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tretenir quelque intelligence, le moindre soupçon en était puni de mort, sans rémission. Et nous, au contraire.. Ah, fidèles, n'achevons pas, épargnons un peu notre honte'. » Condé, malgré ces réticences de l'orateur, n'estpas ici venu s'offrir à la pensée de tous; Condé, premier prince du sang de France, et aujourd'hui généralissime des armées de l'Espagne, de l'Espagne en guerre avec la France depuis tant d'années; Condé, qui voudra un jour effacer dans son histoire les actions que Bossuet, confus, consterné, passe aujourd'hui sous silence dans son discours? « La charité nous manque (s'écriera-t-il une autre fois); de là vient que nous nous voyons, de tous côtés, déchirés de tant de factions différentes. Dieu, par une juste vengeance, nous fait ressentir les malheurs de mille divisions intestines 3. » « Que des peuples (dira-t-il encore), que des peuples qui se sont associés ensemble sous les mêmes lois et sous le même gouvernement, afin de se prêter un secours mutuet; que ces peuples se détruisent eux-mêmes par des guerres

1 Bossuet, Sermou pour le neuvième dimanche après la Pentecôte, préché à Metz, sur la bonté et la rigueur de Dieu à l'égard des pécheurs, Édition de Versailles, XIV, 305. - Voir aussi le 3o sermon de Bossuet, pour la Compassion de la Sainte Vierge, XIII, 202.

page 225.

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Voir la

2 Condé reçut, le 25 novembre 1652, des mains du comte de Fuensal dagne, le titre de généralissime des armées du roi d'Espagne. (Histoire du prince de Condé, par Pierre Coste,) Archives curieuses de l'Histoire de France, 2a série, t. VIII. Une déclaration du roi, qui le dénonçait criminel de lèse-majesté, rendue le 12 novembre 1652, fut vérifiée le 17 mai 1653 au parlement de Metz, Recueil des édits enregistrés au parlement de Metz [par Emmery], t. II, 431. Les 27 et 28 mars 1654 fut rendu et prononcé au parlement de Paris, le roi y séant en son lit de juŝtice, un arrêt qui condamnait ce prince à la peine de mort. ( Recueil des édits et ordonnances, publié par Isambert, t. XVII, 313.)

3 Bossuet, 2o sermon sur la Compassion de la Sainte Vierge, 1. XIII, 225-226.

sanglantes, cela passe à la dernière extrémité de la fureur '. >>>

A Metz encore, dans le Panégyrique de saint François d'Assise: « Vous dirai-je ici, chrétiens, combien est effroyable en une pauvre maison une garnison de soldats? Plût à Dieu que vous fussiez en état de l'apprendre seulement de ma bouche! Mais, hélas, nos campagnes désertes et nos bourgs misérablement désolés nous disent assez que c'est cette seule terreur qui a dissipé deçà et delà tous leurs habitants. » Tristes fruits de la guerre; « de la guerre, l'horreur du genre humain; le monstre le plus cruel que l'enfer ait jamais vomi pour la ruine des hommes 2. » En 1655, croyons-nous, Metz entendit ce Panégyrique, le 4 octobre, jour consacré à saint François d'Assise. Prononcé, sans nul doute, au plus fort de nos troubles civils, antérieurement à 1657, où le pays Messin, sans goûter encore les douceurs de la paix, n'était plus, du moins, dans l'état de désolation que Bossuet, témoin oculaire, a si bien su peindre, on y remarquera, d'ailleurs, cette indication qui paraît décisive Voyez (s'écrie le panégyriste), voyez avec quelle abondance Dieu a élargi ses mains sur nous par la fertilité de cette année! » Or, ces paroles, qui pourraient, il est vrai, convenir également et à 1655 et à 1656 (années d'abondance), devront, tout considéré, demeurer, comme il semble, à la première ; des actes

«

3

1 Bossuet, Pensées chrétiennes et morales, § XXXVI. De la guerre. (Ces pensées sont des fragments de sermons.) T. XV, 624.

