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ailleurs l'évêque de Césarée, « le grand saint Basile, l'ornement de l'Église orientale, le rempart de la foi catholique contre la perfidie arienne '. » Tous les Pères, tous les écrivains des premiers temps de l'Église, il les devait ainsi caractériser tour à tour, avec une exacte sagacité, bien propre à montrer à quel point il lui avait été donné de les connaître. Saint Jérôme, prêtre tout ensemble de l'Église orientale, de l'Église occidentale, imbu des langues hébraïque, grecque et latine, ayant lu tous les auteurs, réunissant en lui seul les témoignages de tous; << le représentant de la tradition universelle; le lien, pour tout dire, de l'Orient et de l'Occident 2; »- Tertullien, ce <«< dur Africain; »>« cet homme aux expressions fortes *; » Synésius, l'auteur d'hymnes sacrées, dans lesquelles Bossuet trouvait, « avec le tendre d'Anacréon, le sublime Origene. d'Alcée et de Pindare ; » « Origène, moindre en autorité que les autres Pères (Bossuet ne le méconnaît pas); mais dont l'éloquence douce et insinuante l'avait touché néanmoins, ainsi que la piété qui règne dans ses ouvrages; «ses heureuses réflexions; sa tendresse dans l'expression.»> Les Pères des derniers siècles, saint Bernard, saint Thomas d'Aquin, devaient venir à leur tour; et leurs portraits, sous ce pinceau magique, offriront tous une ressemblance qui saisit. Sans mentionner ici tant

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1 Bossuet, 2o Panégyrique de saint François de Paule, t. XVI, 222. 2 Bossuet, Défense de la tradition et des Saints Pères, liv. VIII, chap. 20, t. V, 449.

3 Bossuet, VI Avertissement sur les Lettres de M. Jurieu, nos XCIV, XCV.

4 Bossuet, 3o sermon pour l'Annonciation, t. XV, 235.

5 Bossuet, Défense de la tradition et des Saints Pères, liv. XII, chap. 25, t. V, 685.

6 Bossuet. Lettre à Mme d'Albert, 30 septembre 1691, t. XXXIX, 55. Mémoires mss. de Le Dieu.

d'autres écrivains sacrés, familiers, eux aussi, au studieux archidiacre, mais qu'on ne saurait nommer seulement sans tomber dans d'inexcusables longueurs; Bossuet, disonsle après un docte religieux de son temps, Bossuet fut une ency"une encyclopédie de tous les Saints Pères.»

Ainsi vivait dans la méditation, dans l'étude, à l'ombre du sanctuaire de l'antique cathédrale de Metz, ce généreux lévite, en qui le monde aujourd'hui admire l'égal de ces maîtres si chers à son cœur. Il lui fut donné d'obtenir parmi eux le rang dont le rendaient digne ses immenses travaux et la sainteté de sa vie. Anneau merveilleux ajouté à cette longue chaîne des docteurs de l'Église, où resplendissent les Athanase, les Augustin, les Jean Chrysostome, les Grégoire de Nazianze, les Ambroise, les Jérôme, les Bernard, et qui, avant lui, finissait à saint Thomas d'Aquin!

Bossuet fut енсу

clopédie de tous les Saints

Pères.

de Bossuet

pour les connaissan

humilité.

Bien éloigné, du reste, de se laisser éblouir par son Peu d'estime prodigieux savoir, en nul homme jamais on ne devait voir plus de dédain pour la science de l'homme, pour ces humai «< sa sagesse, toujours courte par quelque endroit, »> il le remarque lui-même. « Je ne suis pas (disait-il), je ne suis pas de ceux qui font grand cas des connaissances humaines 3; » « je ne trouve rien de plus bas ni de plus vain parmi les hommes que de se piquer de science.» Étonné, non point de ses lumières, mais de son indigence, ces notions que chaque jour il conquiert par l'étude, bien éloigné de jamais les considérer comme siennes, de Dieu seul il sent, il reconnaît, en toutes ren

Lettre du P. François-Marie Campioni à Bossuet, septembre 1698. Bossuet, t. XLI, 444.

Bossuet, Discours sur l'histoire universelle, Empires, chap. 8.

3 Bossuet, Sermon pour le vendredi de la quatrième semaine de caréme, t. XII, 691.

▲ Bossuet, Défense de l'histoire des variations, § LXII.

Goût de Bossuet pour la vie cachée.

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contres, les avoir reçues à foi et hommage; ne se regardant que comme « un canal, bon seulement pour les répandre '. Seigneur (s'écriait l'humble docteur), Seigneur, vous seul éclairez mon âme; elle n'est illuminée que du côté que vous la voyez. Partout où vos rayons ne pénètrent pas, ce n'est que ténèbres; et quand ils se retirent tout à fait, l'obscurité et la défaillance sont entières. Que faut-il donc que je fasse, ô mon Dieu, sinon de reconnaître tenir de vous toute la lumière que je reçois ? Si vous détournez votre face, une nuit affreuse nous enveloppe, et vous seul êtes la lumière de notre vie; notre lumière, telle quelle, doit se perdre dans la vôtre, et s'évanouir devant vous 2. »

Rester ignoré; ne paraitre point; mais qu'ai-je dit, n'être pas, en présence de celui qui, seul, est véritablement; que cet état, pour lui, eût une inexprimable douceur, on le pourra connaître par tant d'endroits de ses ouvrages où, sur cette disposition, il épanche librement son cœur dans ses Élévations sur les mystères; dans ses Méditations sur l'Évangile, dans son Discours sur la vie cachée en Dieu. Saint Jean-Baptiste, confiné au désert; Jésus lui-même ignoré si longtemps; ces augustes et touchants souvenirs étant présents sans cesse à son esprit et chers à son cœur, que toujours, avec prédilection, l'on vit s'y complaire, lui auraient-ils pu permettre d'indiscrets empressements? « Qu'apprend (disait-il), qu'apprend aux hommes la vie volontairement cachée de Jésus-Christ pendant trente années?

