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Ce Catéchisme en comprend trois : le premier, pour ceux qui commencent; le deuxième, pour ceux qui sont plus avancés; le troisième pour tous les fidèles. Dans le premier, s'adressant à l'enfant qui commence à bégayer, le plus éloquent des évêques lui apprend le signe de la croix, le mystère de la sainte Trinité, le Symbole des apôtres, le les commandemens de Dieu, les premières notions des sacremens, Pater et l'Ave, la prière du matin et celle du soir. Dans le deuxième, il traite, comme en cinq sections: 1o des premiers principes de la religion,comprenant la création, le péché originel et la rédemption du genre humain; 2o de la foi et du Symbole, qui en est l'expression; 3o de l'espérance et de la prière, qui en est le fruit; 4o de la charité et des commandemens de Dieu, qui en sont la loi; 5o des sacremens et de la justice, qui en est l'effet. Enfin dans le troisième, il parle du dimanche, consacré spécialement au culte de Dieu; des fêtes de NotreSeigneur, instituées pour célébrer les mystères de sa vie; des fêtes de la sainte Vierge, où l'on honore ses grandeurs et ses souffrances; des fêtes des saints, qui rappellent la mémoire de leurs vertus.

Tous ces rites de la religion, tous ces préceptes de la morale, toutes ces vérités du dogme chrétien, Bossuet les explique avec autant d'élévation que de clarté. Il s'élève partout jusqu'aux sommités de la science, prenant toutes les définitions fondamentales dans les plus grands docteurs, le plus souvent dans saint Thomas. Il n'a jamais pensé que les peuples, « ni même les gens de travail, » fussent incapables d'entendre les plus hautes vérités du christianisme. « On trouve, dit-il, des villages qui, pour avoir eu seulement quelques bons curés, qui se sont donnés tout entiers à les instruire, ont fait de si grands progrès dans la doctrine chrétienne qu'on en est surpris; en sorte que quand on crie tant que les peuples sont incapables, il est à craindre que ce ne soit un prétexte pour se décharger de la peine de les instruire 1. » Cependant il ne laisse pas la foiblesse sans appui, l'impuissance sans secours en même temps qu'il provoque et soutient constamment l'attention par la vivacité des questions, par l'imprévu des réponses et par la soudaineté des aperçus, l'habile catéchiste décompose les formules scientifiques en les expliquant propositions par propositions, termes par termes ; il donne pour ainsi dire un corps aux idées abstraites, en les montrant réalisées dans des traits historiques ou sous la forme d'exemples frappans; il emploie mille stratagèmes pour préparer la voie de la vérité dans les plus simples intelligences.

Tous les grands hommes du grand siècle ont admiré le Catéchisme de Meaux. L'abbé Fleury se proposa de l'imiter dans son Catéchisme

1 Catéchisme, Avertissem.- Les faiseurs de manuels qui ont retranché de la théologie tout ce qu'elle renferme de profond, de scientifique et de lumineux, allèguent pareillement l'incapacité des élèves.

historique. Un émule de Bossuet dans les joutes scolaires, l'abbé de Rancé vantoit cet art merveilleux qui joint en quelque sorte le bégaiement de l'enfant à la parole sublime du théologien consommé 1. Mais voici un témoignage non moins impartial et plus décisif encore : l'auteur reconnoissoit lui-même, en toute franchise et toute simplicité, « qu'il n'avoit rien paru en ce genre de plus accompli 2. » Ajoutons que, jusqu'à ce jour, on n'a rien publié d'aussi parfait ni pour la solidité de la doctrine, ni pour l'ordre des matières, ni pour la clarté de l'exposition, ni pour la beauté du langage.

Le Catéchisme fut composé en 1686, annoncé vers la fin de cette année par un mandement et donné au diocèse de Meaux dans le commencement de 1687. Depuis cette dernière époque, plusieurs éditions parurent chez Cramoisy à Paris, et à Lyon chez Anisson. Les trois premières éditions renferment en entier le Credo, le Pater et l'Ave; les suivantes indiquent seulement ces prières; du reste, aucune différence. L'auteur corrigea son ouvrage, et le céda à la veuve Benard en 1701 3. 1 Mémoire de l'abbé Ledieu, ubi supra. 2 Ibid. 3 Le contrat de cession, écrit de la main de Bossuet, se trouve à la Bibliothèque impériale, au commencement du troisième volume de ses manuscrits; il montre ce que se proposoit le grand écrivain dans la publication de ses ouvrages. Ce contrat, le voici : « Cession du Catéchisme de Meaux, au profit de la veuve Benard, du 10 juin 1701.

