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grément. L'imagination brillante de Descartes se décèle partout dans ses ouvrages; et s'il n'avait voulu être ni géomètre, ni philosophe, il n'aurait encore tenu qu'à lui d'être le plus bel esprit de son temps.

Le Discours sur la méthode parut le 8 juin 1637. Il était à la tête de ses Essais de philosophie. Descartes y indique les moyens qu'il a suivis pour tâcher de parvenir à la vérité, et ce qu'il faut faire encore pour aller plus avant. On y trouva une profondeur de méditation inconnue jusqu'alors. C'est là qu'est l'histoire de son fameux doute. Il a depuis répété cette histoire dans deux autres ouvrages, dans le premier livre de ses Principes, et dans la première de ses Méditations métaphysiques, Il fallait qu'il sentît bien vivement l'importance et la nécessité du doute pour y revenir jusqu'à trois fois, lui qui était si avare de paroles. Mais il regardait le doute comme la base de la philosophie, et le garant sûr des progrès qu'on pourrait y faire dans tous les siècles...

Les règles de l'analyse ogique qu'on peut regarder comme la seconde partie de sa Methode, sont indiquées dans plusieurs de ses ouvrages, et rassemblées en grande partie dans un manuscrit qui n'a été imprimé qu'après sa mort. L'ouvrage est intitulé: Règles pour conduire notre esprit dans la recherche de la vérité. En voici à peu près la marche. Voulez-vous trouver la vérité? formez votre esprit et rendez-le capable de bien juger Pour y parvenir, ne l'appliquez d'abord qu'à ce qu'il peut bien connaître par lui-même. Pour bien connaître, ne cherchez pas ce qu'on a écrit ou pensé avant vous; mais sachez vous en tenir à ce que vous reconnaissez vous-même pour évident. Vous ne trouverez point la vérité sans méthode : la méthode consiste dans l'ordre; l'ordre consiste à réduire les propositions complexes à des propositions simples, et vous élever par degrés des unes aux autres. Pour vous perfectionner dans une science, parcourez-en toutes les questions et toutes les branches, enchainant toujours vos pensées les unes aux autres. Quand votre esprit né conçoit pas, sachez vous arrêter; examinez longtemps les choses les plus faciles; vous vous accoutumerez ainsi à regarder fixement la vérité et à la reconnaître. Voulez-vous aiguiser votre esprit et le préparer à découvrir un jour par lui-même, exercez-le d'abord sur ce qui a été inventé par d'autres. Suivez surtout les découvertes où il y a de l'ordre et un enchaînement d'idées. Quand il aura examiné beaucoup de propositions simples, qu'il s'essaie peu à peu à embrasser distinctement plusieurs objets à la fois; bientôt il acquerra de la force et de l'étendue. Enfin, mettez à profit tous les secours de l'entendement, de l'imagination, de la mémoire et des sens, pour comparer ce qui est déjà connu avec ce qui ne l'est pas, et découvrir l'un par l'autre.

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Descartes divise tous les objets de nos connaissances en propositions simples et en questions. Les questions sont de deux sortes : ou on les entend parfaitement, quoiqu'on ignore la manière de les résoudre, ou la connaissance qu'on en a est、imparfaite. Le plan de Descartes était de donner trente-six règles, c'est-à-dire douze pour chacune de ces divisions. Il n'a exécuté que la moitié de l'ouvrage, mais il est aisé de voir par cet essai comment il portait l'esprit de système et d'analyse dans toutes ses recherches, et avec quelle adresse il décomposait, pour ainsi dire, tout le mécanisme du raisonnement.

