Images de page
PDF
ePub
[merged small][graphic][merged small][merged small][ocr errors]

ARCHIVES

DIPLOMATIQUES

1865

II

PREMIÈRE PARTIE.

ÉTATS-UNIS D'AMÉRIQUE.

DOCUMENTS RELATIFS AUX AFFAIRES EXTÉRIEURES

COMMUNIQUÉS

AU CONGRÈS DE WASHINGTON, PAR LE PRÉSIDENT

à l'ouverture de la session 1864.

M. Seward à M. Dayton.

Washington, le 1er décembre 1862.

Monsieur, j'aime à croire que vous ne souffrirez pas que les nuages qui se sont récemment amassés sous vos pieds, excitent aucune alarme au sujet du bonheur de notre pays. C'est sur la situation des affaires à l'intérieur et non sur l'état de l'opinion publique en Europe que nous devons porter nos regards si nous voulons apprécier l'avenir de notre pays. Le grand problème de l'esclavage domestique dans les États

ARCH. DIPL. 1865-III

11

Unis se présentait de nouveau au moment où la guerre éclata. Ce problème est en voie de solution et la guerre continue. Il n'est pas encore résolu et la guerre n'est pas encore terminée. Le peuple des ÉtatsUnis est profondément engagé dans cette tâche difficile. Et s'il critique ou rejette successivement les divers projets de solution proposés, cela ne prouve pas qu'il abandonne la tâche. Au contraire, c'est là même un acheminement vers son accomplissement. Si le travail paraît lent, demandez à l'homme qui observe, où et à quelle époque une nation quelconque avança plus rapidement dans un labeur aussi complexe et aussi difficile. Le message du Président appellera l'attention du public plus directement et plus sérieusement sur cette grande œuvre. La guerre n'eût pas effrayé le peuple s'il n'avait pas craint que l'Union ne pût résister à la lutte nécessaire pour résoudre ce problème. Les appréhensions de ce genre commencent à se dissiper. Les éléments de force, de puissance et de stabilité dans l'Union sont plus considérables aujourd'hui, au moment de la réunion du Congrès, qu'il y a un an. L'insurrection a dans la même proportion perdu de sa vigueur. Les révolutions ne ranimeront ni ses forces, ni son énergie. Elle eût dû réussir tout dabord, ou au moins gagner constamment du terrain; autrement elle est condamnée à périr. Il y a un an, toute nation étrangère aurait pu, ce semblait, nous envahir et nous détruire d'un seul coup. Je suis persuadé qu'aujourd'hui aucune nation étrangère ne concevrait un tel projet, et l'alliance de plusieurs puissances dans ce but est impossible. Signé WILLIAM H. SEWARD.

M. Seward à M. Dayton.

(Extrait.)

Washington, le 29 décembre 1862.

Monsieur, la malle de l'Europe vient d'arriver, quelques heures seulement avant l'heure du départ du courrier et elle ne m'apporte aucune communication de votre légation.

Les circonstances qui tendraient à faire douter des sentiments bienveillants de la France à l'égard des États-Unis, et sur lesquelles vous avez déjà précédemment appelé mon attention, préoccupent aujourd'hui le public des États-Unis tout comme celui de l'Europe. Quelques écrivains d'Europe qui nous sont contraires ou qui, pour parler plus exactement, voient d'un mauvais œil la bonne harmonie entre la France et les États-Unis, réveillent ici des susceptibilités populaires et des méfiances lesquelles, si elles n'ont pas de justes motifs, comme le pense le Président, doivent être vivement déplorées dans les deux pays. Voici en général la forme dans laquelle ces insinuations se pro

duisent on dit que la France a le dessein de se servir de la guerre contre le Mexique comme d'un moyen pour attaquer les États-Unis par le golfe du Mexique et par ses côtes. L'interprétation donnée communément par le peuple aux dernières ouvertures faites par l'Empereur à la Grande-Bretagne et à la Russie pour les engager à offrir leur médiation dans nos affaires, encourage ces alarmes, et pourrait par conséquent les propager plus qu'il ne serait désirable.

Je constate avec satisfaction que la France, d'accord avec les ÉtatsUnis, désire que les sympathies mutuelles et pour ainsi dire fraternelles qui ont si longtemps prédominé chez les deux nations, ne soient point troublées; mais il y a lieu de se demander sérieusement s'il ne serait point convenable que M. Drouyn de Lhuys agît ou prononcât quelques paroles dans le but de redresser les impressions dont je viens de parler.

