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l'avait écrit en français, le destinant surtout à l'instruction de la jeunesse calviniste; et, quoique réimprimé, en 1656, à Genève, ce livre, assurément, ne se trouva jamais entre les mains de l'abbé Goujet, de dom Tabouillot, en celles de dom Calmet, ni de Courtépée; ces auteurs en parlant comme d'un livre latin, et en ayant même indiqué le titre dans cet idiome '.

Ferri, dans ce Catéchisme, prolixe et languissant à l'excès, ayant eu à cœur d'établir cette thèse : Qu'on avait pu anciennement faire son salut dans l'Église catholique romaine, mais que, absolument, on ne l'a pu faire depuis la réforme, surtout après l'année 1543, alléguait en preuve les faibles raisons que nous rapporterons tout à l'heure. Et certes, une telle assertion dut surprendre après ce qu'on avait vu arriver lors de l'abjuration de Henri IV. L'histoire en est connue, tant par Sully, si bien informé, que par Bossuet, à qui l'avaient souvent racontée des seigneurs de la cour et les fils des compagnons d'armes du Béarnais. Car, à ce prince, en recherche de raisons décisives soit pour abjurer, soit pour tenir ferme dans sa communion, le clergé catholique déclarant alors, tout d'une voix, qu'il n'y avait de salut à espérer que dans la seule Église romaine; tandis que les plus habiles et les plus sincères ministres calvinistes (confessant « qu'on se pouvait sauver dans l'Église romaine) » se bornèrent à prétendre, seulement, que « l'état était plus parfait dans la Réforme, » Henri IV, sur cela, n'avait-il

Histoire générale de Metz, par des religieux bénédictins; Metz, 1775, in-4o, t. III, 142. · Dom Calmet, Bibliothèque lorraine, article: Ferri (Paul). Essai sur les commencements de la typographie à Metz, par Teissier; Metz, 1828, in-8°, p. 92. L'abbé de Courtépée, Encyclopedic, article: Metz. Bibliothèque française, par l'abbe Goujet, t. Xvu,

167, 170.

L'ouvrage de

rempli d'al

fausses et

tions

justcs.

pas dû se décider, comme il fit, pour le parti le plus sûr'? Après ce mémorable aveu d'hommes choisis parmi Ferri les plus éminents de la communion de Calvin, Ferri légations venant, en son prêche, d'abord, puis dans un livre desd'imputa tiné à la jeunesse et au peuple, professer sans détour la dure exclusion qu'on a vue, déjà sans doute il y avait lieu d'en être surpris. Mais, comme, de plus, pour établir ce système si rigoureux, force avait été d'imaginer, dans la croyance catholique, des variations qu'on ne lui saurait équitablement imputer; dénaturer la doctrine que professe notoirement l'Église romaine; y supposer des innovations qu'on n'y vit jamais; des pratiques idolâtres qu'elle abhorre; exagérer, ou même inventer des abus, et prodiguer les subtilités; le vieux ministre, préoccupé qu'il était de ses préjugés, et sa prévention, sur cela, étant poussée à l'excès, ne s'en était point fait faute; et dans son livre se trouveront entassées pêle-mêle des accusations sans fondement, des suppositions gratuites, des équivoques peu dignes de la sincérité, de la candeur qu'en lui, jusqu'ici, tous s'étaient plu à reconnaître. Et, cependant, ô pouvoir de la vérité! dans cet ouvrage, suggéré par un zèle si immodéré pour le calvinisme, étaient échappés à la conscience du candide Ferri quelques aveux décisifs contre la Ré forme, et qui, eux seuls, allaient suffire à renverser de fond en comble le système échafaudé à grands frais par ce ministre.

Le 2 février 1655, Bos

suet, à Metz,

parle du

Combien, lorsqu'eut paru ce Catéchisme, Bossuet, en chaire, dès la première lecture, en fut blessé et surpris, quelCatéchisme se ques mots qu'il ne put se défendre d'en dire en chaire l'avaient déjà bien fait connaître. C'était le 2 février 1655,

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Bossuet, 3o Avertissement aux protestants, § XVI. Il cite les Memoires de Sully, chap. 38.

1

jour de la Purification, dans un sermon prononcé à Metz pour la vêture d'une nouvelle catholique; et où s'attaquant à la Réforme, entraîné qu'il y était par la conjoncture, « l'hérésie (devait-il dire) enseigne que l'Église, la vraie Église, n'est pas infaillible; elle enseigne que l'Église peut errer; elle enseigne que l'Église a erré souvent; le ministre de cette ville l'a prêché, et l'a écrit de la sorte... » Ce ne sera point là le dernier mot de l'archidiacre de Sarrebourg sur cette nouvelle production de l'imprudent ministre. Non moins prompt à apercevoir tous les endroits faibles de l'ouvrage qu'à s'indigner des offenses qu'y recevait la vérité, il s'était promis d'y répondre par une réfutation sans réplique. Ce travail devait même dès lors (2 février 1651) être très-avancé, sinon terminé tout à fait; puisqu'en avril, et deux mois seulement après le sermon de vêture qu'on a vu, le suffragant de Metz, Pierre Bédacier (à qui fut soumise cette Réfutation en manuscrit), la devait autoriser par une Approbation 2, à laquelle nous reviendrons dans la suite.

