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la cour, écrire fréquemment au vicomte maïeur, aux échevins de Dijon, demander leurs instructions, les suggérer, les devancer la plupart du temps, selon les progrès, selon les vicissitudes inopinées de la procédure', à ces soins incessants Bénigne Bossuet devait, plusieurs mois durant, se vouer sans relâche, pour mener à bien une si épineuse affaire, y montrant, de l'aveu de tous, non moins de dextérité que de zèle.

Dans de nombreuses lettres à ses commettants, témoignages indubitables de son activité, de sa rare intelligence, de son exquise sagesse, se révèle de plus l'homme de bien, l'homme de cœur, que sa conscience soutient au milieu de devoirs difficiles, de chicanes indignes, de contradictions irritantes, de calomnies quelquefois, et dans l'ennui, très-sensible pour lui, d'une si longue séparation des siens, qu'il aimait tant. Il lui en a coûté d'entrer ainsi en lutte avec une cour souveraine, favorable à sa personne, où, près de son frère aîné Claude, de son oncle Antoine Bretagne, siégent d'autres parents, des alliés, des amis, des concitoyens chers à son cœur. « Aucun d'eux, peut-être, doutera de mon amitié, écrivait-il à ses collègues de la chambre de ville de Dijon.

Loin de sa femme, cette pieuse Marguerite Mochet, des cinq enfants nés déjà de leur union, la plus heureuse

Archives de l'hôtel de ville de Dijon. ( Missives des rois et princes, de 1600 à 1624.)

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« Et pour vous monstrer combien il est facile de calomnier, l'on m'a soubstenu en ceste ville (Paris) que vous m'aviez envoyé quinze queues de vin pour distribuer. Il n'entra jamais dans ma pensée de vous inviter à vous servir de tels artifices. J'ai du courage et de l'hardiesse assez pour bien représenter vos raisons, mais non pas pour présenter telles denrées à des juges. » Lettre de Bénigue Bossuet, 8 janvier 1625, aux vicomte maieur et échevins de Dijon,

Bénigne

Bossnet de

vient

qu'on eut vue jamais, « J'aime (écrivait-il aux échevins de Dijon), j'aime d'estre dans ma petite famille, je me plais dans mon petit travail, je souffre d'estre si longtemps privé de ces contentements et de celuy de vous revoir.» Mais quoique son cœur pût souffrir, voué avant tout sans réserve à servir sa ville natale avec un zèle infatigable, je tiendrois (mandait -il) mon honneur et ma conscience quasi autant engagés d'un séjour sans occupation qu'en un emploi si j'en usois mal, ce que je ne ferai jamais. Le courage me croît, voyant que le conflit approche, et qu'il faut combattre pour nos libertés '.

>>

Rendu enfin à Dijon, à sa famille, à ses amis, à ses tral'un des trois Vaux, Bénigne était devenu, en août 1626, l'un des trois des états de conseils des états de Bourgogne, son beau-père, Claude Bourgogne. Mochet, l'un d'eux, l'ayant alors fait recevoir en son lieu".

conseils

A un an de là naissait, le 27 septembre (nous l'avons vu), son septième enfant, son cinquième fils, Jacques-Bé

Lettres de Bénigne Bossuet, échevin de Dijon, datées de Poissy, 13, 20, 21 août 1624; de Paris, 27, 29 août ; 2, 4, 8, 9, 18, 25 septembre ; 2, 16, 22, 30 octobre; 5, 13, 16, 19, 26 novembre; 3, 10, 17 décembre 1624; 8, 15, 22, 29 janvier; 5, 12, 19, 26 février; 5, 12 mars 1625. (Archives de la ville de Dijon. )

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Bénigne Bossuet est, dans un acte du 13 juillet 1625, mentionné pour la première fois, en qualité d'avocat des états de Bourgogne, il y figure le dernier après Richart et Jean Guillaume, ses deux collègues et ses anciens, qui étaient précédemment les deuxième et troisième. Il n'est plus fait mention de Claude Mochet, à qui le 25 janvier 1625 avait été allouée la somme de 200 liv, pour ses honoraires de 1624. L'illustre Charles Fevret devint, le 10 juillet 1626, avocat des états de Bourgogne, en remplacement de Jean-Guillaume, décédé. ( Registres des élus de Bourgogne, aux archives de la préfecture de Dijon.)

Les conseils des états de Bourgogne étaient toujours choisis parmi les avocats les plus insignes et les plus estimés du barreau de Dijon. (Bibliothèque des auteurs de Bourgogne, par Papillon, articles Guillaume (Pierre), Guillaume (Gabriel), Raviot (Guillaume), etc.)

nigne. Pour lui, après qu'eut pris fin le temps de son échevinage, rendu à ses études de légiste, il s'était voué sans réserve au public, aux états de Bourgogne, dont venaient de lui être mis en main les intérêts et les affaires, au bien de sa cité, qu'il aimait, qu'il sut servir, comme Jacques, son père, l'avait aimée, l'avait servie avant lui.

dite du Lan

turelu

Bénigne Bos

gnale par son
énergie.
(Fév. 1630.)

