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tembre, l'heure où le nouveau-né vint à la lumière, je ne sais quel secret mouvement l'excitant, il se sent pressé d'y écrire aussi, en témoignage de la ferme confiance de son cœur, ces paroles du cantique si touchant qu'il lisait avec tant d'attendrissement tout à l'heure : « Dominus... circumduxit eum, et docuit, et custodivit quasi pupillam oculi. » Le Seigneur l'a daigné guider en tous lieux, prenant soin de lui enseigner sa loi, le conservant comme la prunelle de son œil '. Vou touchant qui, s'élançant d'un cœur si pur, a été agréé aussitôt; favorable prédiction que l'on verra s'accomplir. Qui jamais, en effet, plus manifestement que Bossuet, fut protégé même jour. de Dieu et comblé de ses dons avec plus de magnificence? Le jour même de sa naissance (27 septembre 1627), l'enfant est porté à l'église collégiale et paroissiale de Saint-Jean, tout près de là 2. « Le pieux aïcul l'a voulu tenir sur les fonts, et, avec le nom de Jacques, qui est le sien, lui donner celui de Bénigne, que porte

1 Deuteronome, cap. XXXII, 10, 11.

2 Jacques-Bénigne Bossuet fut baptisé en l'église Saint-Jean de Dijon, le vingt-sept septembre 1627, et non le vingt-neuf, comme l'a dit le cardinal de Bausset, Histoire de Bossuet, liv. I, no 1; comme, à tort, Bossuet lui-même le croyait et l'a dit souvent, Bossuet, dans sa lettre du 4 août 1692, à Mme Cornuau, dit par erreur qu'il avait été baptisé le vingt-neuf septembre, jour de Saint-Michel. Le vingt-neuf septembre, tous les ans, il célébrait la messe, en commémoration de son baptême, dont, par erreur, il crut toujours que c'était le jour anniversaire. ( Journal ms, de l'abbé Le Dieu, 29 septembre 1700, 29 septembre 1701, 29 septembre 1702.) A tort également, dans une inscription placée au frontispice de la maison où naquit J.-B. Bossuet (place Saint-Jean à Dijon ) on annonça qu'il était né le vingt-huit septembre 1627. Voici l'acte de baptéme, copié par moi à Dijon, d'après le registre de la paroisse de Saint-Jean, très-lisiblement écrit: Lingt-sept septembre 1627: Jacques-Bénigne, fils de noble M. Bénigne Bos suet, advocat en parlement, et de damoiselle Marguerite Mochet, baptisé le vingt-sept septembre. Son parrain: Jacques Bossuet, conseiller du roy en son parlement de Bourgogne ; la marraine damoiselle Marie des Burres, femme de M. de Frasans, greffier aux finances. A MÉNAGER. »

Bossuet bap

tisé le

Jacques-Bénigne est

sainte Vierge dans la cha

D. d'Étang.

le père. Le vieux chrétien prononce d'un ton ferme la
profession de foi, pour son petit-fils. Ces solennelles pa-
roles: JE CROIS, « formule antique, sainte et vénérable'
(ainsi Bossuet devait lui-même en parler dans la suite),
ont, cette fois, exprimé tout ensemble et les intimes sen-
timents du vieillard et ceux auxquels le nouveau-né
vouera sa vie tout entière. Puis, le ministre des autels,
à son tour, prenant la parole: « O Dieu tout-puissant (dit-
il), Dieu, source de toute vérité, daignez éclairer cet
enfant de vos lumières, lui donner de vous connaître,
de vous aimer, le purifier, le sanctifier, lui départir la
science véritable, faire qu'il soit ferme dans l'espérance,
que ses vues soient droites, que sa doctrine soit sainte2 » !
Et les paroles du cantique de Moïse, qu'inscrivit sur
son Journal, l'aïeul du nouveau-né, et celles du prêtre
au baptistère de Saint-Jean, quand on songe à ce que
cet enfant un jour devait être, ne semblent-elles pas
des prophéties plus encore que des prières?

