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perdu, sans des sauvegardes, obtenues à prix d'argent, et qui devaient, sous peine de déchéance, être renouvelées chaque année. Il en avait fallu solliciter une du prince de Condé, qui coûtait annuellement dix mille livres ; et Damvilliers, où le payement s'était fait d'abord, ayant été, en 1653, rendu au roi par le marquis de Sillery, avis fut transmis aux Messins d'envoyer dorénavant leur argent à Stenai.

Donnée, en 1648, à Louis de Bourbon, en récompense des éclatants faits d'armes par lesquels le jeune héros inaugura l'avénement de Louis XIV à la couronne et les premiers jours de la Régence', la ville de Stenai était devenue, au temps de la Fronde, l'une des places où le prince tint fort contre le roi. Condé, malgré de solennelles promesses faites à son souverain (lorsqu'en février 1651 il fut tiré de prison), ayant continué d'entretenir à Stenai une garnison espagnole 2; là, avec un gouverneur français (le brave Nicolas Bouton, comte de Chamilly3, affidé du prince), commandait un colonel allemand, nommé Colbrandt ; et on voit enfin pourquoi y devait être porté l'argent des villes mises à contribution par le prince. Mais bientôt, ces dix mille livres, stipulées d'abord, ne pouvant plus contenter les agents de Condé, ils entreprirent, en 1653, de rançonner Metz, selon leur bon plaisir; et, outre qu'ils demandaient une

Les lettres de don, décembre 1648, sont dans le Recueil des édits enregistrés au parlement de Metz, publié par Emmery, in-4o, t. III, 198. › Lettre de Louis XIV au parlement de Metz, 15 mai 1652. (Recueil des édits enregistrés au parlement de Metz [ par Emmery], t. II, 401.)

2

3 Nicolas Bouton, comte de Chamilly, baron de Montagu et de Nanton, né en 1598, mort en octobre 1662, inhumé à Chamilly en 1663. ( Description du duché de Bourgogne, par Béguillet et Courtépée, t. V, 88.)

4 Histoire du maréchal de Fabert, par le P. Barre, chanoine de SainteGeneviève; Paris, 1752, in-12, t. II, 117.

L'assemblée des Trois Ordres de

c'était.

somme plus considérable, des nouveaux modes de payement étant prescrits, plus onéreux, de beaucoup, que les premiers, en présence de telles exigences, si inopinées, une vive émotion s'était manifestée à Metz, dans l'assemblée des trois ordres.

Cette assemblée, composée (son nom seul le fait asMetz. Ce que sez connaître) de députés de la bourgeoisie, du clergé, de la noblesse, était un conseil permanent, appliqué, sans cesse, à veiller aux intérêts du pays, et à en régler les affaires'. Le chapitre de Metz, en possession d'y députer, tous les trois mois, un ou même plusieurs des siens, élus au scrutin, avait en 1653 délégué, pour y siéger en son nom, l'archidiacre de Sarrebourg, qui devait ne tarder pas à y être apprécié, comme on le va voir tout à l'heure'. C'est le temps, précisément, où les agents de Condé voulurent aggraver les conditions de la sauvegarde de Metz, dont le terme venait d'expirer; et tout ce qu'on leur avait représenté sur l'état critique de cette ville ne les ayant pu faire condescendre à s'en tenir aux clauses du dernier traité, l'assemblée des trois ordres se résolut d'envoyer à Stenai deux de ses membres, chargés d'entretenir Caillet de Chanlé, intendant des contributions levées au nom des princes; avec recommandation expresse, si cet intendant s'obstinait, de recourir à Condé lui-même 3. Le choix qu'on

› Mémoire concernant la qualité des trois ordres de la ville de Metz et pays Messin. (Bibliothèque impériale, manuscrits Saint-Germain, Français, no 632, in-fol. p. 189.)

Arrêt

Registres du chapitre de la cathédrale de Metz, 4 juin 1658. du conseil, 14 février 1670, article XIX. Recueil des édits enregistres à Metz, t. V, 569. Le 26 mai 1653, Bossuet siégea, pour fois, à l'assemblée des trois ordres de Metz.

la

premiere

3 Registres de l'assemblée des trois ordres de Metz, 24, 29 septembre

1653 et jours suivants,

fit de Bossuet pour aller à Stenai, avec l'échevin Ban-
celin, négocier cette affaire, ne saurait surprendre; les
anciennes et affectueuses relations de Louis de Bourbon
avec la famille Bossuet, notoires à tous dans Metz,
permettant d'espérer de ce prince, par la médiation de
l'archidiacre de Sarrebourg, un plus doux traitement,
en cette conjoncture si intéressante pour le pays.
Stenai, par la défection de Condé, qui y régnait
pour ainsi dire, étant ville ennemie; tout, en un mot,
se devant passer dans cette rencontre comme entre
deux nations qui se font la guerre, des passe-ports, si-
gnés de ceux qui commandaient dans cette place, avaient
été jugés indispensables aux deux députés de Metz;
mais, de plus, ils n'y auraient pu pénétrer sans l'assis-
tance d'un tambour; et aussi en vint-il un, de Stenai
à Metz, tout exprès, pour les chercher et les accompa-
gner dans le voyage '. Les deux délégués devaient, au
commencement, traiter, non avec Condé, retenu, pour
l'heure, à Rocroi, qu'il avait pris depuis peu; ni avec
le comte de Chamilly, occupé uniquement d'opéra-
tions militaires, mais avec Caillet, secrétaire des com-
mandements de monsieur le prince 2, intendant des con-

