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Allez, je vous refuse, et ce sensible outrage
De vos indignes fers pour jamais me dégage.
(Célimène se retire et Alceste parle à Éliante.)
Madame, cent vertus ornent votre beauté,
Et je n'ai vu qu'en vous de la sincérité;

De vous, depuis longtemps, je fais un cas extrême;
Mais laissez-moi toujours vous estimer de même;
Et souffrez que mon cœur, dans ses troubles divers,
Ne se présente point à l'honneur de vos fers:

Je m'en sens trop indigne, et commence à connoître
Que le Ciel pour ce nœud ne m'avoit point fait naître;
Que ce seroit pour vous un hommage trop bas
Que le rebut d'un cœur qui ne vous valoit pas;
Et qu'enfin....

ÉLIANTE.

Vous pouvez suivre cette pensée :
Ma main de se donner n'est pas embarrassée,
Et voilà votre ami, sans trop m'inquiéter,
Qui, si je l'en priois, la pourroit accepter.

PHILINTE.

Ah! cet honneur, Madame, est toute mon envie,
Et j'y sacrifierois et mon sang et ma vie.

ALCESTE.

Puissiez-vous, pour goûter de vrais contentements, L'un pour l'autre à jamais garder ces sentiments! Trahi de toutes parts, accablé d'injustices,

Je vais sortir d'un gouffre où triomphent les vices, Et chercher sur la terre un endroit écarté

Où d'être homme d'honneur on ait la liberté.

PHILINTE.

Allons, Madame, allons employer toute chose
Pour rompre le dessein que son cœur se propose.

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Non, je te dis que je n'en veux rien faire, et que c'est à moi de parler et d'être le maître.

MARTINE.

Et je te dis, moi, que je veux que tu vives à ma fantaisie, et que je ne me suis point mariée avec toi pour souffrir tes fredaines.

SGANARELLE.

O la grande fatigue que d'avoir une femme! et qu'Aristote a bien raison, quand il dit qu'une femme est pire qu'un démon!

MARTINE.

Voyez un peu l'habile homme, avec son benêt d'Aristote.

SGANARELLE.

Oui, habile homme trouve-moi un faiseur de fagots qui sache,

comme moi, raisonner des choses, qui ait servi six ans un fameux médecin, et qui ait su, dans son jeune âge, son rudiment par cœur.

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Que maudits soient l'heure et le jour où je m'avisai d'aller dire oui !

SGANARELLE.

Que maudit soit le bec cornu de notaire qui me fit signer ma ruine!

MARTINE.

C'est bien à toi, vraiment, à te plaindre de cette affaire. Devroistu être un seul moment sans rendre grâces au Ciel de m'avoir pour ta femme? et méritois-tu d'épouser une personne comme moi?

SGANARELLE.

Il est vrai que tu me fis trop d'honneur.... Hé! morbleu! ne me fais point parler là-dessus : je dirois de certaines choses....

Quoi? Que dirois-tu?

MARTINE.

SGANARELLE.

Baste! laissons là ce chapitre. Il suffit que nous savons ce que nous savons, et que tu fus bien heureuse de me trouver.

MARTINE.

Qu'appelles-tu bien heureuse de te trouver? Un homme qui me réduit à l'hôpital, un débauché, un traître, qui me mange tout ce que j'ai?

SGANARELLE.

Tu as menti: j'en bois une partie.

MARTINE.

Qui me vend, pièce à pièce, tout ce qui est dans le logis.

C'est vivre de ménage.

SGANARELLE.

MARTINE.

Qui m'a ôté jusqu'au lit que j'avois.

SGANARELLE.

Tu t'en lèveras plus matin.

MARTINE.

Enfin, qui ne laisse aucun meuble dans toute la maison.

SGANARELLE.

On en déménage plus aisément.

MARTINE.

Et qui, du matin jusqu'au soir, ne fait que jouer et que boire.

SGANARELLE.

C'est pour ne me point ennuyer.

MARTINE.

Et que veux-tu, pendant ce temps, que je fasse avec ma famille?

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Donne-leur le fouet : quand j'ai bien bu et bien mangé, je veux que tout le monde soit soûl dans ma maison.

MARTINE.

Et tu prétends, ivrogne, que les choses aillent toujours de même?

SGANARELLE.

Ma femme, allons tout doucement, s'il vous plaît.

MARTINE.

Que j'endure éternellement tes insolences et tes débauches?

SGANARELLE.

Ne nous emportons point, ma femme.

MARTINE.

Et que je ne sache pas trouver le moyen de te ranger à ton devoir?

SGANARELLE.

Ma femme, vous savez que je n'ai pas l'âme endurante, et que j'ai le bras assez bon.

MARTINE.

Je me moque de tes menaces.

SGANARELLE.

Ma petite femme, ma mie, votre peau vous démange à votre ordinaire.

MARTINE.

Je te montrerai bien que je ne te crains nullement.

MOLIÈRE.

9

SGANARELLE.

Ma chère moitié, vous avez envie de me dérober quelque chose.

MARTINE.

Crois-tu que je m'épouvante de tes paroles?

SGANARELLE.

Doux objet de mes vœux, je vous frotterai les oreilles.

MARTINE.

Ivrogne que tu es!

SGANARELLE.

Je vous battrai.

MARTINE.

Sac à vin!

SGANARELLE.

Je vous rosserai.

MARTINE.

Infâme!

SGANARELLE.

Je vous étrillerai.

MARTINE.

Traître, insolent, trompeur, lâche, coquin, pendard, gueux, belitre, fripon, maraud, voleur....

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Hola! hola! holà! Fi! Qu'est-ce ci? Quelle infamie! Peste soit le coquin de battre ainsi sa femme!

MARTINE, à Robert.

Et je veux qu'il me batte, moi.

MONSIEUR ROBERT.

Ah! j'y consens de tout mon cœur.

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