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fon; et combien d'autres nous pourrions ici nommer avec honneur!

J. B. Bossuet,
supérieur
à tous ses

Élevé parmi tant d'enfants nés de familles alliées à la sienne, ou en relation étroite d'amitié avec elle, condisciples, Jacques-Bénigne, tout d'abord, s'était signalé avec éclat, entre tous, par une application singulière, unie à un esprit si vif, si rapide, si pénétrant, si prompt « qu'il sembloit ne faire que se jouer, tant l'étude lui étoit aisée '. » Combien, se sentant doués à ce point, auraient cru pouvoir, dans l'étude, s'en remettre à un naturel si privilégié, et s'en reposer sur lui de tout l'effort! Mais Jacques-Bénigne, plus excité encore, s'il se peut, par des progrès pour lui si faciles, allait s'évertuant avec une ardeur plus généreuse, chaque jour, comme s'il eût eu à lutter contre une intelligence rebelle. Ce qui naguère avait été dit de saint Athanase, avec combien de vérité aussi on le put dire alors de Bossuet, cet autre Athanase : Qu'autant, par les facultés dont Dieu l'avait doté, il était supérieur aux plus laborieux de tous ses condisciples, autant, par son incessante application, par son opiniâtre labeur, surpassait-il ceux que le ciel avait le plus libéralement comblés de ses dons 2!

cet

Noble émulation, dont la source était en lui seul, et que n'excita point la riante perspective des palmes du collége, stimulant si actif toujours et si puissant à âge. Mais ignorés entièrement à Dijon, au temps où Bossuet y fit ses études, ces encouragements devaient, après lui, l'être bien longtemps encore; et, à un siècle de là seulement, en 1740, dans le collége des Godrans, purent, pour la première fois, grâce aux libéralités du

Mémoires mss. de Le Dieu.

* Saneti Gregorii Nazianz, oratio XXI

Des prix ne furent

donnés que

cent ans plus tard

dans le col

lége de Dijon.

Du mot

aratro.

premier président Jean de Berbisey, être décernées aux élèves les plus studieux, les plus capables, de douces récompenses, que Bossuet, en son temps, avait méritées chaque année sans les avoir reçues jamais '. Bos suetus- Le voyant, dès cet âge, penché sans cesse sur les livres et absorbé dans l'étude, qui toujours néanmoins lui coûtait si peu, ses maîtres, charmés, l'avaient caractérisé par un dicton qui, s'il peint énergiquement l'application infatigable du jeune humaniste, donnerait, toutefois, s'il pouvait être pris à la lettre, l'idée la plus fausse d'un esprit si vif, si prompt, si hâtif toujours. Son nom seul, apparemment, l'avait suggéré, et en fit tous les frais. Le nom de Bossuet devenant tout naturellement celui de Bossuetus dans le latin des colléges; et, d'une autre part, l'opiniâtre ténacité de JacquesBénigne au travail ayant pu, comme celle de Thomas d'Aquin autrefois, être comparée à l'imperturbable patience du bœuf, qui, courbé et s'évertuant sous le joug, trace son sillon avec lenteur et persévérance 3, le rébus Bos suetus aratro, venu à l'esprit d'un régent en belle humeur, ne pouvait manquer de faire fortune parmi les condisciples du jeune Dijonnais; et souvent | l'un d'eux, dans la suite, le docte conseiller, l'ingénieux

Titres du College Godran, liasse 2o. ( Archives de la préfecture de Dijon.) Essai historique ms, sur les écoles et colléges de Dijon, ms, de la bibliothèque publique de Dijon, no 482, 3o rayon.

2 Saint Thomas d'Aquin, disciple attentif et silencieux de l'illustre docteur Albert le Grand, à Cologne, avait par raillerie été appelé alors : le Bauf muet, ce qui ne l'empêcha point d'être dans la suite, et avec plus de raison, surnommé l'Ange de l'école. (Adrien Baillet, Vie de saint Thomas d'Aquin, VII mars.) Ce saint ayant toujours été très-cher à Bossuet, qui lut tous ses écrits et les possédait à fond, cette prédilection si notoire avait pu donner lieu à un rapprochement glorieux, sans doute, et occasion au rébus: Bos-suctus-aratro.

poëte Pierre Dumayle devait redire à l'abbé Papillon, qui n'eut garde de l'oublier dans son ouvrage sur les illustres Bourguignons 2.

nigne jouait

volontiers disciples.

avec ses con

Sa bonté

pour eux.

Ardent au jeu, quoi qu'il en soit, dans ces premières Jacques-Béannées de son enfance, non moins que toujours il fut apre au labeur, Bossuet, chaque jour, le temps de la récréation venu, savait s'ébattre, se réjouir de bon cœur, et non moins volontiers que tous les autres, au point qu'à peine en lui, dans la mêlée, eût-on pu reconnaître cet écolier si appliqué tout à l'heure. Agréable par son enjouement vif et franc aux élèves moins doués, moins diligents que lui, bien volontiers pardonnaient-ils au studieux humaniste ses succès brillants et soutenus. Bon, au demeurant, envers tous également, modeste, aimable, officieux et doux, ne se prévalant jamais, s'oubliant lui-même en toutes rencontres, pour leur venir en aide, pour les faire valoir, pour les réjouir et se réjouir avec eux. Aussi tous ses compagnons de divertissement et d'études étant demeurés, pendant sa vie tout entière, ses amis affectionnés, n'est-ce pas dire assez à quel degré, en ce sujet si supérieur, s'étaient trouvées unies aux dons les plus brillants de l'esprit les solides et touchantes qualités du cœur ?

