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parisienne la bande argileuse s'étale généralement à flanc de coteau. Cela tient à ce que près de Paris l'édifice géologique est resté plus complet; il a conservé le couronnement des couches supérieures qui là-bas ont disparu de la surface.

La Marne a franchement entamé le massif de la Brie: la Seine a cherché à s'échapper vers le Sud-Ouest. Elle s'est détournée pendant 65 kilomètres de sa direction normale. Elle a même abdiqué temporairement sa forme de vallée dans le large sillon qui borde le pied du Massif tertiaire et que les suintements de la craie, de concert

LE CIRQUE
PARISIEN.

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CARTE 21.

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DEBLAIEMENTS OPÉRÉS PAR LES EAUX DANS LA REGION PARISIENNE. Les alluvions anciennes retracent les chenaux successifs par lesquels la Marne a débouché dans le cirque parisien; un de ces chenaux est suivi, à partir de Claye, par le canal de l'Ourcq

Les sables supérieurs (sables de Fontainebleau) ont été réduits, au Nord de la Seine, à de minces bandes, qui forment les coteaux boisés de Dammartin (Goelle) entre l'Ile-deFrance et le Valois, ceux de Montmorency et du Vexin. Mais, au Sud, leur niveau sensiblement plus bas les a mieux protégés, et ils impriment leur physionomie au paysage. L'Oise a largement déblayé les sables et argiles au Nord de Luzarches; mais, à partir de Beaumont, elle se resserre dans les calcaires et fixe à proximité de Paris les passages vers l'Ouest (Pontoise).

avec les inondations de la rivière, transforment périodiquement vers la fin de l'hiver en une plaine noyée. Il fallut à la Seine la poussée de l'Yonne, le choc de la ligne directrice des grands courants du Morvan, pour qu'elle se décidat à creuser, dans l'extrémité de la Brie, de Melun au cap de Villeneuve-Saint-Georges, une vallée plus courte, mais analogue à celle de la Marne.

Ramenées ainsi l'une vers l'autre, les deux rivières ont tâtonné pour se rencontrer. Des traînées d'alluvions anciennes montrent les

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issues successives par lesquelles elles ont communiqué. La Seine a contribué à déblayer la grande plaine qui s'ouvre au Nord du débouché de Villeneuve-Saint-Georges. Mais elle y a été puissamment aidée par la Marne. Il est impossible de ne pas être frappé de la prépondérance qui appartient aux grands courants de l'Est et du Nord-Est, dans le déblaiement de ce qui est devenu la dépression parisienne (30-20 m. d'altitude absolue). La Marne, secondée par l'Ourcq, a fait irruption par Claye et Gagny et déblayé au Nord des coteaux de Vaujours et des collines d'Avron, de Romainville et de

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CARTE 22.- TYPE DE GROUPEMENT DES ENVIRONS DE PARIS (CÔTE DE SANNOIS). Cette colline, orientée E. S. E.-O. N. O, dans la direction des courants qui ont déblayé la région tertiaire, représente un des minces lambeaux de couches supérieures (voir fig. 20) qui ont subsisté au Nord de la vallée de la Seine. Les découpures qui festonnent les flancs sont entaillées dans le gypse. Cormeilles et Montigny ont leur centre (église) au niveau de la ligne de sources.

Montmartre, la dépression qui s'appelle la Plaine de Saint-Denis. Le mince arc de cercle des coteaux de Vaujours et de Montfermeil s'interpose, laminé par les courants, entre cette plaine d'alluvions et l'anse abritée dans laquelle les remous laissèrent tomber les sables et graviers de la station préhistorique de Chelles. Puis, par le détroit de Nogent, la Marne vint mêler son champ d'action à celui de la Seine. Avant de fixer son confluent à Charenton, elle a poussé jusqu'entre Sucy et Bonneuil un méandre aujourd'hui atrophié, mais dont la trace est visible. Confondant enfin leurs efforts, les deux courants ⚫ ont largement entaillé une vallée commune, qui ne se ferme qu'à 35 kilomètres de leur confluent, devant les coteaux de l'Hautie, dont l'obstacle contient et dirige vers le fleuve principal le cours de l'Oise.

