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familles, que les ligueurs n'avaient pas manqué d'opprimer, laissant leurs biens en proie à une multitude séditieuse, avide et déchaînée, ils durent ensemble aller chercher en quelque autre partie de la Bourgogne un lieu où l'on pût servir le roi, et s'opposer fortement à la révolte.

Avec eux avaient fui le vénérable président Frémyot, très-digne père de cette exquise Jeanne-Françoise de Chantal, qu'honore aujourd'hui l'Église '; l'intrépide avocat général Millotet et d'autres membres encore du parlement, loyaux, dévoués comme eux; comme eux, résolus et prêts à tout 2.

La marche de ces magistrats fidèles devait être errante quelque temps dans un pays où les factieux pullulaient et où le parti était en force plus qu'en aucun autre lieu de France. « Ils faillirent bien souvent être pris, et ils ne pouvoient se voir deux jours sans péril3. » Plusieurs, faits prisonniers par les rebelles, n'avaient pu se tirer de leurs mains qu'au moyen d'énormes rançons. Dans le château de Viteaux, réceptacle de ligueurs, où il n'avait pas craint d'aller pour le service de son roi, le président Frémyot devait, au mépris d'une

1 Ms. Discours historique de la vie de messire Bénigne Frémyot, président à mortier au parlement de Bourgogne. (Bibliothèque de Troyes, manuscrits, no 1070.) Le Parlement de Bourgongne, par P. Palliot ; Dijon, 1649 in-fol., p. 85. Y voir les articles : Fyot, Robelin, Baillet et autres.

dont sept

Se trouvèrent siéger à Semur trente magistrats fidèles, devaient mourir pendant les six années que dura cet exil volontaire. Voir leurs noms dans la Description historique du duché de Bourgogne, par Courtépée; Dijon, 1775, in 8o, t. I, p. 492-493.

3 Discours ms. sur la vie du président Frémyot, déjà cité.

4 Registre des estats tenus à Semur, en 1592, Ms. Bibliothèque de Dijon, fol. 116 vo. Le Parlement de Bourgongue, par P. Palliot, 1649, in-fol., P. 235.

Le Parle

ment roya

liste de

Bourgogne.

sauvegarde, courir risque non point de la liberté seulement, mais de la vie, de vingt-huit gentilshommes, ligueurs forcenés, réunis là pour y ourdir des trames sinistres, s'en étant trouvé jusqu'à vingt-six acharnés à se vouloir défaire d'un adversaire si redouté, et le débat sur cela, violent autant qu'opiniàtre, ayant duré tout un jour '.

Moins nombreux de beaucoup que leurs collègues factieux, égarés ou faibles, demeurés à Dijon à la merci de Mayenne, qui s'en fit des auxiliaires et des instruments de sédition, ces féaux conseillers allaient, eux seuls, désormais être pour nos rois le Parlement de Bourgogne. Après qu'ils eurent siégé quelque temps dans le château de Thoste, demeure du président Frémyot 2, des lettres patentes de mars 1589, puis d'autres de juin suivant, établirent cette cour à Flavigny en premier lieu, puis à Semur, villes dont la fidélité au roi, dont la persévérance dans le devoir étaient leur ouvrage *.

Flavigny, que les ligueurs avaient compté surprendre, ayant, par les soins de ce parlement réfugié, reçu dans

Discours historique ms, sur la vie du président Frémyot, ms. de la bibliothèque de Troyes, no 1070, déjà cite. Le Parlement de Bourgongne, par P. Palliot; Dijon, 1649, in-fol., p. 85. Description du duché de Bourgogne, par Courtépée et Béguillet, t. V, 452.— Mémoires touchant la vie et les écrits de la marquise de Sévigné, par W ́alckenaër; Paris, Didot, 1842, 1e partie, chap. 1, p. 3.

2

Description du duché de Bourgogne, par Courtépée et Béguillet, t. V, 573.

3 Le parlement royaliste de Bourgogne siégea à Flavigny depuis mai 1589 jusqu'en avril 1592, époque de sa translation à Semur, où les logements étaient plus commodes. (Description du duché de Bourgogne, par Courtépée, t. V, 386.)

4 Discours historique, ms déjà cité. - La Ligue en Bourgogne, ms, de la bibliothèque de Dijon, no 444 in-fol.-Le Parlement de Bourgongne, par P. Palliot, 1649, in-fol., p. 38. — Description du duché de Bourgogne, par Courtépée, t. IV, 189.

ses murs trois compagnies d'hommes d'armes dévoués au monarque, de leurs deniers, aussitôt les généreux magistrats avaient su procurer à cette ville de l'artillerie pour sa défense; et à eux seuls aussi allait être due la conservation de Semur'.

Tout ce que faisaient en des extrémités si pressantes Jacques Bossuet, Claude Bretagne, son beau-père, Antoine, fils de celui-ci, qui le pourrait dire? Claude Bretagne, conseiller depuis quarante années, vert et infatigable septuagénaire, fut la gloire, l'oracle du parlement réfugié, et ses conseils, suivis toujours, étaient pour la Ligue plus redoutables que des escadrons'. Antoine, son fils, actif, intrépide, entreprenant, habile à déjouer les sinistres desseins des ligueurs, leur étant par là devenu odieux, lui seul plus que tous les autres, le duc de Mayenne en tous lieux s'emportait contre lui, le signalant aux siens comme son ennemi capital. Désintéressés non moins que fermes dans le devoir, tous ces magistrats, une notable augmentation de gages leur ayant été spontanément assurée par des lettres patentes, devaient tenir bon à ne l'accepter pas, malgré leur gene inimaginable; et il fallut, sur leur ferme refus, ajourner cette mesure à des temps plus heureux'.

