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quand on me l'annonça ? t'y atten drois-tu? Le coeur me battit.

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Mais, mon enfant, je songe qu'il fe fait tard, dit-elle, en s'interrompant; on peut nous attendre pour dîner; remettons le reste à tantôt.

Et vous, mon cher, vous voulez bien que je m'interrompe auffi, avec promeffe de vous dire la fuite à condition que je l'apprendrai.

Suite de la Lettre de M. M**

E vais enfin vous rapporter le

J dernier entre Yen des Da

mes en question. Je fors actuellement de ma niche, & elles du cabinet d'où je les ai toûjours entendues vous vous fouvenez, fans doute, de la difference de leur caractere.

L'une eft une coquette badine, qui quand un amant lui plaît, n'y fçait d'autre façon que de l'aimer, que de l'oublier fans y tâcher, quand il l'oublie; & quand il eft abfent que de fe divertir, en l'attendant,, des

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des coeurs étrangers qui lui ve noient; & d'employer, dans cet a gréable exercice de coquetterie, le tems qu'une autre donneroit au dé. fir impatient de revoir ce quelle aimeroit.

C'est une femme dont le coeur. en amour, eft fermé à toute impreffion fâcheufe, acceffible à toute impression agréable autant de fois que le hazard le veut; un coeur, enfin, qui tire parti de tout, qui devenu tendre pour un objet, ne renonce pas pour cela aux autres; mais qui retient pour fa vanité ceux dont fon penchant ne s'accomode pas, & qui fouvent même dans le même jour, fe trouve fenfible autant de fois qu'il eft coquet.

La compagne de la Dame, que je viens de peindre, eft d'un caractere tout oppofé; c'eft une femme dont le coeur eft plus fage & plus neuf, & qui paroît avoir toûjours regardé l'amour comme un péril, dont elle avoit honte de s'approcher; mais le péril, apparemment, Oo

Papourfuivie; & comme on fuit aved pareffe, ce que l'on fuit à contrecoeur, le péril l'a furprise ; elle aime.

Oh! vous fçavez que plus une femme a craint l'amour, plus fcrupuleufement le fert elle, quand les forces lui ont manqué, & qu'elle ne peut plus s'en défendre ; c'eft en aimant de tout fon coeur qu'elle fe délaffe de la fatigue qu'elle a foufferte en combattant; mais elle aime comme un autre remplit un devoir, je veux dire avec une exac titude de fentimens, qui n'eft jamais un défaut, & dont elle fe fait, comme une obligation religieufe. L'amant eft-il abfent pour un de mi jour? il faut y rêver folitairement, fuir ou défier toute occafion qui oferoit réjouir.

Revoit-on cet amant? il faut un épanchement modefte de tendreffe; mais cependant plus tendre que ne pourroit être une joye libertine: il faut foupçonner cet amant de n'avoir eû ni l'air ni le coeur affez mortifié, pendant fa courte abfence, &

perdre fes foupçons, après avoir eu le plaifir de fa juftification; lui jurer après, cent fois, qu'on l'aimera toûjours; car cette repetition de fermens, n'eft que dans les paroles; mais le fentiment en eft toûjours

nouveau.

Enfin, il entre dans la tendreffe d'une femme de ce caractere, une infinité d'autres petites formalités, qui font toutes de l'invention des Coeurs qui étoient fages & timides, avant que d'être tendres.

Telle eft donc la Dame à qui fa compagne a déja raconté une partie de les avantures: elles prirent enfemble le chemin du cabinet, & moi celui de mon bofquet.

Quel livre as-tu dans ta poche, dit la coquette, en ouvrant la converfation? c'eft Pharamond, répondit-elle: Pharamond, s'écria l'autre ! quoi! pendant que je travaille à ta converfion, & qu'elle eft plus d'à moitié achevée, tu lis encore des livres héretiques. Donne-moi ce livre; je te défend d'en lire de pa

reils, fous peine de ma colere ; donne, te dis-je tu n'as pas encore la tête affez forte, pour foûtenir l'air dangereux qu'on y respire.

Il me femble que fi, répondit l'autre, & je t'affûre que ce matin mòn coeur a déja critiqué dans les amans de Pharamond, des lenteurs, des timidités, des fiertés, qui autrefois étoient tout-à-fait de mon goût. J'ai trouvé que ces gens-là s'amufoient trop à refpecter, à fe fâcher, ou à fe plaindre; & que les meilleurs occafions périffoient entre leurs mains: tu vois bien que de pareilles remarques ne me menaçent pas de rechûte.

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Ta critique eft judicieuse, reprit l'autre effectivement, fi toutes ces folies étoient d'ufage, & fi les amans d'aujourd'hui fe balottoient comme ceux-là, le mariage feroit affez inutile; car on ne feroit d'accord, qu'après quatre-vingt ans de martyre.

Abrége tes réflexions, dit fa compagne, pour m'achever ta vie; je

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