« Au premier tambour qui fut envoyé [ de Metz à Stenai] pour obtenir le passe-port de nos députés, et ramener avec lui, à Metz, un tambour de Stenai, 24 liv. Au tambour de Stenai, qui est venu à Metz chercher nos députés, les a conduits à Stenai, et les a ramenés à Metz, go liv. Au tambour envoyé [de Stenai] à Rocroi, vers monseigneur le prince (par M. de Bossuet), 27 liv. Au tambour, qui a apporté [ de Rocroi], à M. de Bossuet, [qui les attendait ] à Stenai, les ordres de monseigneur le prince à M. de Bossuct, pour les faire valoir vers le seigneur de Caillet, 30 liv. Au tambour qui a apporté [à Metz ] les dernières lettres desdits sieurs de Bossuet et Caillet, 12 liv. (Compte, dans le registre de l'assemblée des trois ordres de Metz, du jeudi 24 octobre 1653.)

2 Caillet de Chanlé, était secrétaire des commandements du grand

Bossuet et rendent a

Léchevin Bancelin se

Stenai. Résistance qu'ils éprouvent.

tributions du parti, chargé, lui seul, de tout ce qui concernait les sauvegardes, et celui-là même qui venait d'élever les prétentions nouvelles dont les deux députés de Metz avaient eu charge de se plaindre. Sûr d'un agent dévoué à sa personne, non moins que capable, Condé toujours presque s'en remettait à lui de toutes choses; au point que Chanlé, dans la suite (1659), le représenta, dans ces fameuses conférences pour la paix, qui finirent par le traité des Pyrénées'. Dans plusieurs entretiens que Bossuet et l'échevin Bancelin eurent avec Chanlé, au château de Stenai, celui-ci ne s'étant voulu rendre à rien de ce qu'ils avaient eu charge de lui dire, les deux députés durent, sans avoir rien conclu, quitter enfin cette ville; et Bancelin, découragé, s'en était retourné à Metz, laissant à Verdun l'archidiacre de Sarrebourg 2, qui, plus persévérant, allait seul continuer la négociation, et la sut mener à bien, mais non sans peine, comme on le va voir.

Faire que la contribution demeurât fixée, comme

Condé, qui avait en lui une confiance sans réservc. Il devait, en 1659 et 1660, représenter ce prince aux conférences qui précédèrent la paix des Pyrénées. (De morte Ludovici Borbonii, principis Condæi, etc., epistolæ duæ ; en français, par le P. Bergier, jésuite; en latin, par le P. de Saligny, jésuite; Paris, 1689, in-12, p. 247.) · Caillet est mentionné plusieurs fois dans les mémoires du comte de Coligny-Saligny, publiés par M. Monmerqué en 1841, in-8o, p. 67 et suiv. — Après la paix des Pyrénées, il seconda, en Bourgogne, le zèle du prince de Condé à servir le roi dans l'assemblée des états. - (Lettre de Caillet, Dijon, 18 juin 1662, à Colbert. Correspondance administrative sous le règne de Louis XIV, publiée par Depping, 1850, t. I, 431.)

De morte Ludovici Borbonii, principis Condæi, et de præclarè ab eodem in vitâ gestis, epistolæ duæ. (Par le R. P. Bergier, et Louis de Saligny, jésuites; Paris 1689,in-12, p. 247. ) — Lettre du cardinal Mazarin à Michel Letellier, 23 août 1659. (Histoire du cardinal Mazarin, par Aubery; 1751, in-12, t. IV, 291 et suiv.)

2 Registres des trois ordres de Metz, 8 octobre 1653,

avant, à dix mille livres seulement, payables en pisto-
les, valant onze francs messins chacune; que, toujours
elle fût acquittée par quartiers, et non point par semai-
nes, comme Caillet, innovant en cela, avait témoigné
le vouloir; qu'elle fût due à partir du 1er octobre seule-
ment, et non dès cette heure, comme il l'avait aussi de-
mandé, très à tort; qu'à ces conditions, enfin, le pays
messin, épargné désormais, demeurât en assurance,
c'était le vœu de la ville de Metz; et c'est ce que
Bossuet demandait pour elle à Caillet, par de pressan-
tes lettres que, de Verdun,
de Verdun, il lui écrivit sans relâche.
Mais à des propositions si équitables, cet agent, tou-
jours, s'obstinant à ne répondre que par des refus,
Bossuet se résolut alors de traiter avec Condé lui-même,
comme l'y avaient autorisé ses pouvoirs. A peu de jours
de là, en effet, un tambour, envoyé de Rocroi, présen-
tait au prince, de la part de l'archidiacre de Sarrebourg,
député de Metz, des lettres où fut clairement exposée
l'affaire. Les raisons de la ville de Metz étant sans ré-
plique; le nom de Bossuet, d'ailleurs, si connu de
Condé, étant pour lui agréable toujours et cher, le
prince devait accorder pleinement à l'archidiacre négo-
ciateur tout ce que son intendant avait refusé, bien à
tort '. Ses ordres exprès ayant sur l'heure été en-
voyés à Caillet, il ne restait plus que de voir comment
ils seraient exécutés par un agent trop accoutumé, en
ces sortes de rencontres, à s'en croire lui seul plutôt
que le prince, et blessé d'ailleurs qu'on eût eu recours
à Condé lui-même. Caillet, en effet, malgré les injonc-
tions de son maître, élevant incidents sur incidents, les

'Lettre du prince de Condé aux deux députés des trois ordres ( Bossuet et Buncelin) envoyés à Stenai; Rocroi, 12 octobre, 1653. (Bibliothèque de Metz, carton 34o. — Registres des trois ordres, octobre, 1653,)

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