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FRANCE.

Circulaire adressée par l'Impératrice aux Princesses Souveraines d'Europe pour les inviter à contribuer à la restauration de la coupole du Saint-Sépulcre.

En janvier 1865.

Les voyageurs qui visitent la Terre-Sainte sont étonnés de l'état de délabrement où se trouve la coupole qui protége et surmonte le SaintSépulcre; ils se demandent d'où vient que les puissances chrétiennes ne se soient pas empressées de mettre fin à un état de choses qui doit affliger les croyants de tous les cultes. La réponse à cette question est malheureusement celle-ci: La terre abreuvée du sang du Sauveur, qui a été le berceau de la religion de la douceur, de la paix, de la concorde, est l'objet d'une rivalité mesquine entre les différentes confessions, rivalité qui avec le temps s'est élevée à de sérieux conflits.

Autrefois les Latins avaient fait reconstruire la coupole, en l'ornant d'inscriptions symboliques qui rappelaient la prééminence dont ils jouissaient alors pour l'usage du monument. La coupole fut, en 1808, la proie d'un incendie, et comme les circonstances prêtaient à cette époque aux Grecs une influence prédominante en Palestine, ils en profitèrent pour rétablir l'édifice à l'exclusion des Latins, et s'appliquer à le couvrir d'inscriptions et d'images symboliques tirées de leur langue et de leur liturgie.

Aujourd'hui les Latins demandent le rétablissement de la coupole telle qu'elle existait avant 1808, tandis que les Grecs désirent qu'elle soit réédifiée de manière à consacrer entre leurs mains une sorte de possession répondant, comme ils disent, à leurs droits acquis. Animées des sentiments les plus honorables, deux grandes puissances, la France et la Russie, ont désiré mettre un terme à ces regrettables discussions. Elles ont d'abord cherché à établir un accord entre ellesmêmes et à l'étendre ensuite à la Turquie; le 5 septembre 1864 a été signé à Constantinople un protocole, constatant l'entente entre les trois puissances et indiquant les conditions qui ont été stipulées dans le but d'une coopération commune pour le rétablissement de la coupole. Mais lorsqu'on voulut procéder à l'exécution, lorsque les architectes formèrent leurs plans, et lorsqu'il s'est agi d'interpréter certaines dispositions douteuses du protocole du 5 septembre, de nouvelles difficultés se sont élevées sous l'influence des jalousies locales; rien n'a été fait et tout a de nouveau été mis en question. En attendant, la coupole va de plus en plus à sa destruction; la sécurité matérielle des pè

lerins qui vont prier au Saint-Sépulcre est menacée, et le mal empire jusqu'à devenir scandaleux.

Comment mettre un terme à cet état de choses? Ce fut une pieuse princesse, sainte Hélène, la mère de l'Empereur Constantin, qui fit démolir, au commencement du quatrième siècle, le temple. païen construit sur le caveau du Saint-Sépulcre, et élever pour la première fois à cette place, le sanctuaire destiné à contenir le tombeau de JésusChrist. Pourquoi les princesses de tous les pays chrétiens, animées de ce glorieux exemple, ne se réuniraient-elles pas pour exécuter sous des conditions dignes d'elles-mêmes et de la chrétienté, une œuvre contre laquelle les efforts de la diplomatie ont jusqu'ici échoué? Qui fermerait l'oreille à leur voix, si, s'abstenant de tout esprit de rivalité et se tenant en dehors du terrain de la politique, elles parlaient au nom de la charité et de la piété chrétiennes, et si elles adressaient un appel aux croyants de tout le globe pour un but qui doit être également cher à tous?

Mais, pour que l'oeuvre réponde complétement à l'esprit de concorde chrétienne qui la dicte, il ne faudrait pas se borner à la simple reconstruction de la coupole. Il conviendrait, après avoir obtenu pour cela l'autorisation de la Porte, de rétablir complétement l'église du Saint-Sépulcre d'après un nouveau plan, dans de plus grandes proportions, afin qu'il y ait place pour toutes les confessions. Ainsi, il faudrait réserver, d'un côté, une chapelle et une nef pour les Grecs. La nef principale serait alors ouverte à tout le monde, et aucun obstacle ne s'opposerait plus à l'admission des croyants au Saint-Sépulere, qui, aujourd'hui, est si peu facile et fournit l'occasion de nombreuses contestations.

