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inspirèrent une vénération singulière. Le noble nom de Monterby, illustre dans la Lorraine et dans les trois évêchés, ne sera mentionné ici qu'à cause de trois abbesses qui le portèrent, appelées successivement à régir le monastère des Bernardines de Sainte-Marie de Clairvaux de Metz Huguette, la première, décédée en 1629; sa nièce Christine, morte en 1697 '; nous n'aurons point, ici, a nous préoccuper d'elles, mais seulement d'Yolande, sœur de la première, tante de la seconde. Abbesse quelque temps d'un autre monastère 2, après qu'en mars 1629 Huguette de Monterby, qui, en dernier lieu, avait régi le petit Clairvaux, eut fermé les yeux, Yolande, sa sœur, lui succéda dans le gouvernement de cette abbaye, qu'elle devait, vingt-sept ans durant, diriger avec édification, bonté, habileté tout ensemble. Encore qu'elle fût àgée de quatre-vingt-dix ans, le 14 décembre 1656, jour de sa mort, Christine, sa nièce, coadjutrice longtemps avec future succession (1642) 3, ne lui avait pu succéder, à proprement parler, que vers la fin de l'année précédente (1655); la vieille abbesse, à cette époque seu

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1 Manuscrit de la Bibliothèque de Metz Recueil in-fol, des épitaphes de Metz, p. 181. Dom Dieu-Donné, auteur de ce recueil, a fait ici une méprise, que notre récit corrige.

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Le Gallia Christiana, t. XIII, col, 835, est plein sur cela d'inexactitudes. Nous rectifions, d'après les pièces authentiques, qui sont sous nos yeux.

Registres des arrêts civils, sur rapports, du parlement de Metz, arrêt du 30 juillet 1643, p. 178 vo, et 179.

3 Dès 1636, tout était sur cela consommé en France, les religieuses da petit Clairvaux ayant postulé Christine de Monterby pour coadjutrice de leur abbesse; le général de l'ordre de Citeaux ayant par un brevet confirmé cette élection en coadjutorerie; et le parlement de Metz ayant, par un arrêt du 27 juillet 1636, entériné ce brevet. Toutefois en 1642, seulement, le 10 des calendes d'octobre, le pape Urbain VIII accorda à Chrétienne (ou Christine) de Monterby des bulles de coadjutorerie, avec future succession. ( Archives judiciaires de Metz. Deuxième registre des priviléges ecclésiastiques, fol. 154 et suiv.)

lement, s'étant pu décider à lui remettre enfin sa crosse, qu'elle avait voulu conserver, et qu'elle sut tenir jusque-là d'une main ferme toujours'; aimée comme une mère par toutes ces dames de Clairvaux, obéie d'elles, au premier mot; c'était enfin un insigne modèle de capacité, de piété, de bonté intelligente, de résolution tout ensemble. Aux religieuses de l'abbaye du petit Clairvaux, lorsqu'y eurent lieu, bientôt, les obsèques de l'abbesse nonagénaire, Bossuet aurait-il pu refuser d'être l'interprète et de leur douleur et de celle qu'il ressentait lui-même! C'était une consolation pour lui, et tous ses auditeurs le comprirent, d'avoir été appelé à bénir «< cette vieillesse vraiment vénérable, cette longue vie, si saintement, si utilement remplie ; » à honorer la noble femme, «< humble dans ses actions, humble dans ses paroles, qui s'était toujours plus glorifiée d'être fille de saint Bernard que de tant de braves aïeux célébrés dans les histoires. » Si donc il la glorifie avec une effusion

Yolande de Monterby, à l'arrivée des bulles de coadjutorerie (pour sa nièce), du 10 des calendes d'octobre 1642, avait donné une première démission de son abbaye, le 2 novembre 1642; et, par un arrêt du 18 novembre même année, le parlement de Metz permit à Christine, nièce d’Yolande, de prendre possession. (Deuxième registre des priviléges des Ecclésiastiques du ressort du parlement de Metz, folio 154 et suiv.-Archives de la cour de Metz.) Mais ceci, selon toute apparence, n'étant que de forme, et Christine n'ayant point pris possession alors, pour laisser à Yolande, sa tante, la pleine autorité dans le monastère, celle-ci, en 1655, âgée de quatre-vingt-neuf ans, voulut résigner définitivement sa dignité ; et par arrêt du 16 novembre 1655 le parlement de Metz autorisa Christine à prendre réellement possession de l'abbaye, Christine, à l'audience du 18 novembre 1655, prêta devant le parlement serment de fidélité. (Registres secrets du parlement de Metz, 16 et 19 novembre 1655.)

2 De quel monastère Yolande de Monterby avait-elle été abbesse? Tous les éditeurs des OEuvres de Bossuet, jusqu'ici, ont reconnu l'inutilite de leurs efforts pour le découvrir (Dom Déforis, t. VIII, de son édition, in-4° des OEuvres de Bossuet (1778), p. 292. Les éditeurs de Versailles, t. XVII, p. 593, note.) — Désormais le problème est résolu,

dont on est touché, ce sera surtout parce que, « dès ses années les plus tendres, la crainte de Dieu fut son guide, la prière son occupation, la pénitence son exercice, la charité sa pratique la plus ordinaire, le Ciel tout son amour et son espérance. » Il regrettait (on le put comprendre) ces pieux entretiens où tant de fois il lui avait été donné d'entendre la vénérable abbesse « parler de Dieu avec une affection si sincère, qu'il était aisé de connaitre que son âme versait sur ses lèvres ses sentiments les plus purs et les plus profonds'. »

nonce, au

vaux, plu

sicurs ser

mons de vélure.

