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pour apaiser l'ire de Dieu, et obtenir la cessation de l'intempérie de l'air et de la malignité du temps avait été ordonnée par le chapitre, sans que Pierre Bédacier en eût eu aucun avis. De même, lors de cette soudaine et violente maladie de Louis XIV, à Calais, (juillet 1658), où la vie du jeune monarque fut en un si grand péril 2, des prières publiques, dites des quarante heures, eurent lieu dans Metz, à deux jours consécutifs, au milieu d'un incroyable concours de tous les ordres, sans que l'évêque d'Auguste, en une telle occurrence, eût été ni consulté ni prié d'y venir. Puis, au commencement d'août, l'heureux et soudain rétablis sement de la santé du monarque ayant donné lieu à un Te Deum de réjouissance, plus solennel qu'il n'est de coutume, où tous, dans Metz, avaient voulu paraître, tous disons-nous, même les religionnaires en massc, prompts, cette fois, à se souvenir seulement qu'ils étaient Français, sujets dévoués au roi, et à oublier tout le reste, l'absence de l'évêque d'Auguste, en une si notable occurrence, avait surpris ceux qui n'étaient point du secret ; et (le voudra-t-on croire) ceux-là même qui, en ne le conviant pas, l'avaient causée, eurent l'impudeur de la lui imputer à crime *.

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Une telle situation n'étant plus tolérable, pourra-t-on

entendus en cette rencontre attestèrent cet usage. ( Archives de la préfecture de Metz.)

Cette procession eut lieu le 15 juin 1658. ( Regesta capituli ecclesia metensis, junii 1658.)

2 Gazette de France, 13, 20, 27 juillet 1658 et jours suivants.

Gui Patin, lettres des 16 et 26 juillet 1658.

3 Ces prières furent faites à Metz les 18 et 19 juillet 1658. (Factum déjà cité.) — ( Archives de la préfect. de Metz.)

4 Factum déjà cité.

Procès-verbal dressé par l'abbé de Coursan, princier de l'église

entreprend

sans l'invita

chapitre, à

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daleuses dans

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cathé

drale.

Bedacier s'étonner qu'il tardât au prélat d'en sortir? A Metz, d'officier, sur ces entrefaites (septembre 1658), arrivant les noution du velles de la prise de Gravelines et de la réduction de un Te Deum. Mortare, avec des ordres du roi pour un Te Deum', comme le chapitre, cette fois encore, ne lui fit donner aucun avis, Bédacier se montrait résolu d'aller officier à cette cérémonie, malgré tout ce que lui purent dire, pour l'en détourner, ceux des chanoines qui, lui étant le plus affectionnés, et souffrant beaucoup de le voir ainsi méconnu et écarté, mais bien informés, d'une autre part, des dispositions des esprits et des mauvais desseins de la cabale, l'exhortaient instamment à se tenir en repos. Bossuet, son confident et son ami, avait dû ne s'y épargner pas, lui annonçant, s'il passait outre, des scènes scandaleuses, qu'à tout prix il importait d'éviter. Mais le prélat avait la chose trop à cœur. Supposant, d'ailleurs, que l'absence de ceux des chanoines qui lui étaient notoirement affectionnés ôterait au dessein qu'il mûrissait toute apparence de concert, de coup monté et d'entreprise, ces ecclésiastiques affidés du prélat étaient convenus avec lui de ne paraître point à la cérémonie, quoique notoirement ils fussent à Metz en ce moment; si bien qu'on trouvera le grand archidiacré Bossuet siégeant, dans ce même temps, à l'assemblée des trois ordres, et allant dans l'église paroissiale de Saint-Victor tenir un enfant sur les fonts du baptême 3.

cathédrale de Metz, 18 septembre 1658. ( Archives de la préfecture de Metz.)

Gazette de France des 4 et 6 septembre 1658. trois ordres de Metz, 16 septembre 1658.

Registres des

2 Factum ms. de l'abbé de Coursan. (Archives, de la préfecture de Metz.)

3 Le 14 septembre 1658, Bossuet siégea dans l'assemblée des trois

Le jour du Te Deum venu (18 septembre 1658), après qu'eurent été chantées les complies, tout le clergé de Metz, tant séculier que régulier, étant dans la cathédrale, ainsi que la noblesse, la magistrature, les officiers de la ville, et toute la garnison, ayant à sa tête le lieutenant de roi Moussy la Contour; l'arrivée inopinée de l'évêque d'Auguste, précédé de sa crosse, et en habit de célébrant, émut visiblement le chapitre, qui, comme d'ordinaire, ne lui avait rien envoyé dire; mais surtout, elle avait indigné le princier qui, voyant le suffragant s'acheminer vers la chaire épiscopale, s'y alla mettre aussitôt, pour l'empêcher d'y prendre place; soutenu par cinq ou six chanoines, diligents, sur un signe qu'il leur fit, à lui venir en aide. Bédacier, ayant à cœur d'éviter un scandale imminent, allait demeurer debout, en avant de la chaire; mais Coursan et ses adhérents, solus de ne l'y point souffrir, s'étant pris aussitôt à le pousser avec violence, un instant on vit le prélat chanceler; et sans la prompte assistance de son aumônier et de ses gens, inévitablement il allait choir. Coursan, cependant, et ses suppôts, jetant au loin les carreaux de velours et le fauteuil que venaient d'apporter les gens du suffragant, une vive lutte, alors, s'était engagée entre ces derniers et ceux qui insultaient leur maître. De la bouche de Coursan en fureur, tous alors purent entendre sortir les épithètes de coquin, de fripon, adressées à l'évêque d'Auguste, et auxquelles ce prélat, modéré toujours et digne, ne répondait que par de graves et tristes reproches au princier, de ses violences dans un tel lieu