Si le Gouvernement français veut bien se rendre compte de l'importance des renforts en hommes et en bâtiments de guerre que le Président vient de faire diriger sur la Nouvelle-Orléans et le Mississipi et de la rapide expédition de nos vaisseaux cuirassés pour leur destination dans le Sud, il reconnaîtra qu'en aucun cas nous ne sommes disposés à abandonner le cours de ce fleuve ni aucun point de la côte aux rebelles ou à une puissance étrangère quelconque. La même conclusion doit être tirée du changement important qui s'est opéré dans la politique de notre guerre en ce qui touche l'esclavage, changement qui sera annoncé le 1er janvier prochain dans la proclamation du Président..

Mais tandis que tous ces points sont si clairs qu'ils n'ont pas besoin d'être plus longuement élucidés, il y en a d'autres, dont, malgré leur caractère délicat, je ne saurais m'empêcher, dans les circonstances actuelles, de parler en toute franchise et loyauté..

On admet assez généralement qu'un sentiment particulièrement sympathique unit la Louisiane à la France, sentiment qui a une signification politique importante en ce qui concerne les rapports entre les deux pays. Rien n'est plus éloigné de la vérité. La Nouvelle-Orléans, lorsqu'elle formait dans l'origine la capitale de la grande mais inculte province française de la Louisiane, était une ville française; telle était aussi Saint-Louis, alors comme aujourd'hui une importante station de commerce, située à mille lieues au-dessus de la Nouvelle-Orléans sur le Mississipi.

L'immigration française cessa avec l'annexion de la Louisiane aux États-Unis et l'émigration américaine se porta à son tour vers ces contrées. La Nouvelle-Orléans est aujourd'hui aussi américaine que

New-York, Boston ou Cincinnati. S'il y a à la Nouvelle-Orléans quelques intérêts français engagés, il y en a de même à New-York, et la première de ces villes est aussi étrangère que si elle avait été récemment greffée sur un pied américain au lieu d'une greffe américaine placée sur un pied français, greffe qui a absorbé la plus grande partie de la sève de la communauté. La parenté française qui lie la Nouvelle-Orléans à la France n'existe plus maintenant qu'avec une certaine classe de la société, et même, si je puis dire ainsi, c'est un peu une affaire de mode. Comme preuve à l'appui de cette assertion vous pourrez citer le fait que le nombre des députés français envoyés par la Nouvelle-Orléans aux deux chambres du Congrès a diminué d'année en année, et aujourd'hui on n'y voit plus que rarement un Français. Il y a encore une autre preuve les rebelles eux-mêmes, lorsqu'ils choisirent à la Nouvelle-Orléans des représentants chargés de se rendre en France, ne nommèrent point des Français, mais des personnes du pays, ou des personnes originaires des autres États. Il n'y a plus maintenant aucune chance pour une intervention française dans la Louisiane, ni dans aucun autre État de l'Union. Ce fait est devenu encore plus évident aujourd'hui qu'il ne l'était auparavant. La guerre produit ici des changements sociaux et politiques qui en sont la conséquence nécessaire. Et ces changements n'en sont pas moins réels, bien qu'ils échappent pendant un certain temps aux yeux d'une classe d'observateurs qui ne s'attachent qu'aux événements dont l'imagination est frappée. Si vous retourniez ici, vous seriez surpris de trouver Baltimore et Washington changés au point qu'il vous serait à peine possible de remarquer une différence entre le ton de la société de ces deux villes et celui de Chicago et Trenton.

Il y a encore une autre considération dont le Gouvernement français devrait se bien pénétrer. L'attachement du peuple des États-Unis pour la France diffère du sentiment qui l'anime à l'égard de tout autre pays. Il est général et réellement universel. Cet attachement n'est point basé sur une sorte d'affinité naturelle, ni sur des raisons internationales, mais il est le résultat de deux sentiments purement moraux, la justice et la gratitude. Nous avons tous été élevés dans l'apitoiement sur le sort malheureux de Louis XVI qui fut notre ami, dans l'admiration de La Fayette qui fut un noble chevalier errant, combattant pour notre cause révolutionnaire, dans l'admiration de Napoléon Ier, dont le génie et la valeur sauvèrent et reconstituèrent la France. Nous honorons tous et aimons tous la France, parce qu'elle s'est toujours souvenue avec orgueil et satisfaction de l'époque où nous étions alliés, parce qu'elle désirait sincèrement que notre cause se consolidât, et qu'elle fondait de grandes espérances sur nos institutions civiles, politiques et sociales. L'affection du peuple américain

« PrécédentContinuer »