4

· Le Parlement de Bourgongne, par P. Palliot; Dijon, 1649, in-fol., p. 327. —Pierre Dumay, étant en rhétorique au collège des jésuites de Dijon, composa en l'honneur du jeune duc d'Enghien (après les victoires de Rocroi, etc.) un poëme en vers latins intitulé: Enguinneis, dont le premier livre fut imprimé en 1643. ( Enguinneidos liber primus; Divione, 1643, in-4°). — Dictionnaire de Moreri, article : Dumay (Pierre).

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Bibliothèque des auteurs de Bourgogue, par l'abbé Papillon ; 1742, in-fol., t. I, 63.

3 Mémoires manuscrits de Le Dieu.

4 Nommons, entre autres, le docte et pieux abbé Claude Fyot de la Marche, abbé de Saint-Étienne de Dijon, dont il a publié, em 1696, une

Rapides

progrès de

Des progrès rapides, des connaissances plus éten

J. B. Bossuet dues que ne le porte un àge si tendre ayant été les

Combien il

goûtait Cicé

ron et Vir fruits d'une application persévérante, tous les bons

gile.

écrivains latins, plusieurs parmi les Grecs, lui étaient familiers dès lors autant que chers. Lecteur avide des poëtes, des historiens, des orateurs, sa mémoire en avait, sans effort, retenu les plus notables passages. Combien son esprit avait su pénétrer ces heureux génies, son cœur les sentir, les goûter avec amour! Son oncle Claude étant imbu de tous les classiques et l'un des hommes les plus instruits d'une province si lettrée, quelle joie pour lui, au retour du palais, d'entendre Jacques-Bénigne louer, avec un enthousiasme juvénile, la majesté de Cicéron, son éloquence ingénieuse, insinuante, redire de mémoire ses harangues; celles pro Ligario, pro Marcello, de préférence, parce que, entre les autres, elles l'avaient touché? Le jeune humaniste s'était vivement épris aussi de Virgile, de Virgile « dont l'ineffable douceur ( remarque Le Dieu) étoit si conforme au caractère de son admirateur'. » Combien Le Dieu, commensal de Bossuet pendant vingt-deux années, et chaque jour, durant tout ce temps, observateur attentif, intelligent et curieux de sa vie, parlant ainsi du grand homme mort depuis peu d'instants, mérite qu'on en croie son témoignage! Quelle réponse aux

histoire estimée. Né le 9 octobre 1630, à Dijon; élevé dans le collège des
Jésuites de cette ville, après y avoir, en 1650, soutenu, avec éclat,
des
thèses de théologie en présence de Louis XIV, de Monsieur et du car
dinal Mazarin; devenu, en 1651, aumônier ordinaire du roi, il est men-
tionné dans plusieurs lettres de Bossuet, des derniers temps de la vie du
prélat. L'abbé Fyot mourut le 17 avril 1721, âgé de 91 ans. (Biblio- ||
thèque des auteurs de Bourgogne, par Papillon, article Fyöt ( Claude),
t. I, 233.)

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injustes détracteurs appliqués à nous peindre Bossuet apre toujours, hautain, intraitable et dur! Sur le nom de Bénigne, donné à Bossuet, qui le porta si bien, les notables paroles du P. de La Rue, rapportées déjà, sont présentes sans doute encore à nos lecteurs '. L'abbé Anselme, du haut de la chaire, après que, parlant de Bossuet dans les combats contre l'hérésie, il l'aura représenté <«< comme un lion qui déconcerte, qui abat tout par la plénitude de sa force, » le montrera « un agneau partout ailleurs, qui par sa douceur prévient l'esprit, et gagne le cœur par sa modestie 2. » La mansuétude, l'humilité, ayant dominé en lui toujours, parmi tant d'autres vertus, seront, après sa mort, exaltées, avec prédilection, par tous les curés d'un diocèse qui, vingt-trois ans durant, l'eut pour évêque ".

La piété tendre du jeune écolier, son amour pour Dieu, remarqués de tous dès l'enfance, s'étant accrus depuis de jour en jour, quel exemple pour ses condisciples; quel sujet de joie, d'admiration pour sa famille et pour ses régents Voyez-le, tel qu'il fut à cet âge : « Un

Oraison funèbre en l'honneur de J.-B. Bossuet, par le P. de La Rue, 23 juillet 1704. Dans un grand nombre de pièces composées en l'honneur de Bossuet, à toutes les époques de sa vie, sa bénignité, sa mansuétude, son aménité attirante, son air ouvert, sa cordialité, sa simplicité, sa bonté effective, infatigable sont célébrés avec effusion.

2 L'abbé Anselme, Panégyrique de saint Étienne, prononcé dans la cathédrale de Meaux; Paris, 1718.

3 « M. de Meaux surmontoit l'envie par son humilité, tempéroit la gravité de ses mœurs par la douceur et la gaieté de son visage. (Oraison funèbre de Bossuet, par l'abbé Cordelier, curé du Fresnoi, dans le diocèse de Meaux, prononcée le 5 mai 1704, dans l'église de Nanteuil le Haudouin, en présence de tous les curés de la conférence. L'orateur avait pris pour texte ces paroles: « In fide et lenitate ipsius sanctum fecit illum, et elegit eum ex omni carne. » Ecclésiastique, 45. Je possède ce discours, qui n'a pas été imprimé.

4 Mémoires ms, de l'abbé Le Dieu,

Piété du pureté, son

jeune Bossuet. Sa

innocence.

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