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la même acuité que de nos jours, avec des moyens différents. Les épices venaient des Indes néerlandaises, la poudre d'or de la côte orientale d'Afrique c'est au Yémen que se concentraient ces marchandises, apportées par une navigation que facilitait singulièrement le phénomène des moussons dans l'océan Indien. Il s'agissait d'amener ces produits aux ports de la Méditerranée où les attendaient les acheteurs; ce rôle était dévolu aux caravanes qui, de temps immémorial, franchissaient les régions désertiques de l'Arabie centrale. Pour constituer une caravane il faut deux choses des chameaux et des conduc: teurs; les Bédouins, qui avaient domestiqué les premiers dès les temps préhistoriques, fournissaient les deux. Mais ce n'est pas tout il était nécessaire que des négociants achetassent les marchandises sur les lieux de transit pour aller les vendre en Syrie, à Gaza ou à Bostra, nolisassent les chameaux et leurs conducteurs, donnassent à ceux-ci des guides sûrs et expérimentés, connaissant à fond le site des points d'eau et capables de ne pas égarer dans le désert les êtres confiés à leur garde, et enfin prissent avec les coupeurs de route des arrangements pour la sécurité du passage à travers les territoires des tribus nomades. De là l'importance acquise par la Mecque du temps de Mahomet, et surtout depuis la chute de Palmyre: c'était un entrepôt, où la manutention des colis faisait vivre le pauvre monde. Mais la richesse était entre les mains des négociants, véritables banquiers qui prêtaient à intérêt. Il y a, dans le volume du P. Lammens, un tableau très vif de ce mouvement curieux qu'il a été le premier à préciser.

Le commerce n'existe guère sans

une comptabilité régulière. C'est du Qoran que l'auteur tire des renseignements sur ce point, en transposant dans la vie d'ici-bas ce que le livre sacré des Musulmans dit de la vie future (reddition des comptes au jugement dernier, balance pesant les actions des hommes, etc.). Cela ne va pas sans quelques difficultés. On nous entretient, page 122, de registres de comptabilité «< en chiffres clairs. »> Quels sont ces chiffres, je vous prie? La numération indienne n'a été introduite que beaucoup plus tard (au x° siècle de notre ère, elle est citée comme une curiosité par Motahhar ben Tâhir elMaqdisi dans son Livre de la Création). Employait-on déjà, à l'imitation des Grecs, la valeur numérique des lettres de l'alphabet arabe récemment importé? Ou bien utilisait-on un alphabet araméen? Autant de questions qui restent sans réponse. Pour faciliter les calculs de tête, on employait probablement l'abaque; mais comment en conservait-on la trace?

Quelques indices d'un droit coutumier se rencontrent parfois. On nous parle d'un « droit d'épave aux dépens des étrangers, morts sans laisser d'héritiers » (p. 44); c'est le droit d'aubaine. Le débiteur... devenait, lui et les siens, l'esclave du financier prêteur (p. 141). » Rien n'autorise cette déduction, ajoute un peu plus loin l'auteur, qui a oublié la condition des débiteurs dans l'ancien droit romain; mais il finit pourtant par reconnaître que (( cette situation humiliante (être l'homme-lige du créancier) rapprochait le débiteur de la condition de l'esclave ». Ce n'était pas la peine de tant tourner autour du pot.

A propos de Vologesocerta, remplacée par la ville de Hira, l'auteur nous informe que « l'ancienne certa

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de Vologèse (syriaque herta, camp) était devenue la hira... » (p. 215). Le nom perse de la cité était formé, comme dans Tigranocerta, au moyen du suffixe her [e] ta « fait, bâti par.....», lequel n'a rien de commun avec l'araméen hírtá qui désigne une zeriba, une enceinte improvisée faite de branchages.

C'était une race éveillée, d'une surprenante souplesse, ouverte à tous les progrès, d'une faculté peu commune d'assimilation »; si c'était exact, cela simplifierait beaucoup le problème de Mahomet ses qualités intellectuelles seraient un héritage des générations antérieures; il n'y aurait plus qu'à expliquer pourquoi les problèmes reli

Quant aux Bédouins, c'étaient d'«< irréductibles individualistes », avec cette restriction toutefois qu'ils en étaient alors au régime des clans, qui fait de la tribu un tout indivisible. Celui qui ne se soumettait pas aux règles édictées par l'antique coutume devenait un exilé, un expulsé (tarid).

L'ouvrage se termine par un dithy-gieux le préoccupaient outre mesure. rambe en l'honneur des Qoraïchites, le clan auquel appartenait Mahomet, ces petits requins (qarch) appelés ainsi soit à cause de leur rapacité de Shylocks, soit peut-être à raison d'un ancien totem, s'il est vrai qu'il y ait jamais eu des totems en Arabie. Ils s'imposèrent par leur supériorité intellectuelle, par cette force inhérente à la cohésion, à la solidarité » (p. 319). |

Cl. HUART.

