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Préparatifs à Metz pour

maréchale

de Schon

berg. 1632 ( août ).

tout ne fût fini sans retour '. La poignante douleur de Marie de Hautefort, en ces pénibles rencontres, celle du maréchal de Schonberg, tous deux si éprouvés, si fidèles, qui la pourrait exprimer? Mais Dieu, Dieu, qu'ils aimaient, leur venant en aide, en ce pressant besoin, le monde les allait voir se résoudre, sans bruit, sans murmure; et s'éloignant de la cour, ils ne devaient plus aspirer désormais qu'à « vivre de cette vie chrétienne qui seule peut donner le repos de l'esprit et la tranquillité de l'âme. 2 »

Après quelque séjour dans leur château de Nanteuill'entrée de la le-Haudouin (non loin de Meaux), la nouvelle, au mois d'août 1652, survenant à Metz qu'ils y allaient arriver avec le dessein d'y faire un long séjour, on ne saurait croire la joie de tous les habitants, ni leur impatience de revoir leur gouverneur, absent depuis deux années, et qui toujours leur avait été si cher. La duchesse d'ail leurs, quoique son mariage déjà datât de six ans (1646), n'étant point depuis venue encore à Metz, et devant y faire, selon les usages du temps, une solennelle entrée, tout au premier avis s'était mis en mouvement. Les députations, les harangues, les arcs de triomphe, les vers, les emblèmes, les devises, et en un mot tous les honneurs prodigués, en cette rencontre, aux illustres

1 Mémoires de Mme de Motteville, collection Petitot, 2o série, t. XXXVII, 5 et suiv.

Benserade composa, à cette occasion, des stances imprimées dans un Recueil des plus belles pièces des poetes françois; 1692, édition de Hollande, t. V, 187.

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» Mémoires de Mme de Motteville, 2o série, t. XXXVII, 61, 277, 375. Registres de l'Assemblée des trois ordres de Metz, 1o, 2, août 1652. — La Vie de Marie de Hautefort, duchesse de Schonberg, déjà

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époux, ne sont point de notre sujet '; et deux choses seulement ne sauraient être ici laissées en oubli : le refus qu'ils firent de somptueux présents de bienvenue, offerts par un peuple dont ils connaissaient les besoins, et qu'ils étaient donc venus soulager, bien loin d'accroître sa misère 2. Leur empressement à donner en toutes rencontres des témoignages publics de la piété qui régnait dans leur âme édifia aussi le pays, et lui était d'un grand exemple tout ensemble 3.

Apprenant, à leur arrivée, que l'abbé Bossuet devait, le 8 septembre, monter dans la chaire de la cathédrale, le maréchal, la duchesse se promirent d'aller, par leur présence, encourager le premier essai de l'orateur. Ils s'y intéressaient par bien des motifs, leurs relations avec les Bretagne, avec le conseiller Bossuet ayant, depuis plusieurs années, été très-étroites '.

Qui pourrait douter que, dans les derniers temps surtout de ses études à Navarre, Jacques-Bénigne n'eût été connu, lui aussi, du maréchal ainsi que de la duchesse; et qu'un sujet si distingué n'eût reçu dans cette noble et pieuse famille l'accueil favorable auquel il avait tant de droits? Vint le 8 septembre (1652),

Jean Loret, Muze historique, Lettres des 28 juillet, 18 août, 15 septembre 1652, 8 mars 1653. -La Vie de Marie de Hautefort, déjà

citée.

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Jean Loret, Muze historique, lettre du 15 septembre 1652.

3 Registres des trois ordres de Metz, 1652.

Metz,

par les Benédictins, in-4o, t. III, 287.

Histoire générale de

4 Registres secr. du parlement de Metz, du 19 novembre 1650. Correspondance, Bibliothèque publique de Metz, Carton 38o.

Recueil

des édits enregistrés au parlement de Metz [ par Emmery ], in-4o, t. II, 294 et passim. Schonberg avait, le 10 août 1652, à Toul, dans l'église de Saint-Jean-du-Cloitre, tenu sur les fonts un fils du premier président Claude Bretagne, (Biographie du parlement de Metz, par E. Michel; 1853, in-8", p. 494. Même ouvrage, article Bossuet.)

Bossuet prêche, à Metz, en

présence de

M. et de Mad.

de Schon(8 septemb).

berg. 1652

jour de la Nativité de la Sainte Vierge, fête célébrée, dans ces temps-là, avec solennité, comme toutes les autres instituées en l'honneur de Marie. Reconnaissant, du haut de la chaire, Schonberg et la maréchale, combien l'orateur fut ému; combien il lui allait être doux de donner au grand capitaine, à sa compagne si digne, de publics témoignages de son attachement et de son respect! Heureux (il ne peut s'en taire) d'avoir à honorer de telles personnes, «< qu'on peut louer (ce sont ses paroles), qu'on peut louer sans aucun soupçon de flatterie; bien sûr (continue-t-il), si je m'étends sur ce sujet, d'entendre mes paroles confirmées par des acclamations, il faut toutefois (se hâte-t-il d'ajouter), il faut, en la place où je suis, que j'évite jusqu'à la moindre apparence de flatterie. » Il ne saurait, à la vérité, leur dénier tout à fait un hommage auquel ils ont tant de titres. « Mais laissant à l'histoire les grandes et illustres journées du maréchal, ses siéges si mémorables, ses expéditions si fameuses, toute la suite de ses actions immortelles,» il s'arrêtera, de préférence, lui ministre de Dieu, « à la piété, si véritable, du héros; à sa foi, qui le fait humblement déposer au pied des autels cet air majestueux, cette pompe qui l'environne; à sa généreuse bonté, qui lui a gagné, pour jamais, l'affection des peuples confiés à ses soins. » Après quoi, Marie de Hautefort, cette femme incomparable, que tous, dans Metz, s'étaient montrés si impatients de voir, et s'estimaient si heureux aujourd'hui de connaître, méritant, elle aussi, par tant de raisons, de n'être point oublée dans cette solennelle conjoncture, Bossuet louera avec effusion le maréchal de « la sagesse de son choix, qui lui a fait souhaiter d'avoir dans sa maison l'exemple d'une vertu si rare, par lequel (dit l'orateur) nous pour

