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pyrénéennes en une série de plateaux. Souvent, à leur entrée en plaine, les rivières ont changé de place. Les eaux torrentielles, issues des glaciers d'autrefois, ont vagabondé avant de se fixer dans leur lit actuel. Le phénomène, fréquent au pied des Alpes, de vallées qui, ayant perdu leur rivière, sont devenues des vallées sèches, se présente nettement entre Lourdes et Tarbes.

D'énormes entailles ont été pratiquées par ces torrents dans le plateau de molasse qui constitue le sol de la plaine. L'Ariège à Pamiers, la Garonne à Muret, l'Adour à Tarbes couvrent de larges espaces sous leurs alluvions. On voit par les terrasses de galets et de graviers qui s'étagent au-dessus du niveau actuel de la vallée, le résultat de déplacements et creusements successifs, comme si on assistait aux spasmes de l'action torrentielle d'autrefois. Ailleurs d'immenses dépôts de cailloux roulés, de sables et de limons occupent le milieu des vallées, séparant et rejetant sur les bords latéraux les rivières qui les sillonnent. L'Ariège et l'Hers, dans la plaine de Pamiers, maintiennent ainsi pendant longtemps leur cours à distance. Dans la vaste plaine que surmonte Montauban, un énorme amas de ce genre tient séparés pendant 30 kilomètres la Garonne et le Tarn. Des bois, surtout entre Montauban et Moissac, s'étendent sur ces graviers. De brusques inondations rappellent de temps en temps les débâcles qui ont laissé ces traces. Il suffit de quelques heures, comme il est arrivé le 23 juin 1875, pour qu'un flot furieux arrive des Pyrénées à Toulouse, et de cinq jours pour que le même fleuve, après avoir monté de 9 mètres, revienne à son ancien niveau.

Mal fixée dans l'encadrement de mamelons argileux qui la bordent, la Garonne a largement rongé ces terrains mous. Ce n'est que dans l'Agenais, quand elle rencontre la masse plus résistante des calcaires dont les blanches corniches surmontent les coteaux, que sa vallée, sans cesser d'être ample, se réduit à des dimensions moins démesurées.

L'homme ne s'avance que timidement jusqu'aux bords de telles rivières. La partie basse de la vallée n'est peuplée que de maisonnettes en pisé et en briques, auxquelles un double cordon de cailloux roulés forme une sorte de ceinture. Les bourgs, les anciens villages, les villes sont établis sur les terrasses anciennes, ou au pied des coteaux marneux, attirés comme d'habitude par le contact de sols différents. Un promontoire découpé dans le plateau argileux a prêté à Montauban ses qualités défensives. Toulouse s'est appuyée à une rampe de collines, lambeau épargné par hasard dans les déblaiements du fleuve. Le pays a sa livrée, fournie par les matériaux auxquels il est réduit. Les cailloux roulés hérissent le sol des rues. La brique règne dans les constructions. Elle s'élève à la dignité monumentale

PLAINES
AGRICOLES.

dans les tours des capitouls, les cloîtres, les anciens hôtels, les églises de Toulouse ou la cathédrale d'Albi. Mais Toulouse, malgré sa position sur un fleuve, est une ville toute terrienne, régnant sur une grande région agricole.

Le travail des eaux, dont nous venons de parler, a été facilité par la consistance relativement molle du substratum qu'elles ont entamé. C'est un dépôt de marnes et de molasses (d'âge miocène), d'origine lacustre ou fluviatile, qui occupe toute la partie centrale du bassin de la Garonne. Au nord comme au sud du fleuve, on voit, dès que le Tarn, le Lot, la Dordogne entrent dans cette formation, leurs vallées s'élargir. Le Haut-Armagnac, la Lomagne, le Lauragais, le BasQuercy sont constitués par les lobes allongés que dessinent ces plateaux dans l'intervalle des rivières. Le relief engendré par l'érosion dans ce sol marneux est un mamelonnement dont les contours mous et arrondis se succèdent sur un plan très légèrement incliné. Dans les parties déprimées, s'enfoncent entre des rangées de saules des ruisseaux à l'eau louche, moins semblables à des rivières qu'à des fossés agricoles. Le sol, imperméable, est avare de sources; mais les pluies n'étant pas rares, des mares verdâtres sont l'accompagnement ordinaire des métairies ou bordes.

C'est par excellence le vieux sol nourricier de la contrée. Les marnes ont par leur désagrégation formé ce qu'on appelle des terres fortes, terres à blé qui depuis plus de deux mille ans ne cessent pas de porter des moissons. Les champs dominent dans la physionomie; ils occupent les croupes, descendent les pentes, parfois interrompus par de petits bois en taillis. Les arbres, surtout sous la forme bizarre de chênes étêtés, se montrent çà et là, mais tout est subordonné au champ qui, suivant les saisons, se dore de moissons de blé, fait scintiller les tiges de maïs, ou s'éteint dans la poudreuse rousseur des chaumes. La fertilité agricole se traduit ici tout autrement que sur les plaines limoneuses du Nord. Des lopins de bois, des parcelles de vigne, un bout de pré, des arbres fruitiers diversifient le paysage. Tout est plus varié, mais à plus petite échelle. L'aisance d'un terroir fertile sur lequel un climat heureux permet de recueillir des produits très divers dans un petit espace, réunit autour de chaque borde un peu de tout ce qui est nécessaire à l'existence rurale. Ces bordes, situées de préférence au sommet des croupes, se disséminent à trois ou quatre cents mètres les unes des autres, sur tout le pays. La volaille et les porcs s'ébattent à leurs environs. Nulle part on ne voit entre elles ces espaces vides qui sur les plateaux agricoles du Nord s'interposent entre les groupes; mais les constructions sont le plus souvent mesquines et chétives. En général, les gros villages sont rares.

