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Bourbons replacée sur le trône, il parut moins nécessaire de favoriser ces associations clandestines.

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Revenus à des sentimens plus conformes à la modération et à la générosité, les souverains de la coalition accordèrent un asile aux individus compris dans l'ordonnance du 24 juillet 1815. Ces personnes, dont la coalition pouvait revendiquer l'infortune, trouvèrent une tolérance hospitalière en Silésie de la part de la Prusse, en Moravie dans les états d'Autriche, et dans une province méridionale au-delà de Moscou de la part de la Russie. L'Angleterre seule, inflexible et dure, repoussa tout sentiment d'humanité, et écroua sur le rocher de Malte le duc de Rovigo, le général Lallemand et les autres victimes du dévouement le plus désintéressé et le plus pur. Le ministère anglais, ministère d'une politique hérissée de tant de rochers et de tant de pontons, devait-il s'étonner de ce qu'une si barbare violation des droits du malheur avait affaibli sa popularité et sa considération même en Allemagne ? A cette époque, en effet, le gouvernement anglais était l'objet des critiques les plus violentes de la part des organes périodiques de l'opinion publique. Wellington lui-même, ce grand patron de la gloire nouvelle d'Albion, ne fut pas hors de la portée des attaques des journalistes des bords

du Rhin, qui l'accusèrent d'avoir moins consulté les véritables intérêts des peuples que ceux du pouvoir absolu. Les publicistes allemands prétendaient encore que la possession des îles Ioniennes, que s'était arrogée l'Angleterre, rendait illusoire la puissance maritime que l'Autriche voulait établir à Venise; que l'Angleterre restait maîtresse d'envahir la Grèce, et d'envoyer dans un bref délai ses flottes et ses armées aux Dardanelles, lorsque sa politique lui conseillerait de nouvelles usurpations. Le Mercure du Rhin, persistant plus que jamais dans ses doctrines injurieuses et spoliatrices, accusait les puissances alliées, notamment l'Angleterre, d'avoir traité trop favorablement la France, en n'exigeant pas de plus grands sacrifices d'argent et de territoire. Certes, le cabinet de Saint-James dut être bien étonné de s'entendre accuser d'avoir agi avec trop de modération à l'égard de la France, à laquelle il avait fait tant de mal depuis tant d'années! Le reproche le plus grave que les publicistes adressaient aux grands arbitres de la coalition, était de retenir l'Allemagne dans un état d'anarchie qui l'empêchait d'obtenir une constitution fédérale et la protection d'un empereur d'Allemagne. M. de Gentz, organe officiel de toute la politique du congrès et du cabinet de M. de Metternich, répondit, par la voie de la Gazette de Vienne, que les égards que l'on avait eus pour la France devaient être attribués aux intérêts politiques de

l'Europe, qui commandaient alors impérieusement le maintien de la France comme une grande puissance, et que les sacrifices que l'on aurait encore pu exiger ne pouvaient être mis en balance avec les dangers qui seraient résultés d'un état de guerre prolongé, ou même d'une désunion entre les puissances. Quant à ce qui avait rapport à une constitution fédérale pour l'Allemagne, il observa que les opinions des cours de ce pays n'étaient point d'accord avec les théories des écrivains allemands. Il résultait évidemment de toutes ces controverses que si la France n'avait pas été ruinée de fond en comble, c'est que les subsides de l'Angleterre pouvaient manquer à l'état prolongé de guerre, et que la discorde sur les partages pouvait s'élever entre les généreux pacificateurs de l'Europe, espèce d'aveu qui n'exigeait aucune reconnaissance de la France... Quant à ce qui concernait la constitution germanique, il était clairement prouvé que l'Allemagne n'en avait pas plus besoin que la Turquie,

Le misérable état des fortifications de Vienne, que l'armée française avait légèrement ébréchées en 1809, présentait un spectacle choquant pour l'amour-propre des conquérans de la France. On profita de l'indispensable nécessité de les relever, pour adopter en même temps le plan d'un nou

veau palais pour l'empereur. Celui dans lequel résidaient tant de puissances, près des remparts mutilés, n'était, à proprement parler, qu'un amas de grandes constructions sans régularité, sans façade et sans apparence; rien n'annonçait le palais d'un souverain aussi puissant que l'est celui de l'Autriche. On proposait, en conservant l'ancien, de bâtir ce nouveau palais en avant des remparts, sur l'espace immense qui sépare la ville des faubourgs. On devait aussi démolir le théâtre qui forme l'une des dépendances de la résidence impériale. Le bon goût réclamait depuis long-temps cette démolition d'un théâtre étroit et alongé qui, vieilli avec toutes ses imperfections, paraissait ridicule en comparaison des deux belles salles qui existent dans cette capitale. Au reste l'imperturbable résignation du public de Vienne le rendait aussi indulgent pour cette localité incommode, que pour les ouvrages qu'on y représente. Certes, il n'y a point de meilleur pays pour un auteur dramatique; on applaudit rarement, mais on ne siffle jamais. La gravité germanique assiste au développement des situations et des caractères, sans jamais faire d'observations sur l'incohérence des moyens employés pour l'intéresser ou l'émouvoir. Peu familiarisé avec la langue allemande, une représentation dramatique était pour moi une série de tableaux énigmatiques, dont il m'était souvent impossible de comprendre la liaison et l'enchaînement; la traduction même de

nos plus jolis opéras n'était jamais fidèle; un goûr de terroir venait toujours se mêler à la primitive simplicité de nos compositions.

Quelle que soit l'opinion politique à laquelle on appartienne, on ne peut rester indifférent aux récits qui ont pour objet de faire connaître la destinée des personnages qui ont occupé la scène du monde. J'aime à me persuader que, soit par affection ou par reconnaissance, soit même par simple curiosité, l'on mettra quelque prix aux renseignemens qui concernent les membres de la famille de Napoléon qui survivent au grand naufrage de l'empire: leur courte apparition dans les hautes sphères du pouvoir suprême fut marquée par tant de modération, de bienveillance et de dévouement au bien public, que la calomnie la plus ingénieuse n'a pas encore osé leur attribuer des actions qui fussent opposées à ces sentimens. Enveloppés eux-mêmes dans ces tourbillons de gloire qui couvraient toute l'Europe, plusieurs d'entre eux se virent à regret poussés sur des trônes qui les éloignaient du bonheur de la vie privée et d'une patrie qui leur était si chère. L'un d'eux (Lucien), que son esprit supérieur et de grands talens rendaient capable d'une si haute élévation, préféra même l'exil à l'espoir assuré d'un diadême. Aujourd'hui que les passions sont

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