1 Bossuet, Sermon sur la Parole de Dieu, t. XII, 238. — ̄Avertissement de la sœur Saint-Bénigne Cornuau, en tête des lettres de piété et de direction que lui écrivit Bossuet. OEuvres de Bossuet, t. XXXVIII, 404; 408, 418.

2 Bossuet, Traité de la concupiscence, chap. XXXII.

Elle apprend à ne se montrer que quand Dieu y appelle; et, au surplus, à aimer une vie laborieuse et pauvre '. » Assis dans la chaire épiscopale, au temps où il proféra ees paroles, et sa soixantième année ayant commencé, combien il était en droit de parler ainsi celui que Metz, dix-sept ans durant, avait vu si humble, si retiré, si studieux, si fidèle à ne quitter sa retraite qu'en vue d'un pressant devoir à remplir!

L'occasion pour lui s'en allait fréquemment offrir; sa capacité, son zèle, sa sagesse ayant pour tous bientôt été très-notoires; et le clergé, le chapitre, les diocésains, dont il avait tout d'abord obtenu la confiance, recourant à ses lumières, à son bon vouloir, on l'allait voir se rendre avec empressement chaque jour partout où l'appellerait le devoir; non moins prompt toujours à obéir que peu enclin à s'ingérer de lui-même. La vie d'action, désormais, commençant pour lui, il s'essaie dès lors, et avec quel succès, à tous ces divers ministères de l'Église, dans chacun desquels il sera plus tard un modèle inimitable. Théologien, prédicateur, catéchiste, directeur spirituel, administrateur, juge ecclésiastique, supérieur de communautés, directeur de pieux établissements, controversiste, conciliateur de communions dissidentes; son zèle, dans tant d'emplois si divers, se va manifester avec non moins d'éclat que ses lumières. Et, au lieu qu'on a cru, jusqu'ici, qu'à Meaux, pour la première fois, et seulement dans un âge avancé, la plupart de ces soins l'occupèrent, nous le verrons s'y livrant, dans Metz, chaque jour, avec non moins de suite que d'ardeur et de succès. Ce diocèse, pour tout dire, l'avait vu préluder, simple

Bossuet, Catéchisme des fêtes, t. VI, 229.

La vie d'ac mence pour

tion com

Bossuet.

Bossuet, député à Stenai, par

Metz, 4655.

prêtre, à toutes les grandes actions que celui de Meaux devait, trente années plus tard, admirer dans son évêque. Il traita, au reste, dans ce pays, des affaires de plus ville de d'un genre, ignorées jusqu'à ce jour; et son voyage à Stenai, en 1653, au nom de l'assemblée des trois ordres de Metz, ne saurait être omis dans son histoire. Metz, ville frontière, exposée, par sa situation, aux entreprises des Allemands, des Lorrains, des Espagnols, devait, après qu'eurent éclaté les troubles de la Fronde, avoir, de plus, à se défendre du parti des princes, et de son chef Louis de Bourbon, prince de Condé, en rébellion ouverte alors contre le roi, généralissime des armées de Philippe IV, et déclaré, en France, criminel de lèse-majesté, par des lettres patentes, enregistrées dans tous les parlements du royaume '. Des troupes françaises, à la solde de l'Espagne, des bandes espagnoles, commandées par des Français, faisant chaque jour des incursions dans le pays Messin, pillant, rançonnant, enlevant des bestiaux, venant faire des prisonniers jusque dans les portes de la place; les villages étant déserts, pour la plupart, les champs abandonnés et incultes ; tout ce pays à jamais eût été

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'Histoire du prince de Condé, par Pierre Coste ( Archives curieuses de l'histoire de France, 2° série, t. VII. Déclaration du roi, du 19 janvier 1650. Autre déclaration, du 8 octobre 1651. Lettre du roi au parlement de Metz, 15 mai 1652. Déclaration du roi, du 12 novembre 1652. (Recueil des édits enregistrés au parlement de Metz, publié par Emmery, in-4o, t. II, 431; t. IV, 115, 116. - Recueil des édits, par Isambert, t. XVII, 313. Registres de l'hôtel de ville

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de Paris, par MM. Le Roux de Lincy et Douet d'Arcq, t. II, 104.

› Mémoire adressé à Louis XIV, en 1663, par les religionnaires de Metz (Recueil des édits enregistrés au parlement de Metz [ par Emmery], in-4o, t. IV, 115, 116.)

3 Registres de l'assemblée des trois ordres de Metz, 1650, et aupres suivantes.

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