ACADÉMIE DES INSCRIPTIONS
ET BELLES-LETTRES.

COMMUNICATIONS.

6 mars. M. Ch.-V. Langlois communique des remarques au sujet d'un libellus anonyme, écrit en hébreu, peut-être perdu sous cette forme, que le franciscain Nicolas de Lyra a analysé et réfuté en 1334. Il était question dans cet opuscule, d'un Liber Simonis Cephæ, c'est-à-dire d'un livre de saint Pierre, contenant une parole de Jésus-Christ qui n'est rapportée nulle part ailleurs.

13 mars. A propos d'une inscription latine du siècle après J.-C. trouvée dans la région d'Orléans et relative à la dédicace d'un cheval de bronze au dieu Rudiobos, M. Loth rapproche ce

dieu gaulois du dieu irlandais Ruad et du dieu védique Rudra.

20 mars. M. Pelliot signale les trouvailles faites récemment en Mongolie par le colonel Kozlov dans d'anciennes tombes datant du 1er au xe siècle de notre ère.

M. René Dussaud lit un rapport de M. Maurice Dunand sur les sondages que ce dernier a effectués au temple d'Eshmoun, près de Saïda, pour le compte du service des Antiquités de Syrie. Le plan des murs de soutènement a été précisé, des marbres sculptés ont été découverts, ainsi qu'une belle mosaïque à décor géométrique.

-M. F, de Mély fait une communi

cation sur un grand orfèvre parisien, Guillaume Boucher, que Rubruquis, envoyé de saint Louis en ambassade vers le grand Khan des Mongols, rencontra à Karakoroum, capitale de Mangou, au sud du lac Baïkal en

1252.

27 mars. M. Diehl annonce que M. Protitch, directeur au musée national de Sofia, l'a informé qu'on a découvert récemment en Bulgarie, à ValtchiTrin un trésor d'objets en or (vases et couvercles), dont le poids total dépasse 12 kilogrammes.

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- M. Camille Jullian informe l'Académie de la découverte d'une nécropole romaine à Trèves.

M. Bémont fait une communication sur les reliques de Thomas Becket et leur destruction en 1538. En 1888, des fouilles exécutées dans la crypte de la cathédrale de Cantorbery mirent au jour une tombe renfermant un squelette d'homme; la tête, séparée du tronc, avait dû être fendue par un violent coup de hache ou d'épée. On crut alors se trouver en présence des ossements de Thomas Becket, qui fut massacré le 29 décembre 1170. M. Bémont, montre qu'il n'en est rien. Le squelette reste anonyme, comme la tombe. Il paraît certain que les ossements de Becket ont été détruits en 1538. En ordonnant cette profanation, Henri VIII voulait à la fois flétrir la mémoire du prélat qui, au temps d'Henri II, n'avat pas craint de faire appel au pape des décisions prises par le roi et les grands de son royaume et, en outre, rendre à tout jamais impossible le culte des reliques, qu'il considérait comme un acte d'idolâtrie.

M. Enlart présente et commente les photographies et un estampage de monuments découverts en Chypre par MM. Luigi Baldassare et Z. Pierides.

L'un est une dalle funéraire gravée de Jeannette Carmoun, avec épitaphe française, de 1340. Le costume combine le surcot occidental avec un corsage à la mode d'Orient. L'autre est un blason porté par des génies et accompagné d'une inscription latine, donnant le nom de Pierre Podocathari, personnage connu dans l'histoire; la sculpture date des années 1464-1468.

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- M. Antoine Meillet fait une lecture sur les interférences sémantiques. Il montre comment certains mots ont changé de sens et de valeur suivant les influences extérieures, au milieu desquelles ils ont évolué.

3 avril. M. Jeanroy fait une communication sur les « coblas » en provençal, échangées en 1285, au début de la campagne contre l'Aragon, entre divers représentants des partis. Il les divise en deux groupes; le premier contient les textes dont les auteurs se reconnaissent aisément, le second ceux qui ont donné lieu à attributions diverses.

8 avril. M. Salomon Reinach annonce qu'une des plus belles et plus grandes statuettes de bronze découvertes en Gaule, celle d'un Hercule jeune, qui avait été exhumée à Feurs vers 1820 et n'était connue que par des moulages a reparu dans les collections d'un savant amateur de New-York, M. James Loeb, qui l'a acquise et la conserve près de Munich.

17 avril. M. Camille Jullian signale de la part de l'abbé Sautel que l'on a découvert récemment à Vaison une dédicace à Mercure d'un membre de la corporation des utriculaires.

