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Bossuet étudie avec

Bossuet, sous les auspices d'un helléniste si insigne, allait se fortifier dans la connaissance de la langue grecque; et nul, dans la suite, quoi que le critique Jean Le Clerc ait pu dire, nul, disons-nous, ne la posséda mieux que lui'. A Nicolas Mercier Bossuet devra encore de mieux connaître les anciens auteurs profanes, si familiers à ce maître habile et rempli de goût 2. Destiné, de tout temps, à l'Église, n'ayant en vue qu'elle seule dans les efforts incessants auxquels il voue sa vie, Bossuet néanmoins se devait appliquer ainsi toujours à puiser, partout où elles s'offraient à lui, les lumières dont il se pourrait aider un jour pour la servir; et il sut, dans l'Égypte idolâtre, recueillir l'or en en repoussant les idoles 3. « La vraie sagesse (disait-il se sert de tout; et Dieu ne veut pas que ceux qu'il inspire négligent les moyens humains, qui viennent aussi de lui, à leur manière '. »

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A la Bible demeuraient cependant toutes les prépréférence, férences de son cœur. Ravi de le voir s'y complaire,

l'Ecriture

sainte.

Methode chaque jour davantage, Cornet l'encourageait affecdans cette tueusement à la lire, à la relire encore, à y revenir

qu'il suivit

étude.

d'Artigny, t. VII, 352, 353. Bibliothèque historique de la France, par k P. Lelong et Fevret de Fontette, t. IV, no 47134. Dictionnaire de Moréri, art. Mercier (Nicolas ).

1 Jean Leclerc, Bibliothèque choisie, t. V, 331. Comment a-t-on pi ignorer assez la vie de Bossuet pour dire, dans la Biographie universelle, article Capperonnier (Claude), que cet habile philologue enseigna le grec à Bossuet, en 1704, dans l'année même où mourut ce prélat?

2 Bossuet dut obtenir des prix à Navarre, Mazarin ayant assuré 500 ft. annuellement à ce collége, pour des prix qui, désormais, seraient décer nés aux humanistes. (Le Mascurat, par Gabriel Naudé; 1649, in-4o, p. 241.)

3 Exode, III, 22. Sancti Augustini Confession., lib. ViI, cap. IX. A Bossuet, Discours sur l'Histoire universelle, III partie, chap. II. Les Egyptiens.

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toujours. « Ayez-la dans les mains sans cesse ( disait ce nouveau Jérôme à cet autre Népotien '), qu'elle n'en sorte jamais; qu'elle soit le fondement de votre piété et de vos études. » Appliqué à le guider, luimême, dans cette lecture des livres sacrés, « Lisez, ( lui disait ce maître dévoué non moins qu'habile ✨), lisez d'abord le texte seulement, sans aucun commentaire, en pénétrant le sens par la comparaison des endroits qui se rapportent à une même fin, et dont l'un sert à l'intelligence de l'autre. Pour la lecture ordinaire, ne vous servez point des grands commentaires, les réservant pour les difficultés particulières 3, Sage méthode que Bossuet, lui aussi, devait recommander à tous dans la suite, en ayant avec tant d'avantage usé lui-même; « c'est (disait-il ) la Clef des Ecritures *. >>

3

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Bossuet

se servit

la Bible de Vatable.

La Bible de Vatable où, avec la Vulgate se trouve la traduction de Léon de Juda selon l'hébreu, lui fut alors beaucoup de d'un très-grand usage, il le dit lui-même. Conférant sans cesse ces deux versions, ainsi prenoit-il le génie de la langue sainte et de ses manières de parler. Ayant voulu, au commencement, s'arrêter aux difficultés que n'a point expliquées Vatable, l'expérience bientôt lui avait appris que le mieux, dans cette étude, est de passer outre, « ayant perdu, dans cette application opiniâtre à péné

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Divinas scripturas sæpiùs lege; immò nunquàm de manibus tuis sacra lectio deponatur. » Sancti Hieronymi ad Nepotianum, de Vita clericorum et sacerdotum, epistola.

* Mémoires mss. de l'abbé Le Dieu.

3 Ces paroles de Cornet, rapportées par Le Dieu, qui, dans ses Mémoires, les a écrites de sa main, ne se trouvent que dans le manuscrit que je possède de ces Mémoires. Elles manquent dans le ms. de la Bibliothèque imperiale.

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* Memoires mss. de Le Dieu.

Le docteur
Guischard

trer les endroits obscurs, un temps qu'il vaut mieux,
disait-il, donner aux réflexions sur ce qui est clair, puis-
qu'elles sont précisément ce qui forme l'esprit et nourri
la piété.
»> « Il faut (concluait-il) ne recourir aux com
mentaires que lorsqu'on trouve actuellement quelque
difficulté, et s'éclaircir seulement où l'esprit souffre1. »
La piété, la lecture des livres saints, c'est ce que dix années
durant le grand maître chaque jour ne cessera d'in-
sinuer à ce disciple si cher. Jamais conseils n'avaient été
ni plus docilement écoutés, ni suivis si volontiers; e
après que Bossuet a cessé de vivre, Le Dieu, appliqué à
se le représenter tel que pendant tant d'années il lui
fut donné de le voir, signalera à part ces deux trails
distinctifs du caractère du grand évêque « la piété.
l'amour de l'Écriture sainte, dès sa jeunesse et pen-
dant sa vie tout entière, » deux dispositions qui, de
tout temps, déclare-t-il, dominèrent en M. de Meaux, ei
auxquelles toujours on le pourra reconnaître. Caracte
riser les personnes par ce qui, en elles, est dominant, cette
règle est sûre; et plus tard nous entendrons Bossuet la
recommander lui-même.

