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ments des conséquences qui sembleront inadmissibles. S'il est exact qu'une connexion existe entre deux œuvres qui présentent le même canon humain, les mêmes conventions pour le traitement des yeux, des cheveux, de la barbe, des draperies, c'est aller trop loin que conclure qu'un même auteur a exécuté les deux œuvres ou que l'une est une copie de l'autre. Quand on sait avec quelle facilité les ivoires, les miniatures, les étoffes historiées circulaient au moyen âge, on n'est pas étonné de voir le même modèle reproduit par des sculpteurs de régions très éloignées et même. d'époques différentes. Or, sans tenir compte de ce fait, M. Kingsley Porter conclut toujours ses analyses comparatives en subordonnant les unes aux autres les œuvres qu'il rapproche. Il lui suffit de trouver des analogies entre quelques figures ou quelques retombées de draperies pour attribuer le portail de Conques à deux maîtres de saint Jacques, pour soutenir qu'il y a identité entre Gislebert auteur du Jugement Dernier d'Autun et Gilabert, le sculpteur des Apôtres du portail de Saint-Étienne de Toulouse, pour retrouver l'activité de maîtres lombards en Provence, en Languedoc, en Espagne, en Poitou. Chacun de ces rapprochements mériterait une discussion, impossible à instituer ici, mais on s'aperçoit à la lecture que, pour un grand nombre d'entre eux, les analogies invoquées sont trop restreintes et trop superficielles pour qu'on puisse conclure à la subordination d'une œuvre à l'autre.

M. Kingsley Porter reconnaît que les premières tentatives de sculpture monumentale datent de l'époque carolingienne, mais, d'après lui, l'essor soudain de la sculpture romane au

début du XIe siècle est dû à des influences étrangères : c'est d'Orient, d'Arménie, de Byzance que sont venus les modèles imités aux portails des églises catalanes, bourguignonnes, lombardes. Je sais bien que Strzygowski a publié des vues de monuments arméniens (Die Baukunst der Armenier und Europa, 2 V., 1918) datés du xe et même du viie siècle qui ne laissent pas d'être impressionnants, mais en admettant même, ce qui est à prouver, que des sculpteurs arméniens soient venus travailler en Occident au XIe siècle, il n'en existe pas moins un développement organique et régulier de la sculpture romane que l'on suit depuis l'époque carolingienne et qui accompagne de près les progrès de la taille des pierres. C'est seulement quand les maçons sont devenus capables d'appareiller les édifices qu'il s'est trouvé des sculpteurs pour les décorer. A l'époque carolingienne le stuc plus maniable servait souvent à cet office (ornements de Germigny-les-Prés, statues de l'oratoire de Cividale, etc.).

Tels sont les principes sur lesquels M. Kingsley Porter appuie sa doctrine historique. D'après lui, sous l'influence de l'Orient quelques centres de sculpture naissent au XIe siècle en Catalogne, en Vieille Castille, en Lombardie, en Bourgogne. A la fin de ce siècle l'activité des sculpteurs se concentre à Cluny dont les chapiteaux du chœur auraient été exécutés en 1095 et où se serait créé le type du grand portail monumental dont celui de Moissac serait la reproduction. L'influence de Cluny rayonne en Bourgogne à Vézelay, à Autun, à Saulieu et hors de la Bourgogne en Lombardie, en Auvergne, en Languedoc, pendant le premier quart du