Les Méditations métaphysiques de Descartes parurent en 1641. ✩ C'était, de tous ses ouvrages, celui qu'il estimait le plus. Il le louait avec un enthousiasme de bonne foi, car il croyait avoir trouvé le moyen de démontrer les vérités métaphysiques d'une manière plus évidente que les démonstrations de géométrie. Ce qui caractérise surtout cet ouvrage, c'est qu'il contient sa fameuse démonstration de Dieu par l'idée, démonstration si répétée depuis, adoptée par les uns et rejetée par les autres; et qu'il est le premier où la distinction de l'esprit et de la matière soit complètement développée, car, avant Descartes, on n'avait point encore bien approfondi les preuves philosophiques de la spiritualité de l'âme. Une chose remarquable, c'est que Descartes ne donna cet ouvrage au public que par principe de conscience. Ennuyé des tracasseries qu'on lui suscitait depuis trois ans pour ses Essais de philosophie, il avait résolu de ne plus rien imprimer. « J'aurais, dit-il, une vingtaine d'approbateurs et des milliers d'ennemis; ne vaut-il pas mieux me taire et m'instruire en si lence? » Il crut cependant qu'il ne devait pas supprimer un ouvrage qui pouvait fournir ou de nouvelles preuves de l'existence de Dieu, ou de nouvelles lumières sur la nature de l'âme. Mais avant de le risquer, il le communiqua à tous les hommes les plus savants de l'Europe, recueillit leurs objections et y répondit. Le célèbre Arnauld fut du nombre de ceux qu'il consulta. Arnauld n'avait alors que vingthuit ans. Descartes fut étonné de la profondeur et de l'étendue du génie qu'il trouva dans ce jeune homme. Il s'en fallait de beaucoup qu'il eût porté le même jugement des objections de Hobbes et de celles de Gassendi. Il fit imprimer toutes ces objections, avec les réponses, à la suite des Méditations; et pour leur donner encore plus de poids, le philosophe dédia son ouvrage à la Sorbonne. Je veux m'appuyer de l'autorité, disait-il, puisque la vérité est si peu de chose quand elle est seule. Il n'avait point encore pris assez de précautions. Ce livre, approuvé par les docteurs, discuté par des savants, dédié à la Sorbonne, et où le génie s'épuise à prouver l'existence de Dieu et la spiritualité de l'âme, fut mis, vingt-deux ans après, à l'index.

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On a été étonné que, dans ses Méditations métaphysiques, Descartes n'ait point parlé de l'immortalité de l'âme. Ses ennemis avaient beau jeu, et ils n'ont pas manqué de profiter de ce silence pour l'accuser de n'y pas croire. Mais il nous apprend lui-même, par une de ses lettres, qu'ayant établi clairement dans cet ouvrage la distinction de l'âme et de la matière, il suivait nécessairement de cette distinction que l'âme par sa nature ne pouvait périr avec le corps...

La Géométrie de Descartes parut en 1637 avec le Traité de la méthode, son Traité des météores et sa Dioptrique. Ces quatre traités réunis ensemble formaient ses Essais de philosophie. Sa Géométrie était si fort au-dessus de son siècle, qu'il n'y avait réellement que très-peu d'hommes en état de l'entendre. C'est ce qui arriva depuis à Newton; c'est ce qui arrive à presque tous les grands hommes. Il faut que leur siècle coure après eux pour les atteindre. Outre que sa Géométrie était très-profonde et entièrement nouvelle, parce qu'il avait commencé où les autres avaient fini, il avoue lui-même dans une de ses lettres qu'il n'avait pas été fâché d'être un peu obscur, afin de mortifier un peu ces hommes qui savent tout. Si on l'eût entendu trop aisément, on n'aurait pas manqué de dire qu'il n'avait rien écrit de nouveau, au lieu que la vanité humiliée était forcée de lui rendre hommage. Dans une autre lettre, on voit qu'il calcule avec | plaisir les géomètres en Europe qui sont en état de l'entendre. Il en trouve trois ou quatre en France, deux en Hollande, et deux dans les Pays-Bas espagnols...

Presque toute la physique de Descartes est renfermée dans son livre des Principes. Cet ouvrage, qui parut en 1644, est divisé en quatre parties. La première est toute métaphysique, et contient les principes des connaissances humaines; la seconde est sa physique générale, et traite des premières lois de la nature, des éléments de la matière, des propriétés de l'espace et du mouvement; la troisième est l'explication particulière du système du monde et de l'arrangement des corps célestes; la quatrième contient tout ce qui concerne la terre...

Traité des météores, imprimé en 1637, comme on l'a déjà dit. Ce fut un des ouvrages de Descartes qui éprouva le moins de contradiction. Au reste, ce ne serait pas une manière toujours sûre de louer un ouvrage philosophique, mais quelquefois aussi les hommes font grâce à la vérité. C'est le premier morceau de physique que Descartes donna...

Traité de la dioptrique, imprimé aussi en 1637, à la suite du Discours sur la méthode.

Traité de musique, composé par Descartes en 1618, dans le temps

qu'il servait en Hollande; il n'avait alors que vingt-deux ans. Cet ouvrage de sa jeunesse ne fut imprimé qu'après sa mort. Il fut commenté et traduit en plusieurs langues, mais il ne fit point de révolution...

Il s'en faut de beaucoup que le Traité de mécanique de Descartes soit complet. Descartes le composa à la hâte en 1636, pour faire plaisir à un de ses amis, père du fameux Huygens. C'était un pré-sent que le génie offrait à l'amitié. Il espérait dans la suite refondre cet ouvrage, et lui donner une vaste étendue; mais il n'en eut point le temps. On le fit imprimer après sa mort, par cette curiosité naturelle qu'on a de rassembler tout ce qui est sorti des mains d'un grand homme. Ce petit traité parut pour la première fois en 1668.

