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nées à ses efforts, quelle autre l'eût pu toucher davantage? Des jetons de mairie ayant été frappés alors par l'ordre et aux frais de la ville de Dijon, avec les armes de la Bourgogne, avec le nom de Claude Bossuet, vicomte-maïeur en exercice y figuraient les trois roues, blason des Bossuet; et ces mots : currunt exemplo majorum, que, de plus, on y fit graver, témoigneront à jamais du reconnaissant souvenir de la cité pour Jacques, l'ancien vicomte-maïeur, mort depuis plus de vingt ans, et de son affectueuse estime pour Claude, le nouveau, en qui, avec tant de joie, elle avait vu revivre son père '.

d'Antoine Condé.

Entre le vicomte-maïeur de Dijon et le gouverneur Relations de la Bourgogne, les relations, étroites et de chaque Bossuet aver instant presque, pendant les séjours de Condé à Dijon, purent continuer, actives toujours, quand ce prince fut retourné à Paris, au moyen d'Antoine Bossuet, l'aîné

M. Claude Bossuet, qui a hérité, non-seulement ès biens, mais encore à la vertu et éminentes qualités de feu M. son père. » (Registres de l'hôtel de ville de Dijon, 29 juin 1647.)

1

Registres de l'hôtel de ville de Dijon, 18 février, 29 décembre 1648, et 29 janvier 1649.

Je possède plusieurs jetons de la mairie de Claude Bossuet. Le côté offre les armes de Bourgogne et celles de Dijon, avec ces mots : C. Bossuet, C. en Parl., vic. maïeur de Dijon, 1647. Au revers sont les armes de Bossuet (d'azur, à trois roues d'or, posées 2 et 1), avec cette devise: Currunt exemplo majorum, Je possède aussi deux jetons différents de la mairie de Jacques Bossuet (aïeul et parrain de l'évêque de Meaux), frappés en 1613 et 1614. On y lit J. Boussuet, C. en Parl., vicomte maïeur de Dijon. Les armes des Bossuet sont, dans les jetons de 1613, accompagnées de cette devise: Cadens resurgit major; et dans ceux de 1614 de celle-ci : Rebus inest velut orbis. (Voir un ouvrage, tiré à vingt exemplaires seulement, intitulé: Recueil des planches gravées d'après la collection de jetons des villes et maires de Dijon, Beaune et Auxonne, tirée du cabinet de C. N. Amanton; Dijon, 1814, 1815 (avec 15 planches.)

de Jacques-Bénigne, venu avec lui, en octobre 1642, se fixer dans cette capitale, et qui, comme lui, y demeura pendant dix années. A l'école de l'habile François Bossuet de Villers, son parent, que naguère nous avons vu prendre le soin de l'initier aux affaires, Antoine, devenu bientôt très-capable, put être admis dans l'une de ces charges d'avocats aux Conseils, créées par les édits de septembre 1643 et des années qui suivirent'. La Chambre de ville de Dijon l'avait nommé, peu après (1647), son avocat au conseil privé, lui donnant charge de suivre ses procès, de les défendre, tant de vive voix que par écrit, d'après des Mémoires qui lui seraient adressés; de servir, en un mot, auprès de tous, les intérêts de la cité, qui mit en lui sa confiance 2. Admis fréquemment auprès de Louis de Bourbon, durant les séjours de ce prince à Paris; lui portant, chaque jour, avec les vœux de la ville, ceux des États, des élus de Bourgogne; lui exposant les vues, les besoins du pays, et surtout ce qui regardait les intérêts de la province; prenant ses ordres, qu'aussitôt il se hâtait de transmettre au conseil de ville de Dijon, le neveu, très-capable, d'un vicomtemaïeur si estimé et si utile devait être le bienvenu toujours auprès de l'auguste gouverneur 3. Condé, en

1 Le Style du Conseil, chap. XXXIII, p. 516 et suiv., ouvrage cité par Camus et Bayard, dans leur Recueil des Décisions, par Denisard, remis en un nouvel ordre, in-4o, t. II, 1783, article Avocat aux Conseils. Registres de l'hôtel de ville de Dijon, 17, 20 décembre 1647, 10 janvier, 7 février 1648.

