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et d'un voyage qu'il avait fait à Brienne étant déjà à la tête du gouvernement, etc. Ces souvenirs mélancoliques, reportés sur le berceau d'une vie qui commença sans éclat, mais qui devait remplir la durée des siècles, se terminèrent par cette réflexion remplie d'amertume et d'effusion: à cette époque, j'étais bien éloigné de penser qu'un jour je défendrais cette même ville contre des Russes et des Prussiens! Un long silence suivit ces paroles... Il ne fut interrompu que par l'avis qu'on lui faisait donner que le feu venait de prendre à la Bibliothèque..... Les ordres les plus pressans furent donnés.....; en peu de temps il fut éteint. Avant de congédier son ordonnateur en chef, Napoléon lui dit:

Surtout, prenez bien soin de mes pauvres blessés...; envoyez-les à Troyes...; qu'il n'en reste pas un seul à Brienne.

M. D'...

V. M. peut être tranquille....., je ferai mon devoir.

NAPOLÉON.

Je sais que vous aimez le soldat; vous me l'avez prouvé dans les déserts de l'Égypte.

M. D'...

Je suis toujours le même pour le service de V. M.

NAPOLÉON.

Nous avons été un peu brouillés depuis SaintDomingue; votre avancement a été un peu retardé vous ne perdrez rien pour attendre.....; allez à vos affaires

M. D'... s'éloignait, l'empereur le rappela et lui dit :

Je vous recommande par dessus tout, je vous le répète encore, de faire évacuer tous les blessés sur Troyes, et d'en faire prendre le plus grand soin..... Ces pauvres conscrits, combien ils me sont chers! et que l'Angleterre est coupable de nous avoir suscité tant de guerres injustes!

TROISIÈME CONVERSATION.

On a vu avec quelle tranquillité d'esprit Napoléon avait reçu la première communication qui lui fut faite de la proclamation du roi, qui était pourtant d'un grand intérêt dans sa cause. On va voir l'impression que lui fit éprouver la certitude de la défection du roi de Naples. La conversation que je vais rapporter eut lieu à Troyes. (Février 1814.) Comme son objet se rapporte aux événemens d'Italie, ce document précieux pour des Mémoires sur l'intérieur du palais, trouve naturellement ici sa place. Il révèle les pensées, les sentimens, et ce premier cri du cœur à l'aspect d'un malheur que Napoléon n'avait pas voulu craindre, sur lequel il s'était fait tant d'illusions, et que tant de circonstances rendaient encore plus amer. Son agitation était extrême, il se promenait à pas précipités dans son salon, et dit avec feu, presque avec colère, à M. D'..., qu'il avait fait appeler.

NAPOLÉON.

Vous savez la nouvelle?

M. D'...

Non, sire, quelle nouvelle ?

NAPOLÉON.

Murat, mon beau-frère, Murat! en pleine trahison!... Ah! vous aviez raison à Mayence: j'aurais dû envoyer Belliard près de lui. Je savais bien que Murat était une mauvaise tête, mais je croyais qu'il m'aimait; c'est sa femme qui est la cause de sa défection... Caroline! ma sœur! me trahir!

M. D'...

Je crois que la reine a été étrangère à toute cette négociation.

NAPOLÉON.

Vous êtes bien honnête, monsieur, d'appeler cela une négociation : c'est bien une véritable trahison.

M. D'...

Mais, sire, la nouvelle est-elle positive?

NAPOLÉON.

A ne plus en douter. Caulaincourt me le mande

de Châtillon. M. Lecoulteux, aide de camp de Berthier, qui arrive de. Châtillon, a vu l'aide de camp de Murat qui a apporté sa lettre aux empereurs. Son armée est réunie à celle de Bellegarde. Murat faire tirer des coups de canon sur des Français! c'est abominable! c'est odieux! Le voilà le Bernadotte du midi. Ce pauvre Eugène ! dans quel embarras il va se trouver! Il ne me trahira pas! au moins je l'espère. Vous connaissez les conseils de Murat, quels sont ceux qui ont pu l'entraîner?

M. D'...

Les ministres, les généraux napolitains. Depuis long-temps ils voulaient faire renvoyer les Français du royaume.

NAPOLEON.

Murat a agi dans tout ceci avec une grande perfidie. Il a mystifié mes agens à Naples et à Rome; ce pauvre Miollis ne s'en doutait pas. Murat devenir l'homme des Autrichiens! Il se perdra! il pouvait jouer un si beau rôle! Son armée réunie à celle du vice-roi, agissant de concert, pouvait faire une campagne superbe ; ils étaient plus forts que Bellegarde, leurs troupes meilleures; une bataille gagnée sur les Autrichiens les menait aux portes de Vienne. Ils sauvaient la France et l'Italie! Préférer à jouer ce beau rôle une alliance avec les Autrichiens! avec les Anglais! On m'a

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