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raux jusqu'à la rivière; les hangars provisoires, construits pour des forges et des ateliers, devaient être démolis; des quinconces d'arbres devaient remplacer ces usines de mauvais goût, et sous. leur ombrage solennel on devait rassembler les tombeaux et les cénotaphes des guerriers morts avec honneur. Ce sera l'Elysée des braves, disait Napoléon, et la plus noble des illustrations. Au centre de ces allées céramiques, le lion de SaintMarc, également apporté de Venise, devait orner une belle fontaine dans l'alignement de la rue Saint-Domique. 343,000 francs furent affectés à ces dépenses, et cinquante ouvriers à titre de charité furent employés tous les jours. Plus tard, ces travaux furent suspendus, à la grande satisfaction du commandant des Invalides et même de l'architecte, qui étaient bien éloignés tous les deux d'approuver l'innovation projetée d'un monument au milieu de la grande cour. Dans l'opinion de M. Fontaine, les chevaux de Corinthe, l'une des plus anciennes créations du génie et du goût des Grecs, unique dans son genre, et gages de tant de victoires, transportés de la Grèce à Rome, de Rome à Constantinople, de Constantinople à Venise et de Venise à Paris, devaient être placés au Musée, sur un temple, ou bien sur un arc de triomphe pour lequel ils paraissaient avoir été faits.

Un nouveau projet destina ces trophées de la

gloire à l'embellissement d'un monument funèbre que le premier consul voulait faire élever sur la place des Victoires à la mémoire des généraux Kléber et Desaix, et dont l'exécution devait être confiée à MM. Chaudet, Percier et Lemot.

On avait proposé de placer ces chevaux sur des piédestaux dans le soubassement de la belle colonnade du Louvre, qui paraissait destiné à devenir le palais des sciences et des arts. Cette proposition fut écartée.

Une idée grande, courageuse et annonçant déjà la supériorité et la fermeté du nouveau chef du gouvernement français qui voulait dépouiller la révolution de toutes ses turpitudes, fut celle de faire élever un mausolée dans la cathédrale de Valence en l'honneur du vénérable Pie VI, décédé dans ce lieu d'exil pendant les derniers mois du régime directorial. Le cercueil de Pie VI était laissé obscurément dans la sacristie de la cathédrale de Valence. L'ordre fut donné de commencer les travaux; mais de nouvelles convenances ne permirent point l'exécution de cette noble expiation. Sur la demande du cardinal Spina, les restes du saint pontife lui furent remis pour être transportés à Rome où on leur avait préparé un superbe tombeau dans la basilique de Saint-Pierre. L'intention du premier consul n'en fut pas moins digne d'éloges.

L'attentat du 3 nivôse avait répandu la terreur dans le palais consulaire. La défiance fit accueillir trop favorablement les dénonciations et les soupçons, dans l'incertitude où l'on était de découvrir les véritables auteurs de cette criminelle tentative. M. Lecomte, achitecte des Tuileries, fut victime de quelques propos inconsidérés: dans un moment d'humeur fort excusable en pareil cas il fut destitué, et il fut décidé qu'une commission établie près le ministre de l'intérieur, prendrait à l'avenir connaissance et réglerait les dépenses pour l'entretien des bâtimens et des nouvelles constructions. M. Fontaine assistait au déjeûner de Napoléon, qui lui dit en se levant de table qu'il l'avait nommé architecte du gouvernement à la place de M. Lecomte. Etonné de cette nouvelle, M. Fontaine suivit le premier consul dans le second salon, et le remerciant de la faveur dont il daignait l'honorer, il chercha à justifier M. Lecomte. Je ne veux plus de Lecomte, répondit vivement Napoléon, je vous donne ma confiance, tachez de ne pas la perdre. Le ton dont cette réponse fut faite ne permit pas à l'obligeant défenseur d'insister sur la justification de son confrère; mais croyant trouver une occasion favorable à son amitié pour M. Percier, il fit observer au premier consul que, partageant depuis long-temps avec cet architecte l'honneur de le servir, il le sup

pliait de permettre que leurs deux noms restassent unis comme leurs sentimens. Joséphine, qui venait d'entrer dans le salon, dit plusieurs choses flatteuses sur l'intimité de ces deux architectes si recommandables par leurs talens. Sans répondre affirmativement Napoléon répéta : je vous donne ma confiance, tachez de ne pas la perdre.

L'explosion du 3 nivôse avait renversé plusieurs maisons de la rue Saint-Nicaise; on profita de cette épouvantable catastrophe pour proposer l'entière démolition de la maison Bron, des écuries du consul Lebrun et des magasins de l'Opéra qui appartenaient au gouvernement, et qui, étant dans un mauvais état, auraient exigé de grandes réparations ces propositions diverses furent admises. On arrêta en même temps, des projets d'embellissement pour les abords du château des Tuileries. Quelques mois après, ce palais fut déblayé et débarrassé de toutes les constructions informes, de toutes les baraques et de toutes les échoppes que le caprice ou la cupidité avaient fait bâtir sur la place du Carrousel.

En causant un jour avec le premier consul des dépenses qui par leur nature devaient être à la charge de l'administration des domaines de l'État,

l'architecte du gouvernement lui dit gouvernement lui dit qu'au moyen de cette distinction spéciale il pourrait se regarder comme étant dans la position d'un locataire à l'égard de son propriétaire: Un locataire! répondit Napoléon en regardant fixement cet architecte, un locataire! Cette répétition du même mot fut suivie d'un profond silence, qui fit comprendre que ce qui venait d'être dit paraissait indiscret. La conversation fut rompue; mais deux jours après il fut arrété que les dépenses d'entretien des bâtimens du palais seraient acquittées par le ministre des finances, et que celles des constructions et des travaux extérieurs seraient à la charge de la régie des domaines.

Parmi les victimes du 3 nivôse, M. Trepsat, architecte, fut l'un de ceux qui furent le plus maltraités: il sortait d'un café situé à l'angle de la rue Saint Nicaise; au moment de l'explosion les débris de la petite charrette sous laquelle avait été placé le baril de poudre lui fracassèrent la cuisse, et lui firent plusieurs autres blessures très-graves; on lui fit l'amputation, et il resta ainsi mutilé, sans moyens d'existence et dans un état déplorable. M. *** en ayant été instruit en parla au premier consul, et obtint la permission de lui présenter M. Trepsat, qui parut avec la contenance modeste d'un vieillard malheureux. Au nombre des questions que lui fit Napoléon, il lui demanda quelles avaient été ses réflexions lorsqu'il se sentit blessé et renversé, M. Trepsat répon

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