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pense en ce monde. Il a crié à Dieu, dans l'affliction et dans la douleur; lorsque sa main s'est appesantie sur lui, il lui a fait un sacrifice des douleurs qu'il lui envoyait. »

Dans cet illustre guerrier, célèbre par tant de victoires, dans ce gouverneur, bon, désintéressé, bienfaisant; dans ce grand seigneur, en butte à tant de peines d'esprit et de corps, dans ce chrétien si pieux, si rudement éprouvé, si charitable, qui n'a pas reçu sa récompense dans le monde, pourrait-on ne reconnaître pas tout ensemble le héros de Leucate, de Tortose, de Perpignan, d'Estagel, et l'incomparable gouverneur des Trois Évêchés, où ses bontés de père lui avaient gagné tous les cœurs? Bien traité, au commencement, par la cour; en butte, après cela, à de dures méconnaissances, à de criantes injustices; s'en affligeant moins encore pour lui-même que pour une compagne si digne de lui, et qui, elle aussi, éprouva des dégoûts amers; assailli par la goutte, qui souvent le visite; par la pierre, qui le torture, qui le tuera avant l'âge 2; patient cependant et

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Seront rendus, en cette ville de Metz, à feu M. le mareschal de Schonberg tous les honneurs deus à la mémoire d'un si grand homme, par devoir et recognoissance de l'amour paternelle qu'il nous a témoignée si souvent et en tant d'occasions, en général et en particulier, que personne ne peut ignorer. Pouvant dire qu'il n'y en a point qui n'ayt senty les effets de sa bonté... » Registre des Trois Ordres de Metz, 12 juin 1656. Histoire de Metz, par les Bénédictins, in-4o, t. III, 276 et suiv.

2« Il mourut d'une pierre engagée dans l'urètre. » Gazette de France, 10 juin 1656. -- Gui Patin mandait, le 1er août 1656, à un ami : « M. Soliniac, médecin de Montpellier, a vu M. de Schonberg, et a assisté à l'ouverture de son corps, où il a vu la pierre, quem perfractè negaveLoret, si familier, dit :

rat.

Lettres de G. Patin; 1846, t. II, 248.

Une seule petite pierre

A mis ce grand homme par terre. ▾

(Lettre du 10 juin 1656.)

ferme en de telles angoisses; fidèle à Dieu, qui le frappe, comme il le fut à ses rois oublieux de ses services, injustes envers lui. Et, après tant de traits, si propres à caractériser Schonberg, pourrait-il être besoin de rappeler ces significatives initiales: M. le M... (Monsieur le Maréchal), que Bossuet, dans sa lettre, emploie toujours en parlant de l'illustre défunt, dont il console la veuve pieuse et désolée; désignation qui, si l'on veut, sera la moindre de toutes, mais qu'il convenait néanmoins de ne passer point sous silence'.

Écrite (en pourrait-on douter, désormais), écrite à l'affligée et inquiète veuve de Charles de Schonberg, cette lettre avait dû suivre d'assez loin la mort du maréchal, comme le fera voir ce qu'il nous reste à en rapporter encore. Après qu'à l'illustre chrétienne, en peine des jugements de Dieu sur un époux si cher, il a offert les solides raisons de ne douter pas du salut de celui qu'elle pleure, Bossuet lui témoigne « combien il serait heureux, s'il pouvait contribuer quelque chose à soulager les inquiétudes qui la travaillent, depuis si longtemps, en ce qui regarde l'état de son époux. » Touché profondément de ce que, « après tant de temps écoulé, la douleur de cette dame demeure si vive, qu'elle ait encore besoin d'être consolée,.... on voit ( lui dit-il ) peu d'exemples pareils.

>>

Dans cette lettre, témoignage si assuré du culte qu'avait voué la vertueuse Marie de Hautefort à la mémoire d'un époux si digne d'elle, s'est révélée l'âme reconnaissante et tendre de celui qui, appliqué à tranquilliser, à consoler l'inquiète veuve, aurait tant besoin, on le sent,

Aussi les éditeurs de Versailles ont-ils dit qu'il s'agissait ici d'un marquis, ou d'un maréchal, t. XXXVII, 23.

d'être consolé lui-même. Tout y émane d'un cœur affectionné au personnage éminent dont y est déplorée la mort et glorifiée la vic. Dévoué pour jamais à la mémoire du grand homme qui fut son bienfaiteur, son sincère et confiant ami, toujours on le devait voir fidèle à la reconnaissance, comme la maréchale, toujours, le fut à son deuil, à ses regrets, à son amour, dans le pieux asile où elle était allée cacher ses pleurs. Retirée au monastère de Sainte-Madeleine du Trainel, à Paris', où sa vie se partageait entre les œuvres de charité et la prière, ni les offres les plus brillantes, ni les plus flatteuses avances ne devaient rappeler dans son âme désabusée un monde qui en avait été banni sans retour. Louis XIV aurait eu à cœur d'honorer avec éclat une vertu si pure, un si héroïque dévouement à la feue reine, sa mère, récompensés seulement, dans le temps, par des disgraces, de publiques humiliations, d'amers déplaisirs. Marie de Hautefort, consentant, si elle l'en eût voulu croire, à devenir, en 1680, dame d'honneur de la dauphine, aurait trouvé dans l'estime de cette princesse, d'un si insigne mérite, dans les applaudissements de la cour, dans les hommages, dans le respect de tous, autant de consolation et de douceur qu'elle avait eu de chagrins à dévorer autrefois. A une lettre, de la main