M. Cagnat donne lecture du rapport de MM. Fabia et de Montauzan sur les fouilles de Fourvières, en 1924.

-M. Maurice Besnier présente quelques observations sur un papyrus latin publié, contenant le texte d'un

contrat de vente d'un cheval acheté par un soldat d'une aile de cavalerie à un centurion légionnaire, sous le règne de Vespasien. Ce document, qui n'avait encore été étudié qu'au point de vue juridique, permet, en outre, de préciser plusieurs points de l'histoire et du recrutement des troupes qui tinrent garnison dans l'Égypte romaine.

24 avril. M. G. Verdin fait une communication sur sainte Reine d'Alise et signale un texte jusqu'ici inconnu de la Passion de sainte Reine par le pseudo Théophile.

- M. Adrien Blanchet donne lecture d'une note de M. Schlumberger sur le sceau de la Compagnie des routiers catalans à Gallipoli en 1305.

1er mai. M. Homolle communique une note de E. Grégoire sur la hiérarchie

dans la secte montaniste, d'après une inscription grecque trouvée à Philadelphie en Lydie.

M. Henri Omont donne lecture d'une notice sur Gui de Châtre, abbé de Saint-Denis de 1326 à 1342, et sur son Sanctilogium sive Speculum legendarum, auquel les bibliographes ecclésiastiques n'ont jusqu'ici consacré que quelques lignes. Il en existe un manuscrit, exécuté sans doute sous les yeux de l'auteur, et conservé aujourd'hui à Londres, au Musée britannique. Les chanoines de Saint-Victor de Paris en avaient fait exécuter, au xv° siècle, une copie formant deux gros volumes, dont l'un est conservé à la Bibliothèque nationale et l'autre à la Bibliothèque Mazarine.

CHRONIQUE DE L'INSTITUT,

L'Institut a tenu une séance trimestrielle le 6 mai. M. Widor a donné lecture d'un rapport sur le Musée Jacquemart André et il a signalé notamment l'entrée d'un buste de J.-J. Rousseau par Houdon.

ACADÉMIE DES INSCRIPTIONS ET

BELLES-LETTres.

Election. M. HOLLEAUX a été élu le 15 mai membre ordinaire en remplacement de M. Louis Havet, décédé.

Le prix Stanislas Julien (1 500 fr.) est décerné à M. Guy Boulacs, Manuel du code Chinois.

Le prix Giles (800 fr.) est décerné à P. F. Savina, Dictionnaire étymologique français nung chinois.

La médaille Georges Perrot est décernée à M. Daux, membre de l'École française d'Athènes, pour ses mémoires sur le Théâtre de Thasos et sur le Tholos archaïque de Delphes.

ACADÉMIE DEs Sciences.

Election. M. ANDRÉ a été élu le 25 mai 1925 membre de la section d'économie rurale en remplacement de M. Maquenne, décédé.

ACADÉMIE DES SCIENCES MORALES ET POLITIQUES.

Nécrologie. M. HÉBRARD DE VILLENEUVE, membre libre depuis 1920, est décédé le 22 mai 1925.

Le Gérant: EUG. LANGLOIS.

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DES SAVANTS.

JUILLET-AOUT 1925.

L'ART FRANÇAIS EN POLOGNE ET EN RUSSIE.

LOUIS RÉAU. Histoire de l'expansion de l'art français moderne, Le monde slave et l'Orient, un vol. in-8, vi-424 p., 40 pl. h. t. Paris, Laurens, 1924.

I

<< A Pétersbourg, M. de la Mothe est le premier architecte; à Berlin, M. le Geay; à Copenhague, M. Jardin; à Munich, M. Cuvilliées; à Stuttgard, M. La Guêpière; à Mannheim, M. Pigage; à Madrid, M. Marquet; à Parme, M. Petitot, etc. (et Patte lui-même est premier architecte du Prince Palatin).

<< Nos sculpteurs sont également répandus partout M. Sally à Copenhague; M. Hutin à Dresde; M. Larchevêque à Stockholm; M. Gillet à Pétersbourg; M. Slodtz a fait l'ornement de Rome pendant près de vingt ans; MM. Le Lorrain, Tocqué, Lagrenée, peintres de notre académie, ont également été appelés en Russie. Le roi de Danemark a pour premier peintre M. Leclerc et vient d'attirer dans ses États M. Marmillaud, ainsi que plusieurs autres ingénieurs français".... >>

Ce passage de l'architecte Patte pourrait servir d'épigraphe à l'ouvrage considérable et important que M. Réau consacre à l'histoire de (1) Patte, Monuments consacrés à la gloire de Louis XV, p. 7, n.

SAVANTS.

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