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ClaudeCharles de

abbés Louis et Claude-Charles de Rochechouart-Chandenier étaient petits-neveux du feu cardinal de La Rochefoucauld, grand aumônier de France, archevêque de Bourges, mort depuis treize années environ '; et leur tante, la marquise de Sénecey, si affectionnée à Bossuet, a été mentionnée souvent dans cette histoire 2. Mais comme c'est d'eux uniquement qu'il se doit agir en ce lieu, si nous disons que, pourvus l'un et l'autre de nombreux et riches bénéfices, chacun d'eux n'en voulut dans la suite retenir qu'un seul, dont les revenus, chaque année, étaient distribués en aumônes; qu'il n'y avait point d'ecclésiastiques en France que Vincent de Paul estimât tant; au point que, contre les règles, il leur avait accordé, en 1652, un modeste appartement, près du sien, à Saint-Lazare ', déjà sans doute on pourrait, sur cela seulement, imaginer ce que valurent ces deux frères, si chacun d'eux d'ailleurs ne méritait qu'en particulier nous en disions quelque chose.

La longue vie du puîné, Claude-Charles de ChandeChandenier, nier, abbé de Moutier-Saint-Jean, mort simple diacre Moutier en 1710, à plus de quatre-vingts ans, devait être une

abbé de

Saint-Jean.

Les vertus du vrai prélat, représentées en la vie de monseigneur Feminentissime cardinal de La Rochefoucauld, par le P. de La Morinière, chanoine régulier de Saint-Augustin; Paris, 1646, in-4o, p. 28 et suiv. Oraison funèbre prononcée aux obsèques de feu monseigneur le card, de La Rochefoucauld, dans l'église de Sainte-Geneviève de Paris, le 21 mars 1645, par le P. André Castillon, jésuite; Paris, 1645, in-4o, dédiée à la marquise de Sénecey, nièce du feu cardinal.

2 Mêmes ouvrages.

3 Gallia christiana, t. IV, col. 668. — Le P. Anselme, Histoire généalogique et chronologique de la maison de France, t. IV, 660-61.

4 La vie du vénérable serviteur de Dieu Vincent de Paul, par Abelly; 1664, in-4o, livre 1oo, chap. XLIX, pag. 239. — Collet, Vie de saint Vincent de Paul; 1818, in-8", t. H, 641.

suite non interrompue d'actions charitables et pieuses, d'actes de l'humilité la plus touchante, parmi lesquels ne saurait être oublié son refus constant d'être prêtre, parce que trop peu lettré, disait-il (sa mauvaise santé dans l'enfance ayant, il est vrai, nui beaucoup à ses études), il était, à l'en croire, incapable d'un si haut ministère; encore que tout le temps qui lui restait après ses bonnes œuvres, qui furent sans nombre, cût été consacré sans réserve à l'étude, à la méditation, à la prière'.

sou

Louis de chouart

Roche

Chandenier, abbé de

Tournus,

empressement à être

de la mission

de Metz.

La science, au contraire, d'insignes talents, une piété fervente brillant, au plus haut degré, en son aîné Louis de Rochechouart de Chandenier, abbé de Tournus, vent lui avaient été offertes les plus hautes dignités de Consortec l'Église, dues, de l'aveu de tous, à son rare mérite et à ses vertus, bien plus encore qu'à son illustre naissance. Toujours, néanmoins, il devait s'en défendre par d'humbles, mais fermes et insurmontables refus; ambitionnant, -lui d'une des premières maisons du royaume, ambitionnant uniquement son admission parmi les prêtres de la congrégation de la mission; grâce inestimable à ses yeux, et qu'il ne cessa de solliciter avec instance, mais devait n'obtenir qu'au lit de mort seulement; Vincent, jusquelà, ayant persisté à espérer qu'un tel homme, si capable, si saint, et qui portait si dignement un grand nom, serait enfin contraint de subir les premiers honneurs de

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La vie de saint Vincent de Paul, par Collet; 1818, in-8°, t. II, 230, 231. Histoire de l'église abbatiale et collégiale de Saint-Étienne de Dijon, par Claude Fyot, abbé de ce monastère; Dijon, 1696, in-fol, pag. 245. – Gallia christiana, t. IV, col. 668. - Lire, dans Collet, à l'endroit indiqué, la très-remarquable épitaphe, gravée, par les soins des religieux de Moutier-Saint-Jean, sur la tombe de leur saint abbé (Claude-Charles de Chandenier), « C'est là (remarque le biographe ) un de ces monumonts que la vertu seule peut ériger à la vertu. »

l'Église, et de resplendir, quoi qu'il en cût, aux regards de la France, à qui pourrait profiter beaucoup (pensait-il ) un si éclatant exemple, venant de si haut. Mais l'humble prêtre s'aimait mieux à Saint-Lazare, où, affectionné par Vincent, il le fut aussi par Louis Abelly, qui nous en a laissé un portrait bien propre à inspirer tout ensemble l'attachement et le respect. « L'oraison (nous dit-il) était sa plus fréquente nourriture; l'humilité son ornement; la mortification ses délices; le travail son repos; la charité son exercice; la pauvreté sa chère compagne'. » Dans son abbaye de Tournus, sur les bords de la Saône, où il se retirait quelquefois, le docte père Chifflet, qui l'y avait vu souvent, et de bien près, admira sa vie exemplaire, studieuse, recueillie; sa piété, son zèle, sa charité, son humilité, ses entretiens agréables toujours et saints tout ensemble. « Dans cette abbaye, toutes choses (déclarait ce religieux) sont si bien ordonnées que j'avais sujet de dire: Castra Dei sunt hæc. J'ai eu l'honneur d'y converser plusieurs fois avec l'abbé (Louis de Rochechouart-Chandenier); et j'advoue que j'en suis sorti tout embaumé de la douce odeur de ses vertus. Les mitres, et la pourpre même, sembloient être au-dessous de tels mérites*. » Mais ni SaintLazare, où l'abbé Louis de Chandenier était si bien; nison abbaye de Tournus, une si sainte retraite, ne le pouvant plus retenir lorsque s'offrait à lui quelque œuvre utile