La pieuse mère de Jacques-Bénigne (il est doux de voué à la croire une tradition venue jusqu'à nous) l'avait, avant pelle de N qu'il fût né, voué à Marie, promettant d'aller, aussitôt que ses forces le lui pourraient permettre, renouveler son vœu en personne à la chapelle de Notre-Dame d'Étang, antique et célèbre pèlerinage à deux lieues de Dijon. Et voyez, à peu de temps de là, voyez la géné

1 Bossuet, Réflexions sur un écrit de M. Claude, troisième Réflexion, t. XXIII, 360 (édit, de Versailles).

2 Manuale sacerdotum curam animarum habentium, quod vulgariter nuncupatur : Eandes, in diœcesi Lingonensi, jussu illustrissimi D. D. d'Escars; Divione, 1612, fol. 5, verso.

3 Non loin du village de Velars-sur-Ouche (Histoire de Nostre-Dame d'Estang, par le P. Basile Bordes, prêtre et ermite en la mesme chapelle; Dijon, 1632, in-12.-Description générale et particulière du duché de Bourgogne, par Cl. Courtépée, 7 vol. in-8o, 1774-85, t. II, 524.)

reuse chrétienne qui, accompagnée de tous les siens, gravit, pleine de foi, de courage, l'âpre et rude MontAfrique, suivant avec émotion, espérance et joie les traces qu'y laissèrent le saint évêque François de Sales et la bienheureuse Françoise Frémyot de Chantal, venus là anciennement, de bien loin, tout exprès; celles de tant de prélats, de princes, de rois, de fidèles qu'on y vit autrefois; combien d'autres encore y viendront dans la suite, à leur exemple! Les religieux minimes attendaient la pieuse famille l'enfant est présenté à la mère de Dieu, à qui il fut promis, et qui l'agrée 2.

Bossuet alla à NotreDame d'E

Dauphin, fils

de Louis XIV.

Cette haute montagne, si escarpée, cette humble En mai 167, chapelle de Notre-Dame d'Étang reverront (en mai 1674) Jacques-Bénigne, évêque de Condom alors et Reine et le précepteur du dauphin de France; elles le verront présentant à Marie son royal disciple, qu'a accompagné la reine Marie-Thérèse. Le saint engagement qu'une pieuse et tendre mère contracta pour lui en ces lieux, comme à peine il venait de naître, Bossuet, parvenu à sa quarante-septième année, l'a voulu venir renouveler ainsi en personne. Marguerite Mochet, dans ses préoccupations pour son dernier né, lui aurait-elle pu trouver et une plus solide protection et un plus sûr asile? « C'est (devait dire dans la suite Bossuet

Description générale et particulière du duché de Bourgogne, par Courtépée, t. II, 9.

2 Ce fait est raconté dans le livre Année de Marie, ou Pèlerinages aux sanctuaires de la mère de Dieu, par MM. D... (Dupont), et B... ; Tours, 1842, t. I, 248 et suiv. — M. Dupont, dans une réponse qu'il voulut bien me faire, le 22 nov. 1845, expose les motifs qui le portèrent à admettre ce fait, et ils m'ont paru de nature à autoriser son récit,

-

3 Histoire de la découverte miraculeuse de Notre-Dame d'Étang, par le P. De Joux, provincial des Minimes du duché de Bourgogne; Dijon, Augé, 1726, in-12, p. 88, 95.

Marguerite Mochet, mère

Sa piété, sa

lui-même), c'est un grand avantage d'être consacré à Dieu par des mains saintes et innocentes '. » Put-il,

en parlant ainsi, ne se souvenir point de sa mère et du vou fait, en 1627, à Notre-Dame d'Étang?

