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esprit n'était pas la même. Il sentait le besoin de se populariser, et ne faisait cette remarque que par la crainte que les ouvriers de la capitale n'eussent pas assez d'occupation et de salaire. En revenant aux Tuileries il demanda ses chevaux, et sortit du palais par la rue de Rivoli, où il fut visiter les constructions de l'hôtel des Postes. Il se rendit ensuite, par les boulevards, les rues Montmartre et Plâtrière, à la Halle au blé dont il admira la nouvelle couverture en fer, ouvrage entrepris sous la direction de M. Bellanger. De là il retourna aux Tuileries en passant par le quartier des Halles, où l'on avait commencé les démolitions pour y bâtir la Halle aux farines; il suivit la rue SaintDenis et les quais, entouré par une foule prodigieuse de toutes les classes et de tous les états, criant vive l'empereur, lui présentant des pétitions, et lui offrant, en termes énergiques, leurs bras pour le défendre.

Sensible aux marques d'attachement qu'il avait reçues des habitans de Paris, l'empereur voulut visiter, deux jours après, et à cheval comme la première fois, les travaux de la partie à l'ouest de la ville. Il fut au quai du Gros-Caillou, examina les fondations du palais des Archives près du Champde-Mars, traversa le pont d'Iéna, fut visiter les travaux du palais de Chaillot, et revint aux Tuileries, après avoir traversé Chaillot par la grande allée du jardin. Malgré tous ses efforts pour le dis

simuler, il fut évident pour ceux qui accompagnaient Napoléon, que d'autres pensées l'occupaient plus que ces grands projets de constructions.

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Nouvelle promenade à cheval du côté du Luxembourg, dans l'île de Notre Dame, etc.; constantes acclamations, et nouvelles démonstrations d'enthousiasme et de dévouement de la part du peuple.

Le 7 décembre le premier architecte de l'empereur fut introduit auprès de lui pendant son dîner. Quelques questions insignifiantes furent énoncées d'un air mélancolique et distrait. Il fut encore plus aisé de lire sur cette noble physionomie les peines qui oppressaient son ame, et le peu d'intérêt que lui inspiraient en ce moment les édifices anciens et modernes.

Ce jour-là il y eut une dernière conversation sur les constructions de Paris, à la suite d'une visite que Napoléon avait été faire dans la matinée au palais de la Bourse, au marché Saint-Martin, aux greniers d'abondance, à la Madeleine, etc. Le palais de la Bourse lui parut très-beau; il exprima le désir de voir l'intérieur, et surtout la grande salle, répondre à la magnificence de l'extérieur: il avait trouvé que le marché Saint-Martin était bâti trop légèrement.

Le dernier ordre qu'il donna avant son départ pour son admirable et fatale campagne autour de TOME IV.

Paris, fut d'assigner des travaux à la clasee indigente de cette capitale.

1814.

Il ne fut point arrêté de budget pour les bâtimens. Presque tous les travaux des constructions de la couronne, excepté ceux du Louvre, furent suspendus.

Une remarque que ne manqueront point de faire ceux de mes lecteurs qui jetteront les yeux sur ce résumé succinct de tant de travaux ordonnés pour la seule ville de Paris, pendant le règne de Napoléon, c'est leur marche progessive, leur éclat et leur décroissance, à mesure que la puissance impériale grandit et s'affaiblit. Quoi qu'il en soit, il restera toujours comme un fait évident et positif que, dans un espace de dix à douze années, un grand nombre de monumens, plus magnifiques les uns que les autres, furent élevés sans qu'il en coûtat rien au trésor public. La liste civile et le domaine extraordinaire pourvurent à tous les frais; et si l'on réfléchit que ces pompeuses créations, qui sont la gloire et l'ornement de la capitale, n'étaient presque rien auprès de tout ce qui fut entrepris et achevé dans les provinces d'un empire aussi grand, si l'on considère surtout que ces entretiens privés, dont j'ai donné

l'esquisse, n'étaient que le délassement d'une imagination pleine et solide, qui embrassait avec la même ardeur, soit dans les conseils de ministres ou d'état, soit dans le silence du cabinet, toutes les immenses séries d'une administration aussi vaste que nouvelle, toutes les relations les plus élevées de la politique, de la jurisprudence civile et militaire, des finances, des sciences et des arts...; il y a lieu de s'étonner que la nature ait pu former un cerveau capable de renfermer tant de nombreuses et diverses intelligences, dont une seule aurait suffi pour la gloire de toute une vie, et que cet homme se soit trouvé en même temps le plus grand capitaine du monde. L'histoire, je le sais, n'a pas encore assez de calme et d'impartialité pour admettre franchement ces incontestables vérités. Napoléon représentait à lui seul toute la révolution, tous les partis opposés ont lancé sur lui un anathême violent; mais ce qu'il a dit restera, aussi bien que ce qu'il a fait. L'avenir est responsable de sa gloire; le passé n'est au pouvoir de personne.

Le vautour atlantique qui finit par le dévorer sur le rocher de Sainte-Hélène, n'arracha qu'une seule plainte au prisonnier de l'Europe. Un ministre anglais eut l'insolence de lui faire demander l'état de ses richesses...

Vous voulez connaître les trésors de Napoléon ; ils sont immenses, il est vrai, mais ils sont exposés au grand jour, les voici : « Le bassin d'Anvers,

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<«< celui de Flessingue, capables de contenir les plus nombreuses escadres et de les préserver des glaces de la mer; les ouvrages hydrauliques « de Dunkerque, du Havre, de Nice; le gigan<< tesque bassin de Cherbourg; les ouvrages mari<< times de Venise; les belles routes d'Anvers à << Amsterdam, de Mayence à Metz, de Bordeaux << à Bayonne ; les passages du Simplon, du MontCenis, du Mont-Genèvre, de la Corniche, qui * ouvrent les Alpes dans quatres directions (dans cela seul vous trouverez huit cents millions); «< ces passages qui surpassent en hardiesse, grandeur et en efforts de l'art, tous les travaux des Romains; les routes des Pyrénées aux Al<< pes, de Parme à la Spezzia, de Savonne au «< Piémont; les ponts d'Iéna, d'Austerlitz, des Arts, de Sèvres, de Tours, de Roanne, de Lyon, de Turin, de l'Isère, de la Durance, de Bordeaux, de Rouen, etc., etc.; le canal qui joint le Rhin au Rhône par le Doubs ; celui qui << unit l'Escaut à la Somme, joignant Amsterdam « à Paris; celui qui joint la Rance à la Villaine; << le canal d'Arles, celui de Saint-Quentin, celui « de Pavie, celui du Rhin; le desséchement des << marais de Bourgoing, du Cotentin, de Rochefort; le rétablissement de presque toutes les

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églises démolies pendant la révolution; l'éléva«<tion de nouvelles; la construction d'un grand << nombre d'établissemens d'industrie pour l'extirpation de la mendicité; la construction du Lou

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