Images de page
PDF
ePub
[ocr errors]

l'avoir ignoré. Je ne suis pas en mesure, avec les informations dont je dispose, d'affirmer ou de nier cette circonstance. M. Drouyn de Lhuys trouve une nouvelle preuve d'intentions ou au moins de sentiments hostiles à la France chez M. Adams, dans certaines expressions employées dans le certificat, notamment celles-ci : « Je me fais un plaisir d'appuyer une entreprise qui a un but différent et honorable. C'est pourquoi je donne avec empressement à MM. Zirman et Horvell le certificat qu'ils m'ont demandé. Ces expressions se justifient par l'assertion de M. Adams, que ces personnes se sont présentées chez lui avec la preuve entièrement suffisante pour lui, que la destination du chargement était Matamoras et le Mexique. Si, d'une part, je conçois que ces expressions ont été employées par M. Adams sans qu'il ait songé un instant qu'elles pussent être appliquées indirectement à la guerre existant entre la France et le Mexique, il faut, d'autre part, admettre qu'insister sur ce point serait vouloir discuter sur des mots. Les États-Unis n'ont aucune raison pour se placer dans cette situation. Ils s'efforcent de conduire leurs affaires avec franchise et cordialité vis-à-vis de toutes les nations et principalement vis-à-vis de la France et il leur suffit que le sens donné par M. Drouyn de Lhuys aux expressions dont s'est servi M. Adams n'est ni violent ni invraisemblable, et c'est pourquoi le Gouvernement français est en droit d'obtenir les explications qu'il a demandées. Vous voudrez bien, en conséquence, dire à M. Drouyn de Lhuys, qu'après avoir pris les instructions du Président sur ce point, j'estime que la remise du certificat incriminé å MM. Zirman et Horvell constituait en effet un acte peu bienveillant à l'égard de la France, et peu en harmonie avec les sentiments et la politique de notre Gouvernement. Que cet acte a été vu avec mécontentement et avec regret, mais en même temps le Gouvernement pense que le procédé de M. Adams a été simplement imprudent sans qu'on doive lui attribuer aucun dessein ni aucune intention blessante pour la France.

Signé W. H. SEWARD.

M. Seward à M. Dayton.

Washington, le 11 mai 1863.

Monsieur, M. Mercier m'a donné lecture et sur ma demande m'a laissé copie des instructions qu'il a reçues de M. Drouyn de Lhuys à la date du 23 avril dernier et qui sont relatives à des événements intéressants survenus en Pologne; lesquels appellent en ce moment la sérieuse attention des principales puissances de l'Europe occidentale.

M. Mercier m'a en même temps communiqué copie d'une dépêche relative aux mêmes événements, et adressée par M. Drouyn de Lhuys à l'ambassadeur de France à Saint-Pétersbourg.

Nous apprenons, par le premier de ces documents, que la marche adoptée dans cette circonstance par le cabinet des Tuileries, dans le but d'exercer une influence morale sur l'Empereur de Russie, a reçu l'approbation et l'appui de la cour d'Autriche et de la cour de SaintJames, et que l'Empereur des Français, appréciant justement notre sympathie traditionnelle pour les Polonais et l'ancienne amitié qui nous unit à la Russie, verrait avec satisfaction le Gouvernement des États-Unis se joindre à lui dans les démarches projetées.

J'ai pris à cet égard les ordres du Président, et j'ai l'honneur de vous faire connaître les vues de notre Gouvernement que je vous prie de communiquer à M. Drouyn de Lhuys.

Le Gouvernement des États-Unis est agréablement impressionné de la considération que lui a témoignée l'Empereur en l'invitant à coopérer à une politique qui a pour objet un double intérêt d'ordre public et d'humanité. Il a été non moins favorablement disposé en apprenant les sages observations que l'Empereur a adressées dans un sentiment si juste à la Cour de Saint-Pétersbourg. Ces observations sont faites pour éveiller les meilleurs sentiments et les plus justes sympathies des hommes. Le caractère éclairé et humain de l'Empereur de Russie, dont il a donné récemment une preuve éclatante en affranchissant une grande partie du peuple russe des liens du servage et en établissant une administration impartiale et efficace de la justice dans ses États, autorise à penser que cet appel sera accueilli par lui avec toute la faveur compatible avec le bien-être général du grand État aux destinées duquel il préside avec une si éminente sagesse et modération. Néanmoins, quelle que soit la sympathie avec laquelle nous avons reçu les suggestions de l'Empereur des Français, notre Gouvernement estime que des difficultés insurmontables l'empêchent de prêter son concours actif, de quelque manière que ce soit, aux Gouvernements de France, d'Autriche et de la Grande-Bretagne.