» Jacques-Bénigne Bossuet, évêque de Meaux, reconnois avoir cédé et transporté à la dame Marie Dallin, veuve de Simon Benard, marchande libraire à Paris, mon droit de privilége à moi accordé par sa Majesté, par lettres-patentes données à Versailles le vingt-sixième de février mil sept cent un, pour la réimpression de tous mes ouvrages déjà imprimés et pour tous ceux que nous voulons faire imprimer dans la suite. Je reconnois avoir cédé et transporté le privilége susdit pour mon Catéchisme seulement, cy-devant imprimé sous ce titre : Catéchisme du diocèse de Meaux, etc., pour le temps de dix années consécutives passé auxdites lettres de privilége; et ce aux conditions d'en fournir et livrer en tout temps pour ledit diocèse de Meaux les nombres qui seront nécessaires, au prix de huit sols, en blanc (a), le volume in duodecimo, comme il vient d'être imprimé en la présente année, contenant les trois catéchismes, le premier, le second et celui des fêtes; dont la vente et distribution se fera à Meaux par la Veuve Claude Charles et par son fils, libraire en ladite ville, ou par telle autre personne qu'il nous plaira de choisir à cet effet.

>> Et moi Marie Dallin, veuve de Simon Benard susdite, en acceptant la présente cession pour ledit Catéchisme seulement, je me soumets pareillement aux conditions qui y sont portées; et je promets à mondit Seigneur évêque de Meaux et à tous autres, de les entretenir ainsi qu'elles sont ci-dessus expliquées. Fait et Signé double en l'hôtel de mondit Seigneur, évêque de Meaux, ce deuxième jour de juin mil sept cent un.

† J. BÉNIGNE, Evêque de Meaux. DALLIN, veuve BENARD. »

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(a) C'est-à-dire en feuilles. Dans le xviie siècle, on vendoit les livres reliés; dans le milieu du XVIIIe, ou commença de les vendre cartonnés; plus tard, on les a vendus le plus souvent brochés.

C'est l'édition corrigée, bien entendu, qui nous a servi de modèle dans notre travail préparatoire; et la confrontation nous a fait découvrir, dans les éditions modernes, des fautes aussi nombreuses qu'importantes.

Après le concordat, le Restaurateur du culte en France déclara sur la proposition du ministre Portalis, avec l'assentiment de l'épiscopat, le Catéchisme de Bossuet obligatoire dans tout l'empire. Un nouveau chapitre, ajouté au quatrième commandement de Dieu, rappeloit aux François la soumission, la déférence, le respect qu'ils devoient à « Napoléon Ier, leur auguste empereur.»

II.

Voici un autre monument de la sollicitude du saint évêque les Prières ecclésiastiques, manuel de piété pour bien entendre le service de la paroisse. Dans cette nouvelle publication, le dessein de l'auteur fut, comme il nous l'apprend lui-même, d'aider les plus ignorans qui ne sont pas capables de hautes méditations, les plus pauvres qui n'ont pas le moyen d'acheter d'autres livres, et les plus occupés qui n'ont pas le temps de faire de longues lectures.

Les Prières ecclésiastiques offrent à l'adulte une nourriture plus substantielle que celle que le Catéchisme présente à l'enfant; ces deux livres, complétés l'un par l'autre, renferment tout ce qui est nécessaire au salut. L'abrégé de la doctrine chrétienne fait connoître les saints mystères qui se célèbrent dans le culte public; le recueil des paroles liturgiques unit les fidèles au ministre des autels qui accomplit les rites sacrés; si bien que le pasteur et les ouailles, priant dans le même esprit et comme d'un seul cœur, forment un concert de louanges et de supplications qui s'élèvent vers le ciel comme un encens d'agréable odeur. L'Eglise s'est toujours servie, dans les offices divins, des langues. anciennes et primitives, soit pour conserver l'uniformité par toute la terre, soit pour éviter les changemens qui se font dans les langues vivantes, soit aussi pour prévenir de funestes interprétations. Cependant Bossuet a voulu procurer aux fidèles l'avantage que peut apporter l'intelligence des paroles liturgiques; il a traduit les offices de l'Eglise dans sa langue magnifique, en ajoutant aux psaumes de courtes réflexions qui en fixent le véritable sens. Les premiers éditeurs des Prières ecclésiastiques ont publié les psaumes en latin et en françois; les éditeurs des œuvres complètes ont supprimé, parce qu'ils le donnoient ailleurs, le texte original pour ne conserver que le texte traduit. On a pareillement retranché le latin des psaumes dans cette édition, mais on s'est fait un devoir d'imprimer le françois avec les commentaires.

Composées un an après le Catéchisme, les Priéres ecclésiastiques ont

paru pour la première fois en 1689, puis après correction en 1701, chez la veuve Benard. C'est sur cette édition que la nôtre a été collationnée.