2

3 Plusieurs lettres, la première du 3 janvier 1648, adressées aux officiers de l'hôtel de ville de Dijon, par Antoine Bossuet, pour leur faire connaître l'état de diverses affaires dont ils l'avaient chargé, sont dans les Archives de la mairie de Dijon. (Missives des rois, princes et autres, Registre de 1630 à 1670.) — Le 1er janvier 1648, Antoine Bossuet et Étienne Bossuet, son cousin germain, au nom des vicomte-maïeur et échevins de Dijon, présentèrent le vin de ville au prince de Condé, qui

toutes rencontres, s'était montré favorable à cette famille, affectionné même, on le peut dire; et JacquesBénigne, à son tour, allait être l'objet de ses bontés.

Condé

consent que

la tentative

Bossuet lui

soit dédiée, et promet d'y assister.

Louis de Bourbon, à son retour de Catalogne, ayant fait savoir qu'il viendrait à Dijon, bientôt, passer quel-de J. B. ques jours, le vicomte-maïeur Claude Bossuet alla à la rencontre du prince jusqu'à Beauregard, pour le complimenter à la tête des échevins '. C'était au milieu de novembre (1647), dans le temps même où nous avons vu Jacques-Bénigne se faire inscrire pour sa tentative, qu'il devait, à deux mois de là environ, soutenir à Navarre. Claude Bossuet, encouragé par l'accueil affectueux, par les obligeantes questions du héros, put lui en dire quelque chose, et, se voyant favorablement écouté de plus en plus, s'enhardir jusqu'à supplier Condé de souffrir que cet acte lui fût dédié, de daigner même, s'il se pouvait, l'honorer de sa présence; et Condé, souriant, l'avait promis avec joie. On n'eût pu, disonsle, pour cet acte qui s'allait faire, ni désirer un plus illustre témoin, ni choisir un juge plus compétent, un patron plus capable. Louis de Bourbon, personne ne l'ignore, fut non point seulement l'un des plus grands hommes de guerre, mais aussi le prince le plus lettré de son temps, le plus docte, le plus avide des plaisirs de l'esprit 2.

etait à Paris. Registres de l'hôtel de ville de Dijon, 10 janvier 1648. Ces registres, dans les années 1648, 1649, 1650, attestent l'active correspondance des officiers de l'hôtel de ville de Dijon avec Antoine Bossuet.

Registre de l'hôtel de ville de Dijon, 19 novembre 1647.

* En 1648 fut publié un livre : L'Alliance des armes et des lettres, à monseigneur le Prince, et Panégyrique à monseigneur le Prince, sur l'alliance des armes et des lettres, par le s' De Tournay; Paris, 1648, in-4° de 144 pages. On y dit que la philosophie, la jurisprudence, la théologic sont familières à Louis de Bourbon, à un degré très-éminent. — Le P. Rapin, dans son livre Du beau et du sublime dans diverses conditions de

Condé fut princes les

l'un des

plus lettrés de son

temps.

Etudes brillantes de

L'Académie Française, après la mort du cardinal de Ri-
chelieu, son créateur et son appui, songeant à se donner
pour protecteur le duc d'Enghien, âgé alors de vingt-
un ans à peine, avait, par cette pensée, rendu un
hommage signalé à la capacité de ce prince, à son goût
passionné pour les lettres, à ses rares lumières; et,
après ce que nous en ont dit, à l'envi, tant d'illustres
qui l'avaient vu de si près, Pellisson, Huet, Boileau,
Rapin, Lenet, La Fontaine, Bossuet, Bourdaloue
(et avec eux combien d'autres encore), un rang très-
éminent appartiendra toujours à ce prince parmi les
hommes qui, en France, ont aimé les sciences, les let-
tres, les arts avec le plus d'ardeur, et qui surent juger
le mieux de toutes les productions de l'esprit.