Tout le monde connaît Descartes comme métaphysicien, comme physicien et comme géomètre, mais peu de gens savent qu'il fut un très-grand anatomiste. Comme le but général de ses travaux était l'utilité des hommes, au lieu de cette philosophie vaine et spéculative qui jusqu'alors avait régné dans les écoles, il voulait une philosophie pratique où chaque connaissance se réalisât par un effet, et qui se rapportât tout entière au bonheur du genre humain. Les deux branches de cette philosophie devaient être la médecine et la mécanique. Par l'une il voulait affermir la santé de l'homme, diminuer ses maux, étendre son existence, et peut-être affaiblir l'impression de la vieillesse; par l'autre, faciliter ses travaux, multiplier ses forces, et le mettre en état d'embellir son séjour. Descartes était surtout épouvanté du passage rapide et presque instantané de l'homme sur la terre. Il crut qu'il ne serait peut-être pas impossible d'en prolonger l'existence. Si c'est un songe, c'est du moins un beau songe, et il est doux de s'en occuper. Il y a même un coin de grandeur dans cette idée, et les moyens que Descartes proposa pour l'exécution de ce projet n'étaient pas moins grands, c'était de saisir et d'embrasser tous les rapports qu'il y a entre tous les éléments, l'eau, l'air, le feu et l'homme; entre toutes les productions de la terre et l'homme; entre toutes les influences du soleil et des astres et l'homme; entre l'homme, enfin, et tous les points de l'univers les plus rapprochés de lui; idée vaste, qui accuse la faiblesse de l'esprit humain, et ne paraît toucher à des erreurs que parce que, pour la réaliser, ou peutêtre même pour la bien concevoir, il faudrait une intelligence supérieure à la nôtre. On voit par là dans quelle vue il étudiait la physique. On peut aussi juger de quelle manière il pensait sur la médecine actuelle. En rendant justice aux travaux d'une infinité d'hommes célèbres qui se sont appliqués à cet art utile et dangereux, il pensait que ce qu'on savait jusqu'à présent n'était presque rien en

comparaison de ce qui restait à savoir. Il voulait donc que la médecine, c'est-à-dire la physique appliquée au corps humain, fût la grande étude de tous les philosophes. « Qu'ils se liguent tous ensemble, disait-il dans un de ses ouvrages; que les uns commencent où les autres auront fini; en joignant ainsi les vies de plusieurs hommes et les travaux de plusieurs siècles, on formera un vaste dépôt de connaissances, et l'on assujettira enfin la nature à l'homme. » Mais le premier pas était de bien connaître la structure du corps humain. Il commença dans l'exécution de son plan par l'étude de l'anatomie; il y employa tout l'hiver de 1629; il continua cette étude pendant plus de douze ans, observant tout et expliquant tout par des causes naturelles. Il ne lisait presque point, comme on l'a déjà dit plus d'une fois. C'était dans les corps qu'il étudiait les corps. Il joignit à cette étude celle de la chimie, laissant toujours les livres et regardant la nature. C'est d'après ces travaux qu'il composa son Traité de l'homme. Dès qu'il parut, on le mit au nombre de ses plus beaux ouvrages. Il n'y en a peut-être même aucun dont la marche soit aussi hardie et aussi neuve. La manière dont il y explique tout le mécanisme et tout le jeu des ressorts dut étonner le siècle des qualités occultes et des formes substantielles. Avant lui on n'avait point osé assigner les actions qui dépendent de l'âme et celles qui ne sont que le résultat des mouvements de la machine. Il semble qu'il ait voulu poser les bornes entre les deux empires. Cet ouvrage n'était point achevé quand Descartes mourut; il ne fut imprimé que dix ans après sa mort.

Descartes composa son Traité des passions en 1646, pour l'usage particulier de la princesse Élisabeth. Il l'avait envoyé manuscrit à la reine de Suède sur la fin de 1647; il le fit imprimer, à la sollicitation de ses amis, en 4649. Son dessein, dit-il, dans la composition de cet ouvrage, était d'essayer si la physique pourrait lui servir à établir des fondements certains dans la morale. Aussi n'y traite-t-il guère les passions qu'en physicien. C'était encore un ouvrage nouveau et tout à fait original. On y voit presque à chaque pas l'âme et le corps agir et réagir l'un sur l'autre, et on croit pour ainsi dire toucher les liens qui les unissent.

C'est en 1633 que Galilée fut condamné par l'Inquisition pour avoir enseigné le mouvement de la terre. Il y avait déjà quatre ans que Descartes travaillait en Hollande. L'emprisonnement de Galilée fit une si forte impression sur lui qu'il fut sur le point de brûler tous ses papiers...

Il est très-sûr que Descartes prévit toutes les persécutions qui l'attendaient. Il avait souvent résolu de ne rien faire imprimer, et il ne céda

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