»

Et non point aux Madelonnettes (maison pour les filles repenties ), comme par erreur on l'a dit, dans la suite du Menagiana, édition de Hollande, p. 379; et comme, après en avoir douté avec raison, Bayle la répété à tort, l'ayant su (dit-il) de bonne part, Mais on s'était trompé, et on l'avait trompé. ( Bayle, Dictionnaire critique, article : Schonberg, remarque B.). Mémoires mss. de Le Dicu. La vie de Marie de Hautefort, duchesse de Schonberg, dame d'atours de la reine Ann Marie-Mauricette d'Autriche, par une de ses amies, imprimée par G. E. J. M. A. L. sur un manuscrit tiré de la Bibliothèque de M Beaucousin; an VIII (1799), in-4o de 73 pages.

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de Louis XIV lui-même, honorable pour elle et flatteuse plus qu'on ne le saurait dire, madame de Schonberg ayant répondu par un modeste et respectueux refus, une deuxième lettre, toujours de la main du grand roi, plus affectueuse, plus pressante encore que la première, fut, pour la maréchale, une récompense digne de ses dévoués services, méconnus naguère; et aussi une douce consolation de ce que, dans d'autres temps, elle avait souffert. Mais (répondait-elle) son âge avancé ne lui permettant pas d'obéir à des ordres dont elle témoignait que son cœur avait été profondément touché, ni d'accepter des honneurs dont tant de bonté rehaussait le prix, la cour dut renoncer à l'espérance de revoir tant d'agréments, de mérite et de vertu '. C'était bien là, sans doute, la veuve vraiment veuve et désolée, dont saint Paul a parlé; une veuve digne des respects du monde; «< une de ces veuves chrétiennes qui s'ensevelissent, pour ainsi dire, elles-mêmes dans le tombeau de leur époux, y enterrant tout amour humain avec ses cendres chéries; qui, délaissées sur la terre, mettent leur espérance en Dieu, et passent les jours et les nuits dans la prière 2. » Lorsque, trente années plus tard, Bossuet, dans son oraison funèbre d'Anne de Gonzague, traça ce caractère des veuves chrétiennes, l'épouse du regretté maréchal de Schonberg était, assurément, présente à son esprit; les brillantes offres de Louis XIV à Marie de Hautefort étant de ce temps-là, précisément,

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Histoire généalogique et chronologique de la maison de France et des grands officiers de la couronne, par Anselme, Du Fourni, Simplicien, etc.; in-fol., t. VII, 336.

Bossuet, Oraison funèbre d'Anne de Gonzague, prononcée le 9 août 1685 (Anne de Gonzague était morte le 6 juillet 1684.)

3 Ces deux lettres de Louis XIV furent adressées à la maréchale de Schonberg, les 31 mai et 9 juin 1684.

reconnaissant que Bossuet con

jours de Schonberg et de la maréchale.

ainsi que les modestes et fermes refus de la maréchale. La mort de cette dame, en 1691 ', vint rompre péni- Souvenir blement le cordial et pieux commerce qui entre elle et l'archidiacre de Metz avait continué toujours. Mais dans serva toule cœur de Bossuet, jamais ne se devaient affaiblir ses tendres sentiments pour ses premiers bienfaiteurs, pour ses bons et illustres amis. Leurs sépultures, à Nanteuille-Haudouin, virent souvent agenouillé et en prières Bossuet, qui, devenu évêque de Meaux, s'estimait heureux de posséder, dans son diocèse, de pouvoir visiter ainsi les restes révérés de ces personnes si chères; devoir pieux et doux, auquel, dans ses passages à Nanteuil, il ne manqua jamais. Le saint vieillard, en 1703, y vint encore, bien près lui-même, alors, de descendre à son tour dans la tombe; fidèle, jusqu'à la fin, à honorer leur mémoire; et aimant à parler de ce qu'ils avaient fait pour lui, tous les deux, dans ces temps, bien éloignés, de sa vie 2.

Bossuet, en possession de l'estime de tous, dès son arrivée à Metz, en avait reçu, deux années après, un signalé témoignage. Le chanoine Jean Royer, promu alors à la dignité de grand chantre, ayant laissé vacant le grand archidiaconé (qui avait juridiction sur les seize paroisses de la ville épiscopale, sur toutes celles du Val de Metz, et sur l'archiprêtré de Noizeville 3), à Bossuet,

Bossuet promm, en

août 1654, an nidiacone

grand av

de Metz.

La maréchale de Schonberg mourut le 1er août 1691, àgée de soixante-quinze ans, (Gazette de France du 18 août 1691.)

Le Dieu, Mémoires mss, et Journal.

3 Histoire générale de Metz, par des religieux bénédictins, in-4o, 5 volumes; 1775, t. I, 588. Anciens Grauit de l'église de Metz, Manuscrits: - Dom Beaunier, Recueil historique des archevêchés, etc.; Paris, 1796, in-4o, t. II, p. 1026. Histoire des évèques de Metz, par Martin Meurisse, Metz, 1634, in-fol., P. 470.

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