Sa résolution, son courage s'étaient fait bien connaître édition dans cette fameuse sédition, dite du Lanturelu', qui, en février 1630, mit en peine tout le pays, lorsque les set se sivignerons, sur le bruit qu'on allait établir les aides en Bourgogne, s'étant armés, et, au cri de Vive l'empereur ! forçant, pillant, brûlant les maisons, outrageant les magistrats, se livrant, en un mot, à tous ces intolérables excès qu'a mentionnés l'histoire, il fallut que Louis XIII enfin vint à Dijon en personne châtier ces attentats 2. Bénigne Bossuet, et à son exemple quelques hommes de cœur, indignés, prompts avec lui à prendre les armes, devaient, par leur attitude, leur énergie, leur intrépidité, imposer à ces forcenés, les tenir en respect, les réduire à la fin; et ainsi avait pu être préservé de l'incendie, du pillage le quartier de Saint-Jean, où déjà,

Cette sédition fut appelée le Lanturelu, ce dernier mot étant leʼrefrain d'une chanson que vociféraient les mutins. (Description topographique et historique de la Bourgogne, par Courtépée et Béguillet, 1. II, 71.)

2 Louis XIII, arrivé le 27 avril 1630 à Dijon, pour punir cette ville, fut touché de la pathétique harangue que lui adressa l'avocat Charles Fevret au nom des habitants, et leur pardonna sous des conditions indiquées dans l'arrêt rendu par lui à cet égard, ledit jour 28 avril. ( Mercure françois, t. XVI, p. 148-168. - De la sédition arrivée en la ville de Dijon, le 28 février 1630, et le jugement rendu par le roi sur icelle. Paris, chez Edme Martin, 1630, in-8°, 31 pages. Description du duché

de Bourgogne, par Courtépée, t. I, 286, t. II, 71.)

Benigne

Bossuet, en

la torche à la main, les mutins faisaient tout retentir de vociférations et de menaces'.

Pourvu en février 1631 de l'un des trois offices de août 1632, est substituts au parlement de Dijon, créés par un édit de

recu

substitut du

général au

Bourgogne.

procureur l'année précédente (avril 1630); reçu au mois d'août Parlement de 1632 dans cette charge 2, il ne devait point cesser pour cela d'être avocat en parlement, et conseil des états de la province', ces charges de substituts étant alors inférieures de beaucoup à ce qu'on les a vues devenir dans la suite; leurs titulaires n'étant point membres des cours souveraines, et même n'y ayant pas de rang assuré, à ce point que toujours, dans les cérémonies, on les vit marcher avec les avocats au rang que leur avait assigné la date de leur réception dans cet ordre'; et aussi ne trouvera-t-on pas leurs noms dans les trois précieux ouvrages que Palliot, Petitot et M. Des Marches, depuis peu, ont consacrés à l'histoire du parlement de Bourgogne. Seulement les substituts, dans une situation si indéterminée, si précaire, si mal définie encore, rendirent au parlement ainsi qu'au public d'effectifs et signalés services. Bénigne Bossuet, qui, à cause des nombreux parents et alliés qu'il comptait dans le parlement de

1 Mémoires ms. concernant la Ligue, fol. 374, communiqué par M. Frantin, de Dijon. Lettre de M. Fleutelot, de Dijon, 16 mars 1630.

2 Nommé par lettres du 21 février 1631, il fut reçu le 6 août 1632, (Registres de la chambre des Comptes de Dijon, Enregistrements et transcriptions, années 1630, 1634, no 27, fol. 231 et suiv.)

3 Bénigne Bossuet, dans l'acte du baptême de Bénigne Droūas en l'église de Saint-Jean de Dijon, le 25 nov. 1632, prend les qualités de substitut du procureur général au parlement de Bourgogne, et d'advocat

des estats.

4 Recueil de M. de Grivet, sur le parlement de Dijon, ms. Bibliothèque publique de Dijon, no 226, fol. 242. (Arrêt du 23 mars 1669.)

5 Histoire du parlement de Bourgogne, de 1733 à 1790, par A.-S. Des Marches, Châlons-sur-Saône, 1851, in-fol., préface, p. 2.

Dijon, n'y aurait pu tenir un office de Conseiller, y ayant (la loi le permettait) été admis comme substitut du procureur général, se préparait, par cet humble et laborieux noviciat, à aller, comme nous le verrons dans la suite, tenir à Metz un office de conseiller, que les ordonnances de nos rois lui avaient dénié dans sa province. Et les parents de Bossuet étant maintenant bien connus de nous, montrons quels enseignements reçut d'eux Jacques-Bénigne en son enfance.

Dans la maison de Jacques Bossuet, l'ancien conseiller, venant chaque jour avec Claude Mochet d'Azu, avec Antoine Bretagne, avec le président Frémyot, tous les fidèles du parlement de Semur, se faudra-t-il étonner qu'il y fût parlé volontiers de ces temps d'épreuve, de dévouement, de privations et de périls dont on a vu le récit? Le règne paternel de Henri IV ayant été un ample dédommagement de tant de sacrifices, une douce récompense de tant d'efforts, le moyen que, sur un texte si fécond, l'entretien tarît jamais! De braves hommes de guerre qui, de concert avec ces dignes présidents et conseillers, avaient naguère, aux mauvais jours, servi la cause royale et intrépidement combattu la Ligue, Guillaume, comte de Saulx de Tavanes; Roger de Saint-Lary de Bellegarde; son frère, le baron de Termes; Christophe de Rabutin, baron de Chantal; Marcilly de Cypierre; Clugny, Jaucourt, Ragny, Rochefort, Pluvault, la Croisette', demeurés après la guerre en relations d'amitié avec des juges fidèles comme eux durant les troubles, résolus comme eux au milieu des dangers, et dont plusieurs même, les armes à la main,

Description générale et particulière du duché de Bourgogne, par Courtépée et Béguillet, in-12, t. I, 282 ; t. II, 70 ; t. V, 313.

Maison de société de ce

Jacques
Bossuet.

magistrat.

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