Remplie de la foi la plus solide, de la charité la de Bossuet. plus ardente, prête à tout sans cesse pour Dieu, pour charité. les siens, pour les pauvres, pour les affligés, pour les malades; la première chaque jour là où gémissaient l'indigence, le malheur, la souffrance; telle, depuis ses premières années jusqu'à la tombe, Marguerite Mochet se montra toujours; et dans ses desseins sur Bossuet, admirez quelle mère Dieu lui avait donnée ?! « Réjouissons-nous (lui-même un jour le devait dire), réjouissons-nous non point de l'éclat de notre famille, mais qu'elle ait été pleine d'édification et de bon exemple, une vraie école de religion où l'on apprît à servir Dieu et à vivre dans sa crainte 3. » Touchant souvenir des vertueux parents au milieu desquels il lui avait été donné de naître, de passer les premières années de

1 Bossuet, Précis d'un sermon pour la Nativité de la sainte Vierge, t. XV, 165 (édit, de Versailles).

"

* Le parlement de Metz, qui assistait de ses aumônes les familles néces șiteuses, en avait confié la distribution à la mère du grand Bossuet (Marguerite Mochet) et à l'épouse de l'avocat général Louis Fremyn (née de Pullenoy). M. Du Fresne, conseiller de préfecture à Metz, possède un mandement de cette cour souveraine (du 11 décembre 1644), pour enjoindre au receveur des amendes de remettre à mesdames Bossuet, conseillère, et Fremyn, advocate générale, une somme de 97 fr. à distribuer aux pauvres honteux de Toul. » Au dos de ce mandement est le reçu de ces deux dames (14 décembre 1644), signé : M. Mochet, et J, de Pullenoy (épouse de l'avocat général Fremyn). Au registre secret du parlement de Metz, sous la date du 13 décembre 1644, il est fait mention de cette aumône et des deux dames distributrices.

3 Bossuet, Elévations sur les mystères, XX semaine, élévation »^, 1. VIII, 469 (édit, de Versailles),

sa vie! Cette famille si digne de lui, connaissons-la, pour le mieux connaître lui-même.

3

C'est dans une petite ville de Bourgogne, Seurre (appelée Bellegarde aujourd'hui '), qu'il convient d'en aller chercher l'origine. A Seurre, dans la place de l'Estaple 3, on remarquera tout d'abord la vaste et antique maison des Bossuet, avec cette inscription: faict, 1507, gravée au frontispice de leur demeure, à l'époque même où ils la firent édifier . Dans un vieux cartulaire de la ville de Seurre, commencé en 1357, est mentionné (en 1460) un Jacques BOUSSUET (Bossuet), nommé aussi ROUYER, et reçu cette année même bourgeois de la ville. Après quoi, figurent jusqu'en 1549, à toutes les pages de ce registre, des Boussuet (Bossuet), bourgeois et communs de Seurre, tous ou la plupart drapiers de père en fils". En 1517, honorable homme el sage ÉTIENNE Bossuet,

En 1619, Seurre fut érigée par Louis XIII en duché-pairie, sous le nom de Bellegarde, en faveur de Roger de Saint-Lari de Termes et de Bellegarde. Les lettres d'érection furent enregistrées en 1620. (Description historique et topographique du duché de Bourgogne, par Courtépée et Béguillet, t. IV, p. 584.)

2 Courtépée et Béguillet l'avaient dit, dans la Description du duché de Bourgogne, t. IV, 590. Mais M. Baudot, de Dijon, l'a démontré sans réplique, dans sa lettre à M. Cl. Xavier Girault, d'Auxonne, au sujet de sa Notice historique sur les aïeux de Jacques-Bénigne Bossuet, et de sa patrie d'origine; Dijon, 1808, in-8°, p. 15 ( M. Girault s'était efforcé d'établir, dans sa Notice, que la famille Bossuet était originaire d'Auxonne, M. Baudot prouve qu'elle est originaire de Seurre. La Notice de M. Girault a 15 p. in-8°; la Lettre de M. Baudot en a 16. La Notice et la Lettre ont été imprimées à Dijon, chez M. Frantin,)

3 Estaple, marché. (Dom Carpentier, supplément au glossaire de Ducange, au mot: Estapla,)

4 Lettre de M. Baudot, déjà citée.

5 Registre sur parchemin, le plus ancien de l'hôtel de ville de Seurre, commençant en 1357, finissant en 1626. Je l'ai compulsé à Seurre, ca 1845.

6 Exceptons François BoussUET, docteur en médecinc, médecin à

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