à Ph. le Hardi.) fouldriez p' foudroyer. (Rom. de la R., vs. 5649.) Je vous pry p' prie. (Mtre P. Path., p. 189.) Chastie. (Rom. de la R. II, p. 298.) Ottriée p' octroyée. (Lais inéd., p. 14.) Je l'ourie. (Rom. du Ren., vs. 5430.) Josqu'a la terre si chevoel li balient. (Ch. de Rol. II, p. 459.) Je balie and je baloye. (Palsgr., p. 745.) Festier (Ch. Bourd., p. 102, 103.) Je festie and je festoye. (Palsgr., p. 548.) Guerrie et guerroie. (Ch. d'Orl., p. 109, 118.) Je costie and je costoye. (Palsgr., p. 499.) Je renie and je renoye. (Id., p. 556.) Je nestie and je nettoye. (Id.)

De ces formes diverses nos paysans, comme le français d'aujourd'hui, ont conservé l'une au détriment des autres; seulement la langue française et le dialecte blaisois n'ont pas toujours fait tomber leur choix sur la même forme. Le français et le blaisois ont conservé également lier et scier, mais tandis que le premier préférait noyer, plier, (') balayer, le second adoptait néyer, pléyer, balier. Qu'est-ce qui a déterminé leur choix entre ces terminaisons? L'euphonie? le caprice? Je n'en sais rien. Mais un fait remarquable dans notre dialecte, qui touche par tant de points au bourguignon, c'est qu'il repousse dans un grand nombre de verbes les terminaisons en oyer.

Balier que l'on prononce en trois syllabes ba-li-er (baliller) a été en usage jusqu'au XVIIIe siècle. Le Dictionnaire de Trévoux est à ma connoissance le dernier qui l'ait signalé.

« BALIER, balayer. Ce dernier mot se prononce comme s'il était écrit baléier. Balier et balayer sont bons tous deux, mais balier est plus en usage que balayer, parce qu'il est plus doux à l'oreille. Il signifie netéier avec un balai. Ex.: balier une chambre. Eole lâche les vents, quand il faut balier le monde. (Scarron, Virg. travesti, liv. 1.) Ce mot se dit aussi des

(1) De même que le français a conservé les deux formes plier et ployer, le dialecte angevin a conservé les deux formes scier et soyer, mais dans des acceptions différentes, scier s'appliquant spécialement au bois et soyer aux moissons.

habits longs qui trainent et amassent des ordures: D'une robe à longs plis balier le barreau. » (Dépr. sat. I. Dict. de Richelet.)

Aujourd'hui l'on n'a plus de mots en français pour dire un marchand de balais, à moins que l'on ne se serve de l'un des barbarismes de nos dialectes du centre: Balilletier, balaitier, balayetier et balaissier. Au siècle de Louis XIV, balieur s'appliquait au balayeur, a celui qui balaie les maisons ou les rues; balayeur et balayerse signifiaient uniquement un marchand, une marchande de balais. (Voir Richelet.)

CHAPITRE IV.

De la prononciation de la diphthongue El.

REGLE UNIQUE.

Ei se prononce généralement comme é fermé, c'est-à-dire que: 4° tantôt il sonne é; ex.: Peine, veine, pleine, prononcez péne, véne, pléne et non pène, vène, plène; 2o tantôt eu: Peune, veune, pleune; 3° tantôt a bref: Pane, vane, plane, trois prononciations différentes que l'on entend quelquefois d'une seule et même bouche s'appliquer aux mêmes mots. La forme poine pour peine, archaïsme usité en Anjou, est inconnue dans le pays blaisois, bien qu'on y ait conservé poitrir pour peitrir-pétrir.

La prononciation de ei en é provient, je crois, du dialecte de l'île de France. Le Roman de Renart en fournit de nombreux exemples. Celle d'ei en eu vient de Bourgogne ou l'on a l'habitude, encore aujourd'hui, de faire sonner ainsi les syllabes ai, ei, è, Ex.:

é;

Say bontay l'emeune

En masque no voy.

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