-

1 La vie du vénérable serviteur de Dieu Vincent de Paul, par Abelly, liv. I, chap. XLIX. Vie de saint Vincent de Paul, par Collet; 1818, in-8°, t. II, 641.

-

* Histoire de l'abbaye royale et de la ville de Tournus, par le père Pierre François Chifflet, de la compagnie de Jésus; Dijon, 1664, in-4", p. CCLXI. Nouvelle histoire de l'abbaye royale et collégiale de la ville de Tournus, par Juénin; Dijon, 1733, in-4o, p. 335.

aux hommes et agréable à Dieu, dès les premiers mots
que
lui eut dits Vincent d'une mission pour Metz et de
sa résolution de s'en reposer sur lui de tout le soin de
cette grande affaire, l'humble seigneur, aussitôt, avait
dit: Me voici *.

Restait de concerter toutes les mesures nécessaires pour le succès d'une telle entreprise. A des lettres qu'ils recurent, pour cet objet, le suffragant de Metz, le lieu tenant de roi La Contour, les échevins, l'assemblée des trois ordres, tous, en un mot, dans cette ville avaient répondu par les protestations empressées de leur obéissance, par des promesses de concours les plus propres à encourager Vincent et ses zélés coopérateurs 2. A Paris, dans de sérieux entretiens, où toutes choses, sur cela, furent sagement et mûrement examinées, un nom revenait sans cesse, prononcé avec faveur, espoir, assurance celui du grand archidiacre de Metz, initié naguère aux saints ordres, à Saint-Lazare, sous les yeux de Vincent; admis, depuis, parmi les ecclésiastiques d'élite des conférences spirituelles dites des mardis, et dont les prédications à Paris, en 1657, avaient laissé dans tous les cœurs une impression si profonde. De bonne heure on avait écrit à l'éloquent et pieux docteur, dont les réponses, chaleureuses autant qu'empressées, témoignèrent assez d'un zèle égal, au moins, à ce que MM. de Saint-Lazare avaient pu se promettre de lui. L'é

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L'abbé Louis de Rochechouart de Chandenier eut la conduite de la mission que la reine-mère fit faire à Metz en 1658. » Abelly, Vie du vénérable Vincent de Paul, liv. I, chap 49.

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2 Lettres, 1o de l'évêque d'Auguste à Vincent de Paul (Metz, 29 janvier 1658; 2o de Bossuet à l'abbé de Monchy, 1 fevrier 1658. Registre de l'assemblée des trois ordres de Metz, 1or mars 1658. Relation de la mission de Metz. (OEuvres de Bossuet, édition de Versailles,,, t XXXVII, p 5.

Vincent de

Paul recourt

à Bossuet, sa coopérapare les voies

qui promet

tion et pré

aux missionnaires.

vêque d'Auguste et l'archidiacre, son ami, au premier avis qui leur vint du dessein de Vincent, ajournant, sans hésiter, un voyage nécessaire, qu'ils avaient compte. faire ensemble à Paris, « nous serions fort coupables devant Dieu (écrivait Bossuet à Vincent de Paul) si nous abandonnions la moisson dans le temps où sa bonté souveraine nous envoie des ouvriers si fidèles et si charitables. Assurez-vous, Monsieur, que je n'oublierai rien, de ma part, pour coopérer à une œuvre si salutaire, dans toutes les choses dont on me jugera capable. Je me sens fort incapable d'y rendre le service que je voudrois bien; mais j'espère de la bonté de Dieu que l'exemple de tant de saints ecclésiastiques et les leçons que j'ai autrefois apprises en la compagnie me donneront de la force pour agir avec de si bons ouvriers, si je ne puis rien de moimême '. >>

Humbles et cordiales promesses, qu'allaient suivre et dépasser de beaucoup les effets. Car, Bossuet, aussitôt, se mettant à l'œuvre, cette ardeur, qu'il ressentait en son âme pour l'entier succès des pieuses intentions d'Anne d'Autriche et du vénérable supérieur de SaintLazare, il avait, dans Metz, si bien su l'inspirer à tous, qu'il fut, on le peut dire, l'âme de ce dessein. De Toul, par l'ordre de Vincent, lui était, un instant, venu en aide Nicolas de Monchy, supérieur de l'établissement de la mission créé autrefois dans cette ville par l'évêque Charles-Chrétien de Gournai, et que son troisième successeur, André du Saussai, assis aujourd'hui sur ce siége, favorisait de son mieux 2. Nicolas de Monchy, qui, à

1 Bossuet, lettre du 12 janvier 1658, à Vincent de Paul, edition de Versaill., XXXVII, 4.

? Histoire ecclés, et polit, de la ville et du diocèse de Toul, par la

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