En donnant à nos institutions pour base les droits de l'homme, les fondateurs de notre république furent considérés comme des réformateurs politiques et bientôt, en effet, les révolutionnaires de tous les pays invoquèrent non-seulement leur appui et recherchèrent les sympathies des États-Unis, mais aussi leur secours actif et leur patronage. Notre admirable constitution était à peine élaborée qu'il devint nécessaire pour les États-Unis de se préoccuper jusqu'à quel point ils pouvaient, avec opportunité, sécurité et profit, intervenir, soit au moyen d'alliances, soit au moyen d'une action concertée avec des puissances amies, soit autrement encore, dans les affaires politiques des États

étrangers. Un appel urgent pour un appui de ce genre nous fut adressé par la France et cet appel fut sanctionné et accepté par un traité d'alliance et de défense mutuelle, traité sans lequel, nous l'avouons encore volontiers aujourd'hui à l'honneur de la France, notre propre souveraineté et indépendance n'eût point été si rapidement assurée. Cet appel alla si droit au cœur du peuple américain, que la déférence seule qu'il avait pour les conseils du Père de notre patrie, lequel était alors dans toute la plénitude de son incomparable grandeur morale, put le réconcilier avec la déclaration austère que le peuple américain, en présence des qualités, des coutumes et des sentiments des partis qui constituent la République, et surtout de sa Constitution si populaire, à la fois complexe et une, devait se contenter de recommander aux autres nations la cause du progrès humain par la sagesse avec laquelle il exercerait lui-même les pouvoirs que lui attribuait le self-government et s'abstenir en tout temps de conclure des alliances avec des nations étrangères, ou d'intervenir dans leurs affaires.

Il est vrai que Washington espérait qu'un jour viendrait où nos constitutions étant fortement consolidées et fonctionnant avec un entier succès, nous pourrions avec sécurité et peut-être avec profit, prendre part aux conseils tenus par les États étrangers dans un but d'avantage commun à toutes les nations. Depuis, de nombreuses occasions se sont présentées qui nous offraient de grandes séductions de nous départir d'une ligne de conduite qui, à première vue, pouvait paraître un parti pris d'isolement et d'indifférence. Il est à peine nécessaire de les rappeler.

L'une de ces occasions fut une invitation à un congrès des États espagnols de l'Amérique du sud nouvellement émancipés; une autre, l'appel pressant qui nous fut adressé par la Hongrie pour l'aider dans une révolution tendant à la restauration de son antique et illustre indépendance; une autre, le projet de garantir Cuba à l'Espagne, de concert avec la France et la Grande-Bretagne; plus récemment l'invitation d'une démonstration commune contre le Mexique avec le concours de l'Espagne, de la France et de la Grande-Bretagne; enfin tout dernièrement, les offres qui nous furent faites par quelques États de l'Amérique espagnole, d'entrer dans le congrès commun des Etats républicains du continent américain. Toutes ces offres furent successivement rejetées par le Gouvernement, et ses décisions furent chaque fois approuvées par le jugement réfléchi du peuple américain. Notre politique de non-intervention, rigide, absolue et quelqu'étrange qu'elle puisse paraître à d'autres nations, est devenue ainsi une politique traditionnelle dont nous ne saurions nous écarter que dans des cas tout à fait urgents, dans des cas de nécessité évidente. Bien certaine

ment il ne serait pas sage de nous en départir en ce moment où l'existence d'une lutte locale et seulement passagère, prive le Gouvernement des conseils d'une partie du peuple américain, pour lequel un changement si important de la politique suivie jusqu'ici par le pays, doit présenter un profond intérêt.