2

C'était le fruit de ses fortes études au Collége des Louis II de Jésuites de Bourges, dans le temps où son père, Henri

Bourbon,

duc d'En de Bourbon, alors gouverneur du Berry, résida dans ghien, an

College des cette ville, où il habitait le palais de Jacques Cœur 3.

Jésuites de
Bourges,

la vie humaine, imprimé en 1686 après la mort du grand Condé, parle
avec étonnement du savoir de ce prince, qu'il avait vu tant de fois et
de si près.
Daniel Huet, en deux endroits différents de son Commen
tarius, imprimé trente-deux ans après la mort de Condé ( Amsterdam,
1718, in-12), admire ce prince, « varià præditum doctrinâ, præcipuè
Romanæ antiquitatis callentissimum. » Pag. 53, 54. — Il exalte en lui,
sublimis ingenii præstantiam, singularemque in omni penè genere
literarum eruditionem, infinitam sciendi et discendi cupidinem, quam
alebat continua lectio librorum omnis generis. Commentarius, lib. V,
initio, p. 273-74.

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Pellisson, Histoire de l'Académie française, édition de 1743, t. 1, 172. De Maizeaux, Vie de Saint-Évremond; La Haye, 1711, in-12, pag. 14.

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cette

2 Bourdaloue admire en Louis de Bourbon, prince de Condé, capacité d'esprit dont le caractère est de n'ignorer rien, et de juger en maître de toutes choses, » (Bourdaloue, Oraison funèbre de Henri de Bourbon, prince de Condé, père du grand; 1684, in-4o, 63 pages.)

3 Mémoires de Lenet, collection Petitot, 2o série, tome LIV, 172,

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Qui n'a lu, ou qui, du moins, n'a entendu vanter ces lettres latines du jeune prince à son père, absent, qu'il avait ordre d'informer exactement du progrès de ses études? Familier déjà, dans un âge si tendre, avec tous les auteurs du siècle d'Auguste, Louis de Bourbon, dès lors, avait lu aussi, et (qui le voudra croire) il avait lu avec goût et profit les quatre livres des Institutes de l'empereur Justinien. Sa thèse de philosophie, soutenue en 1635, à l'âge de quatorze ans, avec un éclat sans exemple, ayant fait bruit, longtemps on devait admirer à Chantilly un curieux tableau peint sur l'heure par l'ordre du prince Henri de Bourbon, pour conserver la mémoire de cet acte si brillant d'un fils ainé dont les précoces facultés, dont les talents réjouissaient son orgueil. Le duc d'Enghien y triomphait, reconnaissable pour tous, vif, bouillant, tenant tête résoJument à ses adversaires, comme, à si peu d'années de là, il le devait faire aux ennemis de la France. Des vers latins, inspirés par cette toile saisissante au docte et ingénieux Jean Doujat, témoin de ce signalé succès du jeune prince, conserveront à jamais le souvenir d'un chef-d'œuvre qui a péri et de l'action très-notable qui en avait été le sujet 2. Douze années s'étaient écoulées depuis cette thèse; mais Condé, apparemment, s'en Souvenant encore, cette dédicace de la tentative d'un insigne enfant de Dijon, cette prière d'y vouloir bien

Essai sur la vie du grand Condé, par le prince Louis - Joseph de Bourbon-Condé, son quatrième descendant; Paris, 1806, in-8o de 362 pages. Y voir des lettres en latin du jeune duc d'Enghien, des 22 octobre, 1er, 21 novembre 1635.

2 In Ludovici Borbonii, Anguienniæ Ducis, nunc principis Condæi, intra pubertatem, de philosophià disputantis, imaginem (anno 1635), auctore Joanne Doujat ; Biblioth. impériale, Imprimés, Pièce Y —734, '— 11, et Pièce Y — 2178.

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