La vallée a pris dès lors la forme et les proportions d'un grand

1. La topographie de la région parisienne est admirablement éclairée par la carte géologique Paris et ses environs, à l'échelle de 1: 40 000 (en 4 feuilles), qu'a publiée en 1890 ie Service de la Carte géologique détaillée de la France (Paris, Baudry).

cirque. La Seine y promène ses méandres. Au Nord, l'horizon est accidenté par les étroites rangées des collines ou par les buttes qu'ont respectées les courants. Au Sud, règne la ligne continue à laquelle la Seine appuie ses puissants méandres. Des hauteurs s'y rattachent et s'allongent en forme de terrasses entre les sinuosités du fleuve. Le spectacle de l'ample cirque revient ainsi successivement à SaintCloud, Saint-Germain, Andrésy, toujours le même dans son ordonnance générale, mais varié dans le détail. Les rampes qui bordent l'ouverture et le sommet des méandres ménagent des abris qui, dans les replis de cette vallée très déprimée, suffisent à créer, aux orientations favorables, de petits climats locaux. L'empereur Julien parle des vignes et des figuiers qu'il y avait vu cultiver; il les y verrait encore.

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'OISE, dans ce faisceau de rivières, a une physionomie à part Depuis Compiègne jusqu'au moment où, au pied du roc de Beaumont, elle pénètre dans les calcaires, son cours est généralement tracé à travers des argiles et des sables qui donnent à la vallée un aspect tout autre. C'est qu'en effet les terrains qui dominent dans cette vallée sont les couches meubles situées à la base des formations éocènes, qui se superposent immédiatement à la craie. L'Oise a établi cette section de son cours dans une sorte de charnière qui suit à peu près le contact de la craie blanche et des terrains tertiaires.

L'OISE, dans ce faisceau de rivières, a

On se souvient que nous avons signalé en Picardie l'existence d'une série d'ondulations par lesquelles la craie se relève et s'enfonce alternativement: après l'anticlinal du Boulonnais, le synclinal de la vallée de la Somme, enfin l'anticlinal du Bray. L'extrémité orientale de ces accidents est traversée à plusieurs reprises par le cours de l'Oise. Lorsque ce sont les voûtes anticlinales de ces ondulations dont le prolongement croise la vallée, le bombement crayeux affleure à la surface, et immédiatement au-dessus de lui les sables et les argiles qui le suivent dans la série chronologique. Ce cas se reproduit plusieurs fois entre le confluent de l'Aisne dans l'Oise et celui de l'Oise dans la Seine: d'abord en face de Compiègne, puis en face de Pont-Sainte-Maxence; enfin entre Précy et Beaumont-sur-Oise. Chaque fois, le phénomène se traduit par un élargissement anormal de la vallée et l'apparition d'une dissymétrie qui est une surprise pour le regard. Tandis qu'à gauche le net dessin du relief et les couronnements boisés ne cessent pas d'indiquer la présence du Massif

ZONE FORESTIÈRE

tertiaire, l'œil se perd, à droite, sur de grandes surfaces agricoles, nues, répondant au type connu des paysages de la craie. Ce sont ces croupes qui, en face des coteaux de Luzarches, constituent, sur l'autre rive de l'Oise, le pays appelé la Thelle.

Ces élargissements successifs de la vallée de l'Oise donnent lieu à et marécageuse. des marais ou à des tourbières. L'eau surabonde à la surface, partout où la craie rencontre la couche imperméable des argiles 1; elle entretient les marais qui parsèment encore une partie de la vallée au Nord de Pont-Sainte-Maxence. C'est le spectacle que présentait aussi autrefois le dernier élargissement de la vallée de l'Oise, entre Précy et Beaumont. Lorsque d'un des points de l'hémicycle calcaire qui l'encadre sur la rive gauche, soit des coteaux de Luzarches, soit des abords de Chantilly, on regarde à ses pieds, on voit une grande plaine plate qui n'a pas moins de 8 kilomètres de large. Superbe aujourd'hui dans son foisonnement d'arbres et de prairies qui lui donne, en été, l'aspect d'un parc anglais, cette plaine trahit encore la nature marécageuse. Elle a des rivières qui se perdent en étangs, quelques marais encore (marais du Lys), des prés envahis par les joncs; c'est parmi des fossés pleins d'eau que se dressent les ruines de l'abbaye de Royaumont.