Bossuet, Panégyrique de saint François d'Assise, XVI, 430.

3 L'année 1656, année d'abondance pour la France (Gui Patin, lettres d'août 1656). Le pays Messin fut favorisé, entre les autres. « En cette année 1656, on eut [ dans ce pays ] une grande abondance de blé et de vin, » Chronique mss. de David Ancillon, ministre de l'Église calviniste de Metz,) ( Bibliothèque de la ville de Metz. ) Dans le dictionnaire du com

Panegyrique de saint François

d'Assise, par prononcé à

Bossuet,

Metz le 4 oc

tobre 1633.

Panegyrique de saint

sans nombre attestant la présence de Bossuet à Metz dans tout le cours de cette année'; au lieu qu'au mois d'octobre de celle qui suivit nous le retrouverons dans la capitale, où, arrivé, dès la fin d'avril, il devait se voir retenu longtemps 2.

Dans Metz encore, la même année, croyons-nous, Bernard, Bossuet avait, le 20 août, rendu à saint Bernard un pade Metz, au reil hommage. Son panégyrique de ce saint fut

protecteur

douzième

siècle.

prononcé, quoi qu'il en soit, au plus fort de nos divisions, de nos troubles, de nos malheurs; et en un jour consacré à la gloire de Bernard, son panégyriste pourrait-il oublier que Metz, au douzième siècle, à la veille d'être envahie et saccagée, dut son salut à ce grand homme, habile à ménager, comme par miracle, une paix sans laquelle c'en était fait de tout le pays3 ? L'orateur, les regards fixés tristement aujourd'hui sur cette ville; affligé en son cœur de l'état critique où, depuis plusieurs années, elle se trouve encore, touché du péril non moindre pour elle à cette heure que lorsque, cinq siècles auparavant, le saint abbé, pour la sauver, accourut de Clairvaux tout exprès : « Puissante ville de Metz (s'écrie-t-il avec une émotion que trahit sa voix)! ô belle

merce et des marchandises; Paris, Guillaumin, 1841, grand in-8o, t. II, p. 1063, on voit que le blé, qui avait été vendu, en 1650, 33 fr. 10 sous, l'hectolitre; en 1651, 32 fr. 3 sous; en 1653, 16 fr. 19 sous; en 1654, 16 fr., ne coûta, en 1655, que 13 fr. 18 sous et en 1656 13 fr. 3 sous. 1 Bossuet, en 1655, siégea à l'assemblée des trois ordres les 16 et 27 septembre. (Registres des trois ordres de Metz.)

2 Registres de la Faculté de Théologie de Paris, octobre, novembre 1656.

3 De Vità sancti Bernardi, Abbatis, auctore Gaufrido, monacho ClaræVallensi, lib. V, cap. I. (Au 2o tome des OEuvres de saint Bernard, édition du P. Mabillon; 1690, in-fol. col. 1 149 1150.) —— Adrien Baillet, vies des Saints, 20 août, Saint Bernard, no XXXIX. Histoire de Metz, par des religieux bénédictins; 1775, iu-4o, t. II, 275.

et noble cité, il y a longtemps que tu as été enviée. Ta situation trop importante t'a presque toujours exposée en proie; souvent tu as été réduite à la dernière extrémité de misère. Mais Dieu, de temps en temps, t'a envoyé de bons protecteurs. » Invoquant ici, en effet, les antiques annales de ces contrées, après qu'il a peint la détresse des Messins au temps où le comte de Bar, Renaud II, venait de les vaincre à Thirey '; après qu'il a rappelé l'éclatant miracle par lequel saint Bernard, en cette rencontre, sauva Metz sur le penchant de sa ruine, « ô ville si fidèle et si bonne (s'écrie le panégyriste), ne veux-tu pas honorer ton libérateur? Et vous, ô pieux Bernard, nous vous demandons votre secours et votre médiation, au milieu des troubles qui nous agitent! O vous qui avez tant de fois désarmé les princes qui se préparaient à la guerre, vous voyez que, depuis tant d'années tous les fleuves sont teints, et que toutes les campagnes fument, de toutes parts, du sang chrétien! Les chrétiens, qui devraient être des enfants de paix, sont devenus des loups insatiables de sang.......... Priez Dieu qu'il nous donne la paix; qu'il donne le repos à cette ville, que vous avez autrefois chérie 2! » Composé pour Metz (Bossuet l'a déclaré lui-même), ce panégyrique de saint Bernard fut prononcé, croyons-nous, dans l'abbaye du petit Clairvaux, fondée à Metz par le saint abbé, lorsque ce grand homme, en 1153, y était venu ménager la mémorable paix qu'on a vue 3.