XIIe siècle. Pendant la même période la vogue du pèlerinage de SaintJacques de Compostelle, organisé par les moines de Cluny a pour conséquence l'élévation en Galice d'une immense basilique que M. Kingsley Porter regarde comme le prototype de toutes les grandes églises de pèlerinage. Ses six portails, dont la Puerta de las Platerias actuelle, très remaniée, offre les restes, attirent des sculpteurs de toutes les régions, et de 1070 à 1124 il se forme en Galice et en Vieille Castille, à Santo Domingo de Silos, une école de sculpteurs qui n'est ni française ni espagnole, mais cosmopolite et dont l'activité se manifeste sur toutes les routes qui mènent à Saint-Jacques, en Languedoc, à Toulouse, Moissac, Souillac et Conques, dans l'ouest à la façade d'Angoulême (1111-1128). Puis à partir de 1124 il n'y a pour ainsi dire plus de sculpture régionale: les influences venues de Galice, de Lombardie, de Bourgogne s'entrecroisent d'une manière inextricable à Saint-Denis (1140), au portail Royal de Chartres (1145), à la façade de Saint-Gilles (avant 1150), sur les monuments toulousains de la deuxième moitié du xue siècle. Une nouvelle étape est marquée en 1188 par la construction à Compostelle du Portico de la Gloria par Mateo. M. Kingsley Porter y voit, à tort selon nous, le prototype de tous les portails gothiques et rattache à la statue de Daniel du portail de Compostelle non seulement le célèbre << Sourire », mais tout l'atelier de la grande façade de la cathédrale de Reims.

Telles sont les grandes lignes de ce livre dont les conclusions paraissent difficiles à accepter, mais qu'on ne peut lire sans une réelle admiration

pour la masse des faits qui ont été ainsi réunis et des idées qui ont été remuées. M. Kingsley Porter a méconnu l'originalité et le développement organique des écoles régionales et il a nié tout ce qui a fait la personnalité des sculpteurs. Après l'avoir lu, on a l'impression que toute l'histoire de la sculpture romane n'a été qu'une série de plagiats. Il n'en est rien heureusement des modèles communs, des conventions analogues et les mêmes étapes dans la technique, voilà ce qui explique surtout les ressemblances et c'est seulement après la construction du portail de SaintDenis en 1140 que l'art devient vraiment cosmopolite, que les différences provinciales s'effacent et que la prépondérance artistique passe du Midi au Nord de la France.

Louis BRÉHier.

ROGER DOUCET. L'état des finances de 1523. (Extrait du Bulletin philologique et historique [jusqu'à 1715], du Comité des travaux historiques et scientifiques, 1920), Une broch. 143 p., Aug. Picard, 1923.

Ce tirage à part du Bulletin philologique et historique est important. M. Doucet y reproduit un état des finances dressé en 1523 (n. st.) pour <«<l'année commençant le 1er janvier 1522 et finissant le dernier jour de décembre ensuivant, 1523 », avec quelques annexes (anticipations sur les tailles de 1524; états des pensions ordonnées par le Roi, etc.).

Dans une introduction de 32 pages, il fait une analyse critique du document et étudie la situation financière entre 1520 et 1523.

Ces questions délicates et terriblement compliquées avaient déjà préco

cupé quelques érudits. Jacqueton en 1890 et 1894 avait publié deux excellents travaux (Documents relatifs à l'administration financière, 14?-1523.

Le Trésor de l'épargne sous François Ier). Spont avait consacré à Semblançay une thèse un peu confuse, mais pleine de renseignements précieux. M. Doucet s'y réfère et a raison de les citer avec éloges. Mais il ajoute beaucoup à ce que nous pouvions déjà savoir. En lisant son introduction on a le sentiment que, si la situation financière qui semble toujours désespérée est due en grande partie aux fantaisies dispendieuses du Roi, elle s'explique aussi par le fait que l'organisation est en retard sur les besoins normaux de l'époque. On pourrait presque dire que l'on ne demande pas assez aux contribuables; que les chiffres d'impôts réguliers ne correspondent pas à la richesse du temps. On en verrait la preuve dans la facilité relative avec laquelle s'acquittent les impositions extraordinaires, imaginées au jour le jour.

Le document publié par M. Doucet est accompagné de notes très nombreuses, qui ajoutent à sa valeur. Entre beaucoup de parties intéressantes (liste des églises imposées, p. 106, 110, etc.) je note plus particulièrement les deux « Estats des pensions ordonnées par le Roy aux princes seigneurs et dames de son sang, gentilshommes, etc. ». Ils n'occupent pas moins de 33 pages (110143). C'est toute la noblesse et tous les personnages de quelque importance qui y figurent : une sorte d'Almanach royal du temps.