Sentiment
Bossuet à

qui excita

entreprendre Refuta

la tion du

Agé de vingt-sept ans seulement lorsqu'il ne craignit pas d'entreprendre, contre un ministre septuagénaire et d'un si grand renom, cette Réfutation, le premier de ses ouvrages, Bossuet était bien éloigné néanmoins Catéchisme. d'obéir en cela à un vain besoin de paraître et au puéril désir de prendre rang parmi les auteurs; sentiments vulgaires que ne connut point sa grande âme, que même elle ne comprit jamais, « ne pouvant s'ex

Bossuet, Sermon prêché à la vêture d'une nouvelle catholique, le jour de la Purification [en 1655, évidemment; et le 2 février de cette année].

2 Cette Approbation de l'évêque d'Auguste fut donnée, à Metz, le 15 avril 1655.

pliquer (disait-il ) qu'on écrivit pour le plaisir d'écrire, pour le plaisir d'être auteur'. » Mille fois on le devait entendre tenir ce langage 2; et à vingt-cinq années de là se rendant ce témoignage, que « jamais il n'avoit mis la main à la plume que pour défendre l'Église, qui dans le monde entier eût pu songer à le dédire? Mais dans ce catéchisme, qui faisait bruit, la religion catholique ayant été si étrangement défigurée ; et voyant quels indignes déguisements on n'avait pas craint d'y offrir à la crédulité des calvinistes du pays messin, afin de la leur rendre odieuse de plus en plus, << avec quelles larmes déplorerons-nous ( s'écriait-il) la misère de tant de pauvres âmes séduites, qui sont aliénées, par cet artifice, de l'Église où leurs pères ont servi Dieu et du vrai chemin de la vie! C'est ce qui me touche jusqu'au vif; c'est ce qui me fait oublier ma propre faiblessè, pour exposer, en toute simplicité, à nos frères malheureusement abusés, la véritable doctrine de la sainte Église, que leurs ministres tâchent de leur rendre horrible. » Exposer (lui-même il vient de le dire), exposer la véritable doctrine de l'Église, la montrer tout autre que ne l'ont représentée les ministres; c'est ici uniquement ce que Bossuet avait à cœur, s'essayant dès lors à cette fameuse Exposition que déjà il médite, et dont à quinze ans de là la publication viendra étonner le monde. Préludant aujourd'hui à ce chefd'œuvre, «< mon dessein principal (dit-il ) n'est pas tant de disputer et de contredire que d'instruire nos frères

Mémoires mss. de Le Dieu.

› Bossuet, Traité de la Concupiscence.

3 Bossuet, Lettre à l'abbé son neveu, 6 avril 1699, t. XLII, 415. Bossuet, Refutation du catéchisme de Ferri. Entrée en discours et proposition du sujet.

errants de la pureté de notre créance, qu'on leur a déguisée par tant d'artifices. >>

Plan de la

du catéchisme.

Deux proétablies par ruinent à

positions

Bossuet

fond cet

ouvrage.

Ferri venant de provoquer ainsi le catholicisme, Bos- Refutation suet a généreusement accepté le défi. Dans cette lutte contre l'âge, contre l'expérience, contre le savoir, que pourrait-il craindre, protégé qu'il est par la vérité, qui l'a fourni d'invincibles armes et dont le bouclier le va couvrir? Autant l'attaque fut irréfléchie, téméraire, autant aura été méditée et sera irrésistible la défense. A l'imprudent agresseur de sa communion il saura prouver sans réplique que « non-seulement le salut se trouve dans l'Église catholique, mais qu'il ne le faut point chercher ailleurs; que surtout on ne le saurait espérer dans la réforme. » Et ces vérités, ô merveille! seront établies, moins par Bossuet, comme il semble, que par Ferri lui-même, par Ferri, qui eut la témérité de les nier. Des principes qu'a posés ce ministre, des vérités qu'il lui a bien fallu confesser, vont, par les plus légitimes conséquences, jaillir et resplendir manifestes ces deux propositions, résumé de tout l'ouvrage de l'habile archidiacre de Metz 1° On peut se sauver dans l'Église catholique; 2o On ne le peut dans l'Église réformée. Que dans l'Église romaine se pût aujourd'hui, comme autrefois, trouver le salut, Ferri, qui le niait dans une des pages de son Catéchisme, l'avait implicitement établi dans une autre où, après avoir dit que « le fondement de la foi consiste à n'attendre le salut que de JésusChrist seul et des seuls mérites de Jésus-Christ,» il avait ajouté que « celles-là ne peuvent damner, qui laissent entier le fondement de la foi, c'est à savoir: l'espérance aux seuls mérites de Jésus-Christ » ainsi qu'on vient de le

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