La voix de Bossuet se devait, plusieurs fois, faire Bossnet proentendre au petit Clairvaux, dans des professions Petit Clairet des vêtures. Les sermons prononcés par lui à SainteMarie, en ces rencontres, regardent des filles qui, nées au milieu des splendeurs, les plaisirs du monde s'offrant à elles avec toutes leurs séductions, leur avaient résolûment préféré le cloître. La première est d'une famille noble, opulente, alliée à tout ce que le pays Messin a de de plus illustre, et où la probité luit de toutes parts; ses aïeux se signalèrent dans les postes les plus élévés du royaume. Mais l'esprit solide de la jeune vierge « ne s'est point laissé éblouir au faux brillant que jette aux yeux la grandeur humaine. » Bossuet l'en félicite; et, désireux de l'affermir encore : « Songez que les soins, les inquiétudes, le dépit, le chagrin ne laissent pas souvent de nous dévorer sous l'or et sous les pierreries; et que le monde est plein de grands et illustres malheureux, que tous les hommes plaindraient si l'ignorance

1 Bossuet, Oraison funèbre de Mme Yolande de Monterby, XVII, 593 et suiv. Nous avons établi 1o que Yolande de Monterby était abbesse de Sainte-Marie (le petit Clairvaux) à Metz; 2o que cette abbesse mourut, en 1656, le quatorze décembre; deux points que n'avaient éclairci jusqu'à ce jour ni les éditeurs de Bossuet ni ses biographes.

Sermon de véture, au

et l'aveuglement ne les faisaient juger dignes d'envie. Le monde vous offrait des fleurs; mais le moindre vent les aurait séchées '! »

A Sainte-Marie de Clairvaux, une autre fois, se prépetit Clair- sentera, demandant le voile, la fille du premier prési28 août 16... dent d'un des plus grands parlements du royaume.

vaux,

La pourpre, dans cette famille, brille de toutes parts; même les sceaux de France naguère y resplendirent avec un vif éclat; plusieurs furent honorés des premières dignités de l'ordre de Saint-Jean de Jérusalem. Que serait-ce encore! Une mère très-tendre et très-chérie n'épargna aucun effort pour empêcher sa fille bien-aimée de se séparer d'elle. La voilà toutefois qui va dire un éternel adieu au monde; et la vocation si notoire, si manifeste d'une telle postulante étant propre, plus que tous les discours, à affermir tant de pieuses recluses qui l'ont devancée dans la carrière, c'est à elles surtout que Bossuet aujourd'hui adressera la parole, leur montrant tout ce qu'a eu à vaincre cette nouvelle compagne pour se venir cacher avec elles dans le cloître. Il étalera, d'abord, avec une sorte de complaisance, ces éblouissants insignes de la chevalerie et du palais, auxquels la postulante préféra une vie ignorée; et qui, mieux que lui, jamais, avait su peindre les grandeurs du monde? Mais attendez; il n'en a fait tant de montre que pour dire, à la fin, avec plus d'autorité, plus d'empire, que « tout cela ne sert de rien; que quitter ces splendeurs pour le cloitre, c'est s'élever, bien loin de descendre; et cette jeune fille l'ayant su sentir, la tendresse d'une bonne mère n'a pas été capable de la rappeler aux douceurs de ses embrassements; elle a

1 Bossuet, 1o sermon pour la vêture d'une postulante bernardine, XVII, 46 et suiv.

surmonté les obstacles que la nature tâchait d'opposer à sa généreuse résolution; et l'alliance spirituelle qu'elle a contractée avec vous, mes sœurs, par le Saint-Esprit, a été plus forte que celle du sang. Elle préfère la blancheur de saint Bernard', à l'éclat de la pourpre dans laquelle nous pouvons dire qu'elle a pris naissance; et la pauvreté de Jésus-Christ lui plaît davantage que les richesses dont le siècle l'aurait vue parée. Ni vos grilles ni votre clôture ne l'étonnent pas. » Parlant de la fausse liberté du siècle qu'il compare à la liberté véritable dont jouissent les enfants de Dieu, une pensée l'est venue

vivement préoccuper.

2

Pour cette action avait été choisi le 28 août, jour consacré à saint Augustin, dont la fête, chaque année, se célébrait, dans ces temps-là, avec solennité. En ce jour où, par tout le monde chrétien, le nom révéré de l'évêque d'Hippone retentit glorieusement dans toutes les églises, n'en rien dire serait un trop pénible effort pour le cœur du pieux archidiacre de Metz, si affectionné à ce docteur. Mais dans ce parallèle de la vraie liberté et de la fausse, objet principal de son discours, le moyen de ne parler pas d'Augustin, indécis longtemps et perplexe entre ces deux libertés ! L'orateur, donc, après qu'il aura adjuré les personnes du monde de lui dire ce qu'elles pensent de leur liberté, au prix de celle dont on jouit dans le cloitre, invoquant un pontife, dont l'exemple, dont le témoignage lui ont

I

« Les dames de l'abbaye de Sainte-Marie de Clairvaux de Metz portent un habit de fine serge blanche, fait comme celui des dames séculières; et, au chœur, un long manteau, doublé d'hermine. » Ms. histoire abrégée de Metz, Biblioth. de Metz, petit in-fol., no 49 des manus

crits.

1 Bossuet, Sermon pour la vêture d'une postulante Bernardine, t. XVII, 46 et suiv.

Paroles de

Bossuet relatives à

saint Au

gustin.

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