Le nouveau sanctuaire devrait, autant que possible, répondre aux sonvenirs élevés qui le rattachent à ces saints lieux. Pour cela un concours serait ouvert, auquel seraient invités les architectes et les artistes de tous les pays, et un jury international serait appelé à choisir parmi les projets des concurrents celui qui, au point de vue purement artistique, serait reconnu le plus digne d'une aussi grande œuvre. En ce qui concerne les fonds nécessaires pour commencer et achever sans retard la nouvelle église du Saint-Sépulcre, ils pourraient être fournis par une souscription générale, à la tête de laquelle toutes les princesses chrétiennes tiendront à honneur d'inscrire leurs noms..

Signe: EUGENIE.

ESPAGNE.

Projet de loi pour l'abandon de Saint-Domingue, présenté au Congrès par le duc de Valence dans la séance du 7 janvier 1865.

Dans la vieille Espagne, dans la première des terres du monde occidental que le grand Christophe Colomb jugea digne de recevoir un établissement important, dans cette vaste Antille où nombre d'années après sa séparation de la métropole n'avait pas été versée une seule goutte de sang espagnol, coule aujourd'hui ce sang généreux; et les rigueurs de ce climat mortel venant au secours des ennemis, font des ravages horribles dans les rangs de nos braves soldats.

Cette lutte acharnée qui, de soi-même et sans compensation, a l'inconvénient d'épuiser inutilement le Trésor public et d'absorber les riches produits des possessions coloniales, n'a pas été commencée, parce que les cabinets précédents avaient pris l'initiative d'une ambiticuse guerre de conquête si éloignée de la politique sage, juste, pacifique et désintéressée que suit l'Espagne depuis longtemps; elle n'est pas venue non plus de la nécessité de tenir tête à ses agresseurs étrangers, repoussant la force par la force, à tout prix, pour la défense de l'honneur atteint; rien de tout cela.

Cette lutte sanglante a commencé le lendemain du jour où le gouvernement de la reine (le gouvernement d'alors) a pensé que tous les habitants de la république Dominicaine demandaient, requéraient et sollicitaient avec une impatiente sympathie d'être incorporés à la nation espagnole, leur mère ancienne, et à former une province espagnole, aspirant à la félicité dont jouissent Cuba et Puerto-Rico.

Ce désir pouvait n'être pas certain, mais il était vraisemblable. Le gouvernement, inspiré par ces sentiments, a cru à celui qui paraissait animer les Dominicains; il a accueilli leurs vœux et il a conseillé à Sa Majesté l'annexion de cet État, annexion qu'on lui représentait comme ardemment désirée. Aussi les ministres dans un document solennel, qualifièrent-ils cet événement d'heureux, très-honorable pour l'Espagne, et se rencontrant rarement dans les annales des peuples; aussi, après avoir tracé la lamentable histoire de Saint-Domingue, depuis qu'en 1821 il avait proclamé son indépendance de même que d'autres provinces du continent américain, après avoir retracé le très-sombre tableau de cette infortune si prolongée, de l'épuisement des sources de la richesse publique et privée et de la perte complète de son indépendance, faute de force pour la soutenir, et de sa liberté, attendu que les citoyens manquaient de sécurité et que la république était en proie à une agitation continuelle, les ministres invoquèrent-ils tous les senti

ments de justice, d'humanité et d'honneur pour conseiller à la reine l'annexion de cette malheureuse île qui devrait être si heureuse, en raison du bon naturel de ses habitants, de la fertilité de son sol et de l'amour profond qu'ils professaient, après les égarements passés, causes de terribles déceptions, pour leur ancienne métropole.

Ainsi, deux causes aussi nobles que justes et puissantes furent-elles celles sur lesquelles s'appuya tout d'abord l'annexion. La première, le droit fondé sur la volonté unanime d'un peuple, droit non contesté, et, au contraire, consacré par l'assentiment général des nations de l'Europe et de l'Amérique, dans un fait récent; la deuxième, le devoir d'humanité, de compassion pour des malheureux qui demandent grâce et miséricorde alors qu'ils se voient submergés dans une mer de désastres et d'infortunes.

Aucun autre droit ne militait ni ne milite en faveur du gouvernement espagnol pour posséder de nouveau, comme jadis, la partie espagnole de l'île de Saint-Domingue; ni celui de la revendication, ni celui de la conquête, attendu que tous deux sont contraires à la politique du gouvernement, aux intérêts des peuples, et aux bonnes relations qu'en tous temps le gouvernement de la reine a cherché à maintenir avec les États indépendants de l'Amérique qui un jour firent partie de l'immense territoire que les rois d'Espagne protégeaient et sauvegardaient sous les plis de leur manteau.