ordres (Registres des trois ordres). Le 16 septembre 1658, il n'y eut point de réunion générale. Ce jour, 16 septembre, Bossuet fut parrain d'un enfant baptisé en l'église paroissiale de Saint-Victor de Metz. (Registres de l'église de Saint-Victor de Metz. )

et dans une telle conjoncture. Des surplis, cependant, avaient été déchirés déjà; et les choses tournaient à un combat ridicule non moins que scandaleux, lorsque, le lieutenant de roi La Contour, intervenant, le chapitre dut condescendre à l'invitation que lui avait faite ce commandant, d'aller dans la salle des assemblées capitulaires, délibérer sur le parti à prendre.

Qu'attendre, cependant, d'esprits émus à ce point? Ab irato, la compagnie, où les turbulents étaient en nombre, ayant, par acclamation, décidé qu'au suffragant n'appartenait aucune place dans le choeur, et qu'incontinent il en devait sortir, Coursan revint triomphant, rapporter en hâte cet ultimatum à La Contour; et tous l'avaient pu entendre proférer ces paroles, croyables à peine : « La résolution du chapitre a été de chasser ce coquin de la place où il s'est mis. » Mais le fougueux princier, renvoyé une seconde fois vers le chapitre, qu'on invitait, ainsi que lui, à y réfléchir davantage, revint annoncer l'acquiescement donné enfin à un expédient imaginé par le baron de La Contour, et auquel le suffragant ainsi violenté avait dû, en une telle extrémité, donner les mains; à savoir que, dans la chaire épiscopale, ne se placeraient, aujourd'hui, ni l'évêque d'Auguste, ni le princier, qui avait prétendu s'y établir. Car, s'asseoir, être contemplé dans cette chaire épiscopale, où il ne pouvait consentir à laisser siéger un évêque, un suffragant, ce fut de tout temps le rêve de Coursan; et lui, si offusqué du rochet, du camail, de la mitre de Pierre Bédacier, on le devait voir plus tard entreprendre de paraître au choeur, simple prêtre qu'il était, avec une croix pectorale, qu'il lui fallut néanmoins cacher à la fin, contraint qu'il y fut par de vives injonctions du chapitre. Réduit, quoi qu'il en soit, à demeurer,

ce jour-là, dans sa stalle de princier, contigue à la chaire épiscopale, où, une fois encore, il tenta de s'introduire, mais qu'un capitaine lui vint enjoindre, au nom du lieutenant de roi, de laisser vide, toujours l'abbé de Coursan put-il, présidant à la solennité, entonner le Te Deum; l'acte signé, le 4 mai précédent, par l'évêque d'Auguste, ayant mis dans l'embarras, le baron de La Contour, à qui on le fit voir. Souffert, par grâce, en avant de la chaire épiscopale, fermée pour lui ce jour-là; et contraint de demeurer muet, tandis que Coursan donnait le signal des chants de triomphe, le suffragant put alors reconnaître combien avaient été fondées les appréhensions de Bossuet, et se repentir, mais trop tard, de n'avoir point déféré à ses avis'.

à la suite de ces scenes

scandaleuses.

De tels scandales ne pouvant, désormais, être tolérés Procedures davantage, avaient sur l'heure commencé, et au parlement de Metz, et au conseil, d'actives procédures: nouvelle ouverture, pour Coursan, à d'injurieux factums. Mais parce qu'il avait osé trop prétendre, le vaniteux dignitaire, à la fin, devait tout perdre. Ses inexcusables violences étant attestées par tous les procès-verbaux dressés alors, sans en excepter celui qu'il rédigea aussi, où, se voulant donner le bon droit, il se condamnait luimême par la virulence de son langage, par la naïveté de ses aveux; pour la réhabilitation de la dignité épiscopale et de la juridiction du suffragant, s'offrait ici une occasion favorable, dont on sut profiter. Sans chercher

Reg. capitul. eccles. metensis, 18 septemb. 1658, et dieb. seq. Requête de Pierre Bédacier, évêque d'Auguste, au parlement de Metz. Procès-verbal mss. de l'abbé de Coursan, 18 septembre 1658. - Procèsverbal d'Étienne d'Augny, lieutenant général au bailliage de Metz, 18 septembre 1658. - Arrêt du parlement de Metz séant à Toul, pour ordonner une information sur ces faits (30 septembre, 17 octobre 1658). Enquête sur les faits du 18 septembre 1658.

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