Spéciale à ce qu'il semble, cette brochure éclaire d'un jour très large toute l'histoire des premières années du règne de François 1er, et elle

démontre en surplus qu'on n'accuse les chiffres d'aridité que lorsqu'on ne sait pas en tirer tout ce qu'ils contiennent de réalité vivante.

HENRY LEMONNIER.

PAUL OLTRAMARE. Histoire des idées Théosophiques dans l'Inde. T. II. La Théosophie bouddhique. (Annales du musée Guimet. Bibliothèque d'études T. XXXI). Un vol. in-8, Paris, Geuthner, 1923.

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Poursuivant son vaste travail sur le développement dans l'Inde des idées théosophiques, M. Paul Oltramare, consacre à «< la théosophie bouddhique le nouveau et important volume qu'il vient de nous donner. Il constate luimême que la dénomination qu'il a choisie pour désigner cet ordre d'idées complexes qui participent à la fois du caractère religieux et du caractère philosophique, prête à quelques objections. Je n'oserais le démentir; outre que cette dénomination a été quelque peu compromise par des cénacles occidentaux sur l'enseignement desquels M. Oltramare ne paraît guère aveuglé, elle fait, appliquée au bouddhisme, figure particulièrement singulière. Mais une médiocre querelle de mots ne saurait faire tort à l'estime que nous devons à une érudition consomméc et à un persévérant effort.

Toute l'exposition manifeste le souci. de nous apporter, moins encore un tableau génétique des doctrines et des formules au bouddhisme qu'une étude psychologique et morale qui, s'inspirant des préoccupations propres à l'Occident, s'applique à préciser par quelles suggestions et dans quelle mesure le bouddhisme à donné satisfaction à la conscience religieuse telle que nous la concevons. Encore

que pratiquée avec une sage réserve, la tendance ne paraîtra pas exempte de tout inconvénient aux esprits curieux surtout de l'histoire, à ceux qui, dans l'enchaînement, dans la combinaison progressive de notions traditionnelles qui peu à peu se dégagent et évoluent, poursuivent l'éveil successif des idées et le cheminement obscur des théories. Elle évoque aisément entre des systèmes religieux placés à des étages divers de la mentalité humaine, ici avec le christianisme certaines comparaisons de termes ou d'idées dont l'identification spécieuse risque au fond d'être décevante. C'est ainsi, pour citer un exemple, que, même dans ces pages si mesurées, le Sangha bouddhique et la notion chrétienne de l'Église paraissent assimilés plus étroitement qu'il ne convient. Il semble

| que, pour garder leur pleine signification scientifique, des études de cet ordre doivent se garder de se déprendre à aucun degré de la précision historique rigoureuse, au regard de laquelle le relief des divergences a souvent plus de prix que de vagues analogies.

Quoi qu'il en soit de ce scrupule, ce qui est certain, c'est que l'on ne saurait, plus que M. Oltramare, être informé de son sujet, familier avec une littérature qui est immense, ni plus consciencieux ni plus épris des plus hautes inspirations morales. Ce livre est pour l'indianisme de langue française un enrichissement précieux. Il commande un double hommage au savoir accompli et au caractère profondément sympathique de l'auteur. SENART.

OUVRAGES RÉCEMMENT PARUS.

ANTIQUITÉ.

E. Albertini. La composition dans les ouvrages philosophiques de Sénèque. (Bibliothèque des Ecoles françaises d'Athènes et de Rome, fasc. 127.) In-8, IX-354 p. Paris, de Boccard, 1923.

M. Baudouin et E. Boutin. Découverte et fouille d'une nécropole anhistorique de l'époque barbare (ve-1Xe siècles) | au clos des Jacobins à Fontenay-lecomte. In-8, 56 p. Ill. La Roche-surYon, Potier, 1923.

Abbé J. Boutet. Saint Cyprien, évêque de Carthage et martyr (210258). T. I. In-8, XI-280 p. Avignon, Aubanel, 1923.

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SAVANTS.

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Cicéron. Brutus. Texte établi et terte traduit par Jules Martha. (Collection des Universités de France de l'Associa tion Guillaume Budé.) In-8, 147 p. et XIV-140 p. Paris, «< Les BellesLettres », 1923.

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