rons convaincre les esprits les plus libertins qu'on peut conserver l'innocence parmi les plus grandes faveurs de la cour, et dans une prudente conduite une simplicité chrétienne'. » Louanges bien dues, sans doute, à celle que le burlesque Scarron lui-même appela sainte Hautefort 2, ces paroles ayant pu, seules, contenter son admiration et son respect!

Sans entrer ici dans un plus long détail de ce discours, je ne saurais néanmoins passer sous silence une . remarque de l'orateur sur « la tendresse des mères, qu'on voit toujours (dit-il) prendre une part tout extraordinaire à toutes les actions de leurs fils. » C'était, à Metz, le premier pas de Bossuet dans la carrière évangélique. La pieuse Marguerite Mochet, que naguère, à Notre-Dame d'Étang, nous voyions offrir à Dieu Jacques-Bénigne, n'ayant pu, en un pareil jour, n'assister pas à cette première prédication de l'archidiacre de Sarrebourg, son bien-aimé fils, que l'on imagine son émotion en entendant ce peu de mots que nous avons rapportés tout à l'heure!

Comment

Bossuet com.

prenait le

Sa pensée sur le ministère de la prédication, l'orateur, dès ce jour-là même, la faisant bien connaître, puisons (avait-il dit), puisons dans la doctrine des prédicateur.

1 Bossuet, 3o sermon pour la fête de la Nativité de la sainte Vierge, édition de Vers., t. XV, 138.

2 OEuvres de Scarron, édition de 1684, in-12, p. 226; Épitre en vers à Marie de Hautefort. Un seul homme, Sandraz des Courtilz, devait, en 1687, par une odieuse calomnie, attrister quelques instants la vieillesse de la maréchale. ( Mémoires de M. le C. D. R. (comte de Rochefort); 1687, in-12, Cologne, chez P. Marteau, p. 93); mais, lui venant d'un tel homme, cet outrage (tous le témoignèrent à Marie de Hautefort) était une fleur ajoutée à sa couronne. (Faydit, extrait d'un sermon prêché, le jour de Saint-Polycarpe, à Saint-Jean-en-Grève, à Paris, avec les preuves, etc.; Paris, 1689, p. 36. Supplément, par Faydit, à

sa Dissertation sur ce Sermon.

Évangiles; c'est la seule qui touche les cœurs. Une seule parole de l'Évangile a plus de pouvoir sur nos âmes que toute la véhémence et toutes les inventions de l'éloquence profane '. » Fidèle à cette conviction, profonde en son âme, celui de tous les orateurs dont l'éloquence a le plus étonné les hommes et été applaudie d'eux avec le plus de transport fut celui aussi qui en tenait le moins de compte. Si « la vraie éloquence, toujours, se moque de l'éloquence 2, » combien surtout elle s'en devra rire, du haut de la tribune évangélique! « L'utilité des enfants de Dieu, c'est là (disait-il) la loi suprême de la chaire 3. » Instruire, éclairer, toucher, échauffer, montrer Jésus-Christ, faire qu'on l'aime, c'est à quoi nous verrons Bossuet aspirer toujours, profondément oublieux de lui-même; attentif uniquement, appliqué sans cesse à « écouter Dieu, pour apprendre de lui, d'instant en instant, ce qu'il devra dire; ne prêchant jamais que ce que lui a dicté ce maître céleste.» Aussi lui sera-t-il donné, plus qu'à nul autre avant lui, de saisir les esprits, d'émouvoir les cœurs, de frapper les imaginations, de tonner dans les consciences. Mais à qui, sans y manquer jamais, en donnera-t-il tout l'honneur? Tout à l'heure, il vient de nous le dire; et (ajoute-t-il) « ce n'est point l'homme que l'on doit entendre dans la chaire, mais Dieu luimême 5. » D

1 Bossuet, 3o sermon pour la fête de la Nativité de la sainte Vierge, XV, 145.

2 Pascal, Pensées, édition de M. Faugère; 1844, in-8°, t. I, 152.

3 Bossuet, troisième sermon pour la fête de la Conception de la sainte

Vierge, édition de Versailles, t. XV, 58.

4 Bossuet, Méditations sur l'Évangile. La dernière semaine du Sauveur, LVIIe jour. (Édition de Versailles, t. IX, p. 300. )

5 Sancti Petri Epistola I, cap. IV, vert 11.

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