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Il est d'autres attraits naissans

Où l'on va porter ses encens.

Psyché, Psyché la belle, aujourd'hui tient ma place; Déja tout l'univers s'empresse à l'adorer;

Et c'est trop que, dans ma disgrace,

Je trouve encor quelqu'un qui me daigne honorer.
On ne balance point entre nos deux mérites,
À quitter mon parti tout s'est licencié;

Et, du nombreux amas de Graces favorites
Dont je traînois par-tout les soins et l'amitié,
Il ne m'en est resté que deux des plus petites,
Qui m'accompagnent par pitié.

Souffrez que ces demeures sombres
Prêtent leur solitude aux troubles de mon cœur,
Et me laissez, parmi leur ombres,
Cacher ma honte et ma douleur.

Flore et les autres déités se retirent; et Vénus, avec sa suite, sort de sa machine.

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VÉNUS, descendue sur la terre; L'AMOUR, ÉGIALE, PHAÈNE, AMOURS.

ÉGIALE.

Nous ne savons, déesse, comment faire

Dans ce chagrin qu'on voit vous accabler:
Notre respect veut se taire,

Notre zèle veut parler.

VÉNUS.

Parlez: mais si vos soins aspirent à me plaire,

Laissez tous vos conseils pour une autre saison, Et ne parlez de ma colère

Que pour dire que j'ai raison.

C'étoit là, c'étoit là la plus sensible offense

Que ma divinité pût jamais recevoir;

Mais j'en aurai la vengeance,

Si les dieux ont du pouvoir.

PHAÈNE.

Vous avez plus que nous de clartés, de sagesse,
Pour juger ce qui peut être digne de vous;
Mais pour moi j'aurois cru qu'une grande déesse
Devroit moins se mettre en courroux.

VÉNUS.

Et c'est là la raison de ce courroux extrême.

Plus mon rang a d'éclat, plus l'affront est sanglant;

Et, si je n'étois pas dans ce degré suprême,
Le dépit de mon cœur seroit moins violent.
Moi, la fille du dieu qui lance le tonnerre;
Mère du dieu qui fait aimer;

Moi, les plus doux souhaits du ciel et de la terre,
Et qui ne suis venue au jour que pour charmer;
Moi, qui par tout ce qui respire

Ai vu de tant de vœux encenser mes autels,
Et qui de la beauté, par des droits immortels,
Ai tenu de tout temps le souverain empire;
Moi, dont les yeux ont mis deux grandes déités
Au point de me céder le prix de la plus belle,
Je me vois ma victoire et mes droits disputés
Par une chétive mortelle!

Le ridicule excès d'un fol entêtement

Va jusqu'à m'opposer une petite fille!

Sur ses traits et les miens j'essuierai constamment Un téméraire jugement,

Et, du haut des cieux, où je brille, J'entendrai prononcer aux mortels prévenus: Elle est plus belle que Vénus!

ÉGIALE.

Voilà comme l'on fait; c'est le style des hommes,
Ils sont impertinens dans leurs comparaisons.

PHAÈNE.

Ils ne sauroient louer, dans le siècle où nous sommes,

Ah!

Qu'ils n'outragent les plus grands noms.

VÉNUS.

que de ces trois mots la rigueur insolente
Venge bien Junon et Pallas,

Et console leurs cœurs de la gloire éclatante
Que la fameuse pomme acquit à mes appas!
Je les vois s'applaudir de mon inquiétude,
Affecter à toute heure un ris malicieux,
Et, d'un fixe regard, chercher avec étude
Ma confusion dans mes yeux.

Leur triomphante joie, au. fort d'un tel outrage,
Semble me venir dire, insultant mon courroux:
Vante, vante, Vénus, les traits de ton visage:
Au jugement d'un seul tu l'emportas sur nous;
Mais, par le jugement de tous,

Une simple mortelle a sur toi l'avantage.
Ah! ce coup-là m'achève, il me perce le cœur,
Je n'en puis plus souffrir les rigueurs sans égales;
Et c'est trop de surcroît à ma vive douleur,

Que le plaisir de mes rivales.

Mon fils, si j'eus jamais sur toi quelque crédit,
Et si jamais je te fus chère,

Si tu portes un cœur à sentir le dépit
Qui trouble le cœur d'une mère
Qui si tendrement te chérit,

Emploie, emploie ici l'effort de ta puissance
À soutenir mes intérêts;

Et fais à Psyché, par tes traits,
Sentir les traits de ma vengeance.

Pour rendre son cœur malheureux,

Prends celui de tes traits le plus propre à me plaire, Le plus empoisonné de ceux

Que tu lances dans ta colère.

Du plus bas, du plus vil, du plus affreux mortel,
Fais que jusqu'à la rage elle soit enflammée,

Et qu'elle ait à souffrir le supplice cruel

D'aimer, et n'être point aimée.

L'AMOUR.

Dans le monde on n'entend que plaintes de l'Amour;

On m'impute par-tout mille fautes commises;

Et vous ne croiriez point le mal et les sottises

Que l'on dit de moi chaque jour.

Si pour servir votre colère....

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