Autour de cette plaine, le cadre est formé au Nord, à l'Est et au Sud par les coteaux calcaires qui, de Saint-Leu-d'Esserent, par Chantilly et Luzarches, se déroulent jusqu'à Beaumont-sur-Oise. Un air de richesse précoce respire dans les nombreux villages ou petites villes. La belle pierre de construction y donne vie et couleur à d'intéressants édifices. Mais une surprise attend celui qui franchit vers l'Est l'hémicycle de coteaux. Au lieu d'être surmontés, comme dans le Soissonnais et le Vexin, par des plates-formes agricoles, ils servent de soubassement à de grandes forêts. Cela tient à la présence de sables qui s'étendent entre Senlis et Ermenonville. Ces sables interrompent toute culture. La svelte flèche de Senlis, qu'on aperçoit de loin, semble planer sur des solitudes.

Ce n'est plus, ici, la forêt humide. Pour peu qu'on s'avance vers Mortefontaine, on voit des bruyères, des landes et d'immenses forêts de pins se dérouler dans la direction d'Ermenonville. La vraie nature du sol apparaît: sables et grès, tantôt mêlés à un peu de limon, tantôt purs et alors stériles. Certains aspects rappellent la forêt de Fontainebleau. Cependant les sables ne sont pas de même âge. Ceux-ci

1. Ce phénomène peut être considéré comme normal sur la périphérie de la région tertiaire. Partout, au contact de la craie et des argiles, existent des marais, des étangs, des tourbières près de Laon comme aux sources du Petit-Morin au Sud d'Épernay, comme aux environs de Beauvais et de Liancourt. La forte position de Laon tien' en partie à ces circonstances.

sont plus anciens; ils appartiennent à la série moyenne de l'éocène 1. Mais souvent aussi secs, ils forment, comme ceux de la célèbre forêt, une vaste nappe d'infiltration. Les eaux ne reparaissent qu'à la périphérie; et c'est alors qu'à la lisière des bois, devenus plus variés euxmêmes, brillent les étangs et jaillissent les sources. Des châteaux et des parcs ont pris possession de ces sites pittoresques, sans parvenir à en dénaturer entièrement le fond primitif. Chantilly, Mortefontaine ne laissent pas oublier qu'il y eut là jadis des marches forestières. sauvages, d'abord et de pénétration difficiles.

Cette bande de forêts, chère aux Mérovingiens, n'est qu'une partie de la lisière qui se déroule au Nord de Senlis par la forêt d'Halatte, et de là se rapproche du massif de Compiègne. Mais la largeur de cette bande est limitée à l'Est d'Ermenonville, comme à l'Est de Senlis ou de Pierrefonds, on ne tarde pas à voir se reconstituer la plaine limoneuse et fertile, aussi chargée de moissons que dépourvue d'arbres. On retrouve les paysages du Soissonnais et du Valois. Les sables, les couches marneuses ont disparu de la surface, ou ne s'y montrent que par lambeaux.

La région que nous venons de décrire, avec ses lignes de sources, d'étangs et de marais, ses forêts humides et ses forêts sur le sable, fut une ancienne limite de peuples. Le pays appelé France y confine au pays appelé Valois 2; mais en réalité cette distinction, encore vivante dans le langage populaire, en cache une autre plus ancienne et plus profonde. Il y a là une sorte de joint géographique, qu'une longue communauté d'histoire n'a pas entièrement aboli. Cette ville de Senlis, presque environnée par des forêts et des eaux et communiquant vers l'Est seulement de plain-pied avec le plateau agricole du Valois, occupe un de ces sites stratégiques tels que César en décrit chez les Nerviens. Le petit peuple qui s'y était cantonné se rattachait aux confédérations du Belgium, comme plus tard il est resté incorporé à la province ecclésiastique de Reims. Senlis encore aujourd'hui se dit picarde. C'était un autre groupe de peuples gaulois, d'autres rapports et peut-être d'autres usages qui commençaient avec la plaine fertile qui, au Sud de Dammartin, s'incline vers la vallée de la Seine. La Celtique succédait ici au Belgium; et ces différences ethnographiques, consacrées plus tard dans les divisions

1. Sables moyens, dits de Beauchamp. Voir fig. 12.

2. Nous ne pouvons que renvoyer, sur la signification de ce nom de France, appliquée la région du diocèse de Paris située au Nord de la Seine, au mémoire de M. Longnon (Mémoires de la Société de l'histoire de Paris et de l'Ile-de-France, t. 1, 1875). Nous nous bornerons ici à faire ressortir la persistance de cette distinction de limites dans le langage populaire (par exemple vent de France, Le Bourget en France, etc.); vivant indice des réalités géographiques sur lesquelles elle s'appuie.

ANCIENNES FRONTIÈRES POLITIQUES.

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