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Plateaux de molasse

(Argile lacustre d'âge miocène)

Alluvions anciennes

CARTE 61.

Terrasses fluviales

SITE DE TOULOUSE.

De larges vallées d'érosion, qui ont entaillé le plateau de molasse, convergent vers Toulouse. L'une conduit à la Méditerranée; c'est celle que suivent le canal du Midi, le chemin de fer, la voie romaine la nature de ses alluvions anciennes montre qu'elle a été creusée par des cours d'eau venant de la Montagne-Noire. Ce sont au contraire les débris d'origine pyrénéenne qui encombrent la vallée de la Garonne et s'étagent sous forme de terrasses que le fleuve, inclinant toujours vers sa droite, a successivement délaissées. Des témoins, épargnés par l'érosion, ont fourni aux hommes un site l'abri des inondations du fleuve. Toulouse est ainsi devenu le marché central des plateaux agricoles qui s'étalent de toutes parts.

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LE PYRÉNÉEN
ET LE PAYSAN
DE LA PLAINE.

Rares aussi les châteaux. C'est la métairie qui est le type fondamental de peuplement du pays, celui qui répond le mieux aux conditions d'existence.

Cette dissémination de vie rurale s'est manifestée et maintenue surtout dans les parties de la région où les marnes et argiles, plutôt que les calcaires, constituent le sol. Sous les pluies de l'hiver et du printemps, ces terres fortes donnent lieu à des sentiers boueux aux ornières profondes. Longtemps la circulation y a été difficile. Il faut l'effort vigoureux des grands boeufs gascons pour venir à bout des charrois et des labours. Aussi chacun de ces petits domaines ruraux, mal pourvu de communications, aspirait à se suffire à lui-même. Telle est encore l'impression que donnent certaines régions du plateau, restées plus longtemps à l'écart des belles routes modernes : le HautArmagnac, par exemple, ou sur les confins du Béarn, la Chalosse, avec ses tertres, ses fossés et ses haies d'arbres, derrière lesquels chaque métairie semble se retrancher.

La différence d'habitudes et de genre de vie est profonde entre le Pyrénéen et le paysan de la plaine. Chez le premier l'agriculture est restée à demi pastorale. Il conserve autour de ses chamos de grands espaces d'ajoncs et de fougères,-ce qu'on appelle des touyas en Béarn, qui servent de pâture aux moutons. Il continue à pratiquer la transhumance à grande distance; on voit encore des troupeaux de moutons, partis des hautes régions de la montagne, s'avancer jusqu'aux landes qui sont au nord de Pau. L'homme des vallées pyrénéennes est surtout un pasteur; tel chez lui, tel« aux Amériques »>, quand il y émigre. On pense volontiers, en voyant la pauvreté de ses instruments de culture, à la belle indignation qu'exprime Bernard Palissy1. Aux travaux de labourage le Pyrénéen préfère la vie de déplacement, que lui font ses troupeaux, ses foires, ses changements périodiques.

C'est au contraire une âme de laboureur qui s'est formée chez les paysans des terres fortes de la plaine. Mais la vie rurale s'est développée beaucoup mieux que la vie urbaine. Celle-ci, malgré le renfort artificiel qu'elle reçut au Moyen âge des fondations de bastides, est restée subordonnée. La plupart des villes, dans ce pays d'abondance et de vie facile, tirent leur existence du milieu immédiat. Elles sont les marchés agricoles, et les centres de transactions où se débattent, avec l'aide des hommes de loi qui pullulent, les intérêts ou les griefs des habitants d'alentour.

1. Recepte véritable, 1563 : « Je ne pouvais regarder les laboureurs sans me cholérer en moy-mesme en voyant la lourdeté de leurs ferrements « (éd. An. France, Paris, Charavay, 1880, p. 117).

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L'

QUERCY ET PÉRIGORD

ES terrains tertiaires du Bassin d'Aquitaine ne sont immédiatement contigus aux roches primitives du Massif central que dans les plaines de Castres et d'Albi; ils en sont séparés, dans le Quercy et le Périgord, par une zone de plateaux calcaires d'âge jurassique ou crétacé. Si, de l'ample et riche vallée qu'arrose le Tarn, entre Gaillac et Rabastens, on s'avance d'une quinzaine de kilomètres au Nord, on rencontre une sorte de dôme boisé qui domine de près de 300 mètres les vallées voisines: c'est le petit massif permien de la Grésigne. Là est la séparation de l'Albigeois, du Rouergue et du Quercy. Au delà, en effet, commence une longue bande calcaire, suivant une direction Nord-Ouest, qui se poursuit jusqu'en Saintonge et dans les îles. Elle dessine l'encadrement septentrional du Bassin d'Aquitaine.

Les routes qui se rendent du Midi au Nord, ou inversement, doivent traverser cette zone calcaire. Elle était suivie, en outre, dans le sens longitudinal, par la voie romaine qui reliait Cahors à Périgueux et à Saintes. De là l'importance historique qu'elle a eue et qu'attestent le nombre de villes et d'anciens châteaux forts, un aspect militaire et féodal répandu sur sa surface.

Les roches, d'âges jurassique et crétacé, qui constituent la charpente du sol, ont gardé généralement leur stratification horizontale; mais par l'usure prolongée des âges elles ont été réduites à l'état de dénudation et de squelette. Sur les Causses du Quercy, prolongement atténué de ceux du Gévaudan, la surface est trouée comme un crible. Des igues ou cirques elliptiques, des poches ou cavités dont les parois corrodées sont tapissées d'argile rouge, des laby

CAUSSES DU QUERCY.

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