Le Président ne veut point s'arrêter un instant à la pensée que l'Empereur des Français puisse voir autre chose que du respect et de l'amitié pour sa personne et le peuple français, et un désir sincère de contribuer à la paix, à l'ordre et au progrès de l'humanité en Europe, dans la résolution des États-Unis de persévérer aujourd'hui encore dans la politique qu'ils ont appliquée si longtemps avec sécurité et non sans avantage pour les intérêts de tout le monde.

Signé: W. H. SEWARD.

M. Seward à M. Dayton.

Washington, le 23 mai 1863.

Monsieur, j'ai reçu votre dépêche du 8 mai no 305. Je crois devoir relever une erreur à laquelle vous semblez avoir été conduit par certaines observations de M. Drouyn de Lhuys, à savoir que j'avais fait pressentir à M. Mercier, la mise en blocus du port de Matamoras, en vue de l'action exercée par la France dans ces parages. Cela n'est pas exact. Toute information de ce genre que M. Mercier aurait fait parvenir à M. Drouyn de Lhuys, est le résultat de ses impressions personnelles et est faite de sa propre autorité; cependant il n'est pas invraisemblable qu'il ait conçu cette idée à la suite d'une conversation non-officielle avec moi dans laquelle j'insistai assez sérieusement sur les difficultés que nous éprouvions par le fait que ce port neutre du Mexique est employé comme entrepôt de munitions de guerre, lesquelles, si nous tentons de les saisir, se trouvent couvertes par l'allégation qu'elles sont destinées à un autre belligérant, et si nous les laissons passer pour ce motif, sont employées à notre préjudice. Il n'est pas nécessaire, je pense, que vous en fassiez l'objet d'une explication avec M. Drouyn de Ehuys. M. Mercier s'en chargera sans doute. Signé W. H. SEWARD.

M. Dayton à M. Seward.

Paris, le 29 mai 1863.

Monsieur, votre dépêche n° 342 m'est exactement parvenue. Elle contient la réponse du Président à la proposition faite par le Gouvernement français, de se joindre à lui et à d'autres puissances, dans le but d'exercer au moyen d'une action commune et concertée à Paris, une influence morale sur l'Empereur de Russie, en ce qui touche les affaires de Pologne. Dès la réception de cette dépêche, je me suis rendu au ministère des affaires étrangères, et j'ai communiqué la réponse du Président à M. Drouyn de Lhuys, en lui donnant lecture des principaux passages. Il me dit qu'il n'était nullement désappointé du résultat de la proposition faite par la France aux États-Unis, et qu'il l'était moins encore en raison des précédents qu'offre notre histoire et qui montrent la ligne de conduite constamment suivie par notre Gouvernement dans les questions d'intervention. Il ajouta que la proposition nous avait été d'ailleurs faite plutôt à titre d'hommage et de respect qu'à un autre titre. Je lui répliquai qu'il ressortait évidemment de votre dépêche que la conduite de la France était appréciée avec justice et bienveillance par le Gouvernement des États-Unis, et sur ces mots se termina notre entretien à cet égard.

Vous avez vu sans doute par les journaux que l'insurrection de Pologne n'a pas été réprimée aussi rapidement qu'on devait l'espérer. Et, en vérité, il y a lieu de se demander aujourd'hui, quand elle pourra être étouffée et à quoi elle peut mener. Toutefois je persiste à croire que cette insurrection n'entraînera pas une guerre générale en Europe.

Je dois aussi faire observer que le Gouvernement français est en ce moment très-occupé à préparer les élections qui s'effectueront le dernier jour de ce mois et le premier du mois prochain. Le Gouvernement a ses candidats connus et désignés et invite les préfets de tous les départements à leur prêter l'appui de leur autorité; en même temps le gouvernement indique officiellement les personnes qu'il désire voir échouer dans les élections. Le Gouvernement combat principalement et avec la plus grande activité, la candidature de M. Thiers, que l'on considère comme le représentant et le défenseur des intérêts de la dynastie des Orléans. Si l'opposition dans la Chambre réussit à porter de 5 à 15 ou 20 le nombre de ses membres, ce sera considéré comme un grand triomphe, surtout si M. Thiers est élu.

M. Mason, commissaire des États rebelles à Londres, a passé hier le détroit et est ici. Les journaux français, rattachant ce fait au dernier

« PrécédentContinuer »