appre

Pour parler, maintenant, avec quelque détail, de enseigna études écclésiastiques de Bossuet, et de ce que lui la théologie naient les habiles maîtres dont nous avons mentionné scolastique

à Bossuet

et positive déjà les noms avec honneur, la théologie scolastique & positive lui devait être enseignée par un professeur bien capable, quoique jeune encore, comme il semble, pour de si graves et si délicates matières. Cette chaire, tenue

* Écrit inédit de Bossuet sur les études par lesquelles il importe de se préparer à la prédication.

› Mémoires ms, de l'abbé Le Dieu.

3 Bossuet, Traité de la connaissance de Dieu et de soi-même, chap. 1. n" XI, t. XXXIV, 101.

pendant quatorze ans, par Sébastien de Saint-Martin, avec
tant d'éclat, jusqu'en janvier 1642', Pierre Guischard,
reçu docteur depuis peu2, s'y devait voir appelé sponta-
nément par tous les suffrages. De lui, Bossuet, entré à
Navarre vers la fin de la même année, va recevoir les
premières notions d'une science dans laquelle bientôt il
surpassera lui-même tous les docteurs. Pierre Guischard,
pendant cinquante-trois années, devait lui seul tenir
cette chaire avec un applaudissement plus grand cha-
que jour '; et toujours il se plut, dans la suite de sa vie,
à mentionner Bossuet comme l'un des premiers et tout
ensemble comme le plus signalé de ses anciens élèves.
L'illustre disciple devait, de son côté, n'oublier jamais
un maître si habile. Écrivant, en 1691, au docte Daniel
Huet, évêque d'Avranches, « Je crois, lui mandait-il,
que vous aurez bien agréable que j'aie l'honneur de vous
recommander M. Guischard, doyen de la Faculté, qui
enseigne la théologie depuis cinquante ans, et qui
et qui a été
mon maître dans cette science. Il est archidiacre de
l'église (Avranches) qui aura l'honneur de vous avoir
pour évêque; et je vous serai obligé d'avoir pour cet an-
cien professeur, les égards que son mérite, son âge et
ses travaux semblent exiger ».

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Un autre théologien éminent, Jean Dusaussoy, chargé Le doctenr d'enseigner, dans Navarre, la doctrine de saint Thomas fit connaitre

1 Regii Navarra gymnasii Parisiensis historia, auctore J.-B. de Launoi ; Paris, 1677, in-4o, I, 385.

2 Pierre Guischard, après sa prise de bonnet, fut reçu docteur en la faculté de théologie le 25 juin 1642. (Nomina et ordo magistrorum saere facultatis theologiæ Parisensis; Josse, 1689, in-4°.)

3 Archives de l'empire. Généralité de Paris, K, 1271.

+ Gazette de France, 23 juillet 1701.

5 Mémoires ms, de l'abbé Le Dieu.

6 Lettre autographe et inédite de Bossuet à Daniel Huet, 20 août 1691.

Dusaussoy lui

la doctrine de S. Thomas d'Aquin.

Bossuet se forme à la

d'Aquin, devait, lui aussi, se souvenir toujours avec joie d'avoir distingué Bossuet tout d'abord entre tant d'intelligents disciples attentifs au pied de sa chaire. Favorable dans tous les temps à cette doctrine si conforme à celle de saint Augustin, l'élève de Jean Dusaussoy se plut toujours à nommer avec de grandes louanges le savant professeur qui à Navarre la lui avait fait connaître.

Si enfin Bossuet a excellé à un si haut degré dans controverse, la controverse, où il ne sera donné à aucun de l'égaler

sous les

auspices du

docteur jamais, faisons-en avant tout, comme il est juste, honneur Péreyret. à son génie, mais sans oublier néanmoins ou mécon

naître les habiles maîtres, les notables exemples qu'il eut l'inestimable avantage de trouver à Navarre. Une chaire de controverse y avait été fondée, en 1638, par le cardinal de Richelieu', qui, appliqué constamment, parmi tant d'autres desseins, à affaiblir la réforme, préférait pour cette œuvre la voie de l'enseignement à tous ces moyens de contrainte auxquels, bien malheureusement, on devait recourir dans la suite. C'est ce qui le fit désirer que la controverse fût enseignée à Navarre. Dans cette chaire, où, avec la foi la plus vive, la plus éclairée tout ensemble, étaient requis dans le maître tant d'habileté, de présence d'esprit, de clarté, de précision, de savoir, se succédèrent, au temps des études de Bossuet, deux des plus éminents docteurs de la Faculté de théologie: Jacques Péreyret, en premier lieu2, que Richelieu, bien informé de son mérite, y avait voulu placer lui-même, l'ayant dans cette vue fait venir de Clermont en Auvergne, où il

Manuscrit du fonds de Harlai, bibliothèque impériale, no 121, mémoires ms, de l'abbé Le Dieu.

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et

› Registres de la secrétairerie d'État, volume 3369. (Archives impériales.)

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