1 Discours ms, sur la vie du président Bénigne Frémyot, déjà cité. Description du duché de Bourgogne, par.Courtépée, t. V, 313 et suiv. 386 et suiv.

› Le Parlement de Bourgongne, par P. Palliot, 1649, in-fol., p. 212-213. 3 Journal ms, de ce qui s'est passé au parlement [ligueur ] de Dijon, pendant la Ligue, par le conseiller Bruneau, p. 87-88. ( Bibliothèque de Dijon.)

4 Registre des estats tenus à Semur, 20 juin 1592, fol. 116 vo. Discours du procureur général Picardet. (Manuserits de la bibliothèque de Dijon, )

Claude Mo

thet, avocat,

ternel

L'avocat Claude Mochet' d'Azu, qui les avait voulu

aïeul ma- suivre, devait rivaliser avec eux de zèle, de dévouede Bossuet. ment, de courage. Père de Marguerite Mochet, cette Jes Fevret pieuse mère de Bossuet; personnage éminent à tous

Ce que Char

égards, nous pourrait-il être ici permis de nous en taire après l'éclatant témoignage qu'un juge très-compétent, son contemporain, Charles Fevret, rempli pour lui d'admiration, de respect, lui a rendu dans son curieux Dialogue des illustres du barreau de Dijon ? Claude Mochet nous est représenté dans cet ouvrage comme l'un de ces hommes dont le nom toujours devra demeurer en grand honneur, tant pour sa capacité hors ligne, ses talents supérieurs, son immense savoir, sa rare éloquence que pour d'éminentes yertus, d'exquises qualités, qui lui méritèrent à Paris, non moins que dans sa province, l'estime, l'attachement, l'admiration de tous'.

1 Mochet. Dans la plupart des anciens titres, on lit: Mouchet, de Mouchet, du Mouchet. ( Noblesse de Bourgogne, ms en 3 vol. in-fol., bibliothèque de Troyes, no 324, t. I, 317 et suiv.) On lit Mochet sur les Roles des tailles de la paroisse Saint-Michel de Dijon, où demeurait le beau-père de Bénigne Bossuet. Claude Mochet appartenait à la famille Perrenot de Granville et de Chantonay. (Vie de Bossuet, en tête du t. I. des OEuvres de Bossuet; édit. de Nimes, in-8°, 1784. Essais historiques et biographiques sur Dijon, par Claude Xavier Girault, jurisconsulte; Dijon, 1814, in-12, p. 545. )

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Azu, fief dépendant de Saint-Romain-sous-Gordon, dans le Charolais, ayant appartenu jadis aux Bossuet, par suite du mariage d'une Mochet [Marguerite] avec le père du grand Bossuet, (Description du duché de Bourgogne, par Béguillet et Courtépéc, t. IV, 143.) C e fief, après la mort du conseiller Bénigne Bossuet, appartint à Antoine Bossuet (frère de Jacques-Bénigne), intendant de Soissons, et après la mort d'Antoine, Louis, l'un de ses fils. J'ai vu des lettres de J.-B. Bossuet, où Antoine, son frère, est qualifié sieur d'Azu. Voir aussi la biographie du parlement de Metz, par E. Michel, 1853, in-8o, article Bossuet.

3 De claris fori Burgundici oratoribus, dialogus, auctore Carolo Fevreto, jurisconsulto; Divione, 1654, in-8°, p. 71 et 92.

Services rendus par Claude Mo

cause royale.

Profond légiste, avocat désintéressé non moins que docte et disert, sans nul désir d'être promu aux grands emplois du palais, son zèle ardent pour la royauté, son dévouement sans réserve au pays (deux sentiments qu'on n'a-. vait point encore appris à séparer alors) lui devaient faire quitter, cinq ou six années durant, pour les périls, pour les dures fatigues d'une guerre sans trêve, ses paisibles études, qui toujours lui avaient été si chères. Aussitôt qu'eurent commencé les troubles, les membres fidèles du parlement de Bourgogne, la noblesse, les chet à la états de la province, dont l'estime, dont la confiance en Claude Mochet d'Azu étaient sans bornes, l'avaient envoyé avec de pleins pouvoirs négocier en Suisse, en Allemagne, dans l'intérêt de la cause royale, un emprunt considérable, que le zélé député sut conclure avec succès, et d'où devaient résulter, pour le bon droit, d'inespérées ressources. De retour en France, bientôt, avec quarante mille écus, cinq cents reîtres, deux cents lansquenets, des munitions, et plus ardemment résolu que jamais de se vouer tout au service de son roi', Glaude Mochet, sur l'heure, ceignit l'épée; et, à la tête d'une compagnie de piquiers armés de cuirasses, on l'allait voir combattre en tous lieux comme si de sa vie il n'eût fait autre chose, se signaler à la journée d'Arques, prodiguer sans relâche son temps, son avoir, sa santé, commander pour le roi à Saint-Jean de Losne, ville grâce à lui demeurée fidèle, tenir en respect au loin

Ms. Discours historique ms, sur la vie du président Frémyot, déjà cité.

2 Extraits manuscrits des mémoires de P. Palliot, sur la noblesse de Bourgogne, un vol. in-fol., bibliothèque de Troyes, fonds Bouhier no 337. On y lit Mouchet, au lieu de Mochet, et dans beaucoup d'autres ms. que j'ai vus, le nom est écrit ainsi. Mais toujours s'y agit-il du

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