Mais ces flatteuses espérances ne tardèrent pas à s'évanouir. Bientôt surgirent de funestes symptômes annonçant qu'à l'annexion manquaient la spontanéité et l'unanimité qui composaient sa base. Toutefois il était du devoir du gouvernement d'acquérir la certitude que ces violentes insurrections, plusieurs fois réprimées, n'étaient pas seulement fomentées par quelques mécontents, mais qu'elles étaient l'expression formulée par un peuple qui repousse le pouvoir légitime, appelé pourtant par lui dans des moments de tribulation et de crise.

La conflagration a grossi, elle a gagné les villes et les campagnes, elle s'est étendue à tout le territoire, et aujourd'hui la partie espagnole de l'île de Saint-Domingue présente aux yeux du monde civilisé le spectacle d'un peuple entier sous les armes, repoussant avec ingratitude comme des tyrans ceux-là même que l'on croyait avoir été appelés par lui comme des sauveurs.

Ce phénomène étrange a été examiné par les ministres signataires du présent exposé avec une grande attention et une étude approfondie ils ont scruté à fond la triste histoire de l'annexion de Saint-Domingue; ils ont examiné la question sous tous les points de vue imaginables, commençant par ceux de la justice et du droit, et finissant par ceux de l'opportunité. Ils ont tenu compte des raisons que l'on pourrait appeler d'honneur et de dignité nationales; ils ont été jusqu'à

sonder l'avenir le plus flatteur d'un triomphe obtenu au prix d'immenses sacrifices; ils ont pesé les raisons favorables ou contraires qui pourraient s'appuyer sur des considérations de politique nationale et étrangère, et enfin ils ont fait avec soin le douloureux calcul des nombreuses et précieuses existences que perd chaque jour l'Espagne par la prolongation de cette lutte stérile et des trésors considérables qu'elle y enfouit.

Par suite de ce pénible examen, les ministres ont acquis la conviction que la question de Saint-Domingue est arrivée à ce point que l'on en peut tirer les déductions ci-après, à savoir qu'il y a eu illusion à croire que le peuple dominicain, dans sa totalité ou son immense majorité, désirait et surtout réclamait son annexion à l'Espagne.

Lalutte qui s'y est généralisée n'a pas le caractère d'une mesure adoptée pour assujettir des rebelles mécontents, mais bien d'une guerre de conquête complétement étrangère à l'esprit de la politique espagnole. Tout en concentrant nos efforts et nos sacrifices pour atteindre le triomphe, nous nous placerions dans la triste situation d'une occupation militaire complète, hérissée de difficultés et non exempte de complications périlleuses.

En se plaçant dans la plus favorable hypothèse même, à savoir qu'une partie de la population se rallierait à l'Espagne après la victoire, le régime gouvernemental qui pourrait être établi dans ce pays serait forcément peu adapté aux us et coutumes de ses indigènes, ou bien il serait très-dissemblable du régime des autres provinces coloniales.

Par toutes ces considérations et d'autres que suppléera l'intelligence supérieure des Cortès, les ministres, désireux de mettre un terme aux inutiles sacrifices de sang et d'argent que la guerre de Saint-Domingue coûte à la nation, ont l'honneur, après l'autorisation en due forme, de proposer le projet de loi ci-après:

Art. 1. Est abrogé le décret royal du 16 mai 1861 par lequel a été déclaré incorporé à la monarchie espagnole le territoire de la république dominicaine.

Art. 2. Le gouvernement est autorisé à adopter les mesures nécessaires pour la meilleure exécution de la présente loi, en en rendant compte aux Cortès en temps et lieu. »

Le président du Conseil, DUC DE VALENCE; le ministre des affaires
étrangères, ANTONIO BENAVIDES; le ministre de grâce et de jus-
tice, LORENZO ARRAZOLA; le ministre des finances, MANUEL GAR-
CIA BARZANALLONA; le ministre de la guerre, FERNANDO FER-
NANDEZ DE CORDOVA; le ministre de la marine, FRANCISCO
ARMERO Y PENARANDA; le ministre de l'intérieur, LUIS GONZALÈS
BRAVO; le ministre des travaux publics, ANTONIO ALCALA GA-
LIANO; le ministre des colonies, MANUEL DE SEIJAS LOZANO.

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