On peut joindre aux Prières ecclésiastiques les Méditations et les Instructions pour le jubilé. Le jubilé séculaire fut donné en 1700. Bossuet en obtint, pour son diocèse, la prorogation à l'année 1702. Il avoit déjà publié, en 1696, les deux écrits dont on vient de voir les titres 1; il les corrigea dans l'année 1701 et les fit de nouveau paroître en février 1702, chez Anisson. Le dimanche de la Passion, à l'ouverture du jubilé, il prêcha sur ce texte : Cui minùs dimittitur minùs diligit3; << plus l'Eglise est indulgente, plus on doit s'exciter à l'amour pour mériter ses graces. » Ce discours étoit très-tendre et très-édifiant; et M. de Meaux le prononça avec toutes ses graces et aussi avec une voix nette, forte, sans tousser ni cracher d'un bout à l'autre du sermon, en sorte qu'on l'entendit très-aisément jusqu'aux portes de l'Eglise. >> Pendant la semaine, trois jours de suite, il conduisit les processions, « récitant à haute voix dans toutes les églises les cinq Pater et les cinq Ave. Et le long du chemin, allant et venant d'une église à l'autre, on récitoit les sept psaumes en psalmodiant fort lentement. Un vent froid qui régna tous ces jours-là, même de la neige dont on fut surpris en procession, rien n'empêcha le prélat d'assister à cette dévotion publique et de donner le premier l'exemple. » Bossuet avoit alors soixantequinze ans.

III.

Autre ouvrage. Avant les disputes suscitées par la Réforme, quelques docteurs enseignoient que la contrition servile, c'est-à-dire le regret du péché conçu par la crainte de l'enfer, suffisoit avec le sacrement pour la justification, si bien que l'homme pouvoit obtenir le salut sans jamais avoir aimé son Créateur. Le concile de Trente établit cette proposition: « Les pécheurs se disposent à la justice,... lorsqu'ils commencent à aimer Dieu; » d'où il suit que la contrition, pour opérer avec le sacrement la rémission des péchés, doit renfermer un commencement d'amour de Dieu. Malgré cette décision souveraine, plusieurs théologiens, ceux-là même qui se disoient les enfans les plus soumis de l'Eglise, continuèrent de soutenir la suffisance et l'efficacité de la contrition servile.

Bossuet avoit souvent combattu cette erreur dans les assemblées ecclésiastiques, dans les synodes qu'il tenoit régulièrement et dans les conférences qu'il présidoit lui-même. Plusieurs prêtres le prièrent

1 Mémoire de l'abbé Ledieu, année 1696. 1701; 15 février 1702. - 3 Luc., VII, 47. Trid., sess. VI, cap. vi.

Journal de Ledieu, 27 décembre
Journal, 2 avril 1702.
$ Conc.

avec instance de leur laisser par écrit ses doctes enseignemens; il céda aux sollicitations de « ses frères et coopérateurs dans le ministère sacré;» de là le Traité sur l'amour de Dieu nécessaire dans le sacrement de pénitence.

Ce traité est divisé en trois parties : dans la première, l'auteur parle de l'efficacité des sacremens, et prouve qu'ils ne requièrent pas l'amour de Dieu qui justifie par lui-même; dans la deuxième, il traite de l'amour commencé, et montre qu'il est nécessaire pour recevoir avec fruit les sacremens 1; dans la troisième, il résout les objections par des principes incontestables.

Quand le Traité sur l'amour de Dieu a-t-il été composé? Deux citations vont nous l'apprendre. Dans la troisième partie dont on parloit à l'instant même, après avoir réfuté les objections contre l'amour commencé, Bossuet dit : «J'ai si souvent réfuté ces grossières absurdités, que j'ai de la peine à les discuter encore. » Sur quoi l'évêque de Troyes reprend : « Ces paroles prouvent deux choses. La première, que le Traité sur l'amour de Dieu n'a été composé qu'après tous ses écrits contre M. de Cambray, peu de temps avant sa mort, après que la célèbre assemblée du clergé eut fait sur cette même matière ce sage et important décret où il eut tant de part 2. » Or le dernier écrit de Bossuet contre Fénelon fut publié en 1699, et la célèbre assemblée du clergé eut lieu en 1700 Bossuet composa donc notre ouvrage après cette dernière date; mais il le laissa dans son portefeuille avec tant de chefs-d'œuvre, sans le mettre au jour. C'est un homme qui portoit un nom devenu lourd à porter, c'est Jacques-Bénigne Bossuet, évêque de Troyes, qui reçut en héritage le savant traité, ainsi que tous les manuscrits laissés par le grand écrivain. La reconnoissance pour son bienfaiteur et le zèle pour la saine doctrine, tout lui commandoit de le donner promptement au public par l'impression; mais au milieu des soins divers qui l'occupoient quelquefois à la cour du Régent, souvent dans les antichambres, habituellement dans le monde, il n'en trouva le temps qu'en 1736, après l'avoir laissé trente-deux ans dans la poussière de sa bibliothèque.

Il fit passer dans le volume, sous le couvert de l'original latin, la traduction françoise et un mandement. L'original, nous le reproduisons avec une exactitude scrupuleuse; la traduction, nous la laissons là; le mandement, nous l'avons cité et le citons encore : « Tout le monde se confesse, dit l'évêque de Troyes; où sont les conversions 3? » Tout le monde se confessoit en 1736; que fait aujourd'hui tout le monde, après un siècle de progrès et de liberté ?

L'auteur parle, comme le concile de Trente, des adultes.

2 Dans le Man

dement joint au Traité. 3 Ibid. Quelques bibliographes attribuent ce mandement et cette traduction au P. Lenet, génovéfain.

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