Thirey, village qui existait autrefois, près de Pont à Mousson, mais que les guerres du seizième siècle ont fait disparaitre, et dont il ne reste plus qu'un lieu appelé Vitrey, petite ferme. (Dictionnaire statistique du département de la Moselle, par E. Gironcourt; Lunéville, 1836, in-8o, 1. II, 457.)

› Bossuet, Panégyrique de saint Bernard, t. XVI, 435-36.

3 Chroniques mss. de Metz, par Philippe de Vigneules, t. I, folio 190,

Saint Bernard était cher à

Bossuet.

Saint Bernard, entre les autres héros dont s'enorgueillit l'Église, était cher au cœur de Bossuet, enfant de Dijon, lui aussi, fier d'avoir avec ce saint une commune patrie, et exact religieusement à honorer chaque année sa mémoire, le 20 août, jour où l'Église célèbre sa fête. Toujours il devait affectionner l'ordre de Citeaux, dont plusieurs parents, de son nom, avaient embrassé la règle; toujours aussi, avec une prédilection notoire, il se devait intéresser à l'abbaye de Sainte-Marie Abbaye de de Metz (dite du petit Clairvaux), dernière fondation de (Petit Clair saint Bernard, qui, après qu'il l'eut consommée, à la Metz, fondée suite de cette mémorable pacification qu'on a vue, était Bernard. retourné au grand Clairvaux, où presque aussitôt

Sainte-Marie

vaux), à

par saint

Bossuet prononce l'o

sonna sa dernière heure. 2

Bossuet, d'ailleurs, avait trouvé, à Sainte-Marie de Metz, une abbesse, très-âgée, dont le mérite rare, la Madame de piété éminente, l'habileté dans le gouvernement lui

raison fu

nèbre de

Monterby,

abbesse du petit Clair

vaux

citées

par les Bénédictins, auteurs de l'Histoire générale de Metz; 1775, (déc. 1656). in-4o, t. II, 278. — Gallia Christiana, t. XIII, col. 835. - Histoire des évêques de Metz, par Martin Meurisse; 1634, in-fol. pages 398-99 Essai de l'histoire de l'ordre de Citeaux, par Dom Pierre Le Nain; Paris, 1696, in-12, t. IV, 214.

Mémoires mss. de l'abbé Le Dieu, et Journal mss, du même.

2 Adrien Baillet, Vies des saints, 20 août. Vie de saint Bernard, no XXXIX. — Histoire générale de Metz, par les religieux Bénédictins; Metz, 1775, in-4o, t. II, 278. Ce monastère existait encore en 1740, époque où lui furent donnés par le roi les biens de l'abbaye (supprimée) de Pontiffroy, « Les religieuses de Clairvaux, s'étant mises sur le pied de chanoinesses, ne recevoient depuis longtemps que des filles nobles, et ne gardoient plus de clôture. Leur maison fut supprimée en 1759, et leurs biens réunis à l'hôpital de Saint-Nicolas. » Recueil des édits enregistrés au parlement de Metz [par Emmery ], tome V (imprimé en 1788, in-4o ), p. 222, en note. Dès le temps où Bossuet prononça l'oraison funèbre d'Yolande de Monterby, les Bernardines du petit Clairvaux étaient, sans contestation, considérées comme chanoinesses; car, dans ce dernier discours, Bossuet parlant d'elles, dit toujours : ces dames; et, s'adressant à elles, leur dit: mes dames.

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