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À moins que vous cessiez, madame, d'être aimable, Et d'étaler aux yeux les célestes appas...

HENRIETTE.

Hé! monsieur, laissons là ce galimatias.

Vous avez tant d'Iris, de Philis, d'Amarantes,

Que par-tout dans vos vers vous peignez si charmantes, Et pour qui vous jurez tant d'amoureuse ardeur...

TRISSOTIN.

C'est mon esprit qui parle, et ce n'est pas mon cœur.
D'elles on ne me voit amoureux qu'en poète,
Mais j'aime tout de bon l'adorable Henriette.

HENRIETTE.

Hé! de grace, monsieur...

TRISSOTIN.

Si c'est vous offenser,

Mon offense envers vous n'est pas prête à cesser.
Cette ardeur, jusqu'ici de vos yeux ignorée,

Vous consacre des vœux d'éternelle durée.
Rien n'en peut arrêter les aimables transports;
Et bien que vos beautés condamnent mes efforts,
Je ne puis refuser le secours d'une mère

Qui prétend couronner une flamme si chère;
Et, pourvu que j'obtienne un bonheur si charmant,
Pourvu que je vous aie, il n'importe comment.

HENRIETTE.

Mais savez-vous qu'on risque un peu plus qu'on ne pense
À vouloir sur un cœur user de violence;

Qu'il ne fait pas bien sûr, à vous le trancher net,
D'épouser une fille en dépit qu'elle en ait;

Et qu'elle peut aller, en se voyant contraindre,
A des ressentimens que le mari doit craindre?

TRISSOT IN.

Un tel discours n'a rien dont je sois altéré:
À tous événemens le sage est préparé.
Guéri par la raison des foiblesses vulgaires,
Il se met au-dessus de ces sortes d'affaires,
Et n'a garde de prendre aucune ombre d'ennui
De tout ce qui n'est pas pour dépendre de lui.

HENRIETTE.

En vérité, monsieur, je suis de vous ravie ;
Et je ne pensois pas que la philosophie
Fût si belle qu'elle est, d'instruire ainsi les gens
À porter constamment de pareils accidens.
Cette fermeté d'ame, à vous si singulière,
Mérite qu'on lui donne une illustre matière,
Est digne de trouver qui prenne avec amour
Les soins continuels de la mettre en son jour;
Et comme, à dire vrai, je n'oserois me croire

Bien propre à lui donner tout l'éclat de sa gloire,
Je le laisse à quelque autre, et vous jure, entre nous,
Que je renonce au bien de vous voir mon époux.

TRISSOTIN, en sortant.

Nous allons voir bientôt comment ira l'affaire ;
Et l'on a là-dedans fait venir le notaire.

SCÈNE I I.

CHRYSALE, CLITANDRE, HENRIETTE,
MARTINE.

CHRYSALE.

Ah! ma fille, je suis bien aise de vous voir;
Allons, venez-vous-en faire votre devoir,
Et soumettre vos vœux aux volontés d'un père.
Je veux, je veux apprendre à vivre à votre mère ;
Et, pour la mieux braver, voilà, malgré ses dents,
Martine que j'amène et rétablis céans.

HENRIETTE.

Vos résolutions sont dignes de louange.

Gardez que cette humeur, mon père, ne vous change; Soyez ferme à vouloir ce que vous souhaitez;

Et ne vous laissez point séduire à vos bontés.

Ne vous relâchez pas, et faites bien en sorte D'empêcher que sur vous ma mère ne l'emporte.

CHRYSALE.

Comment! me prenez-vous ici pour un benêt?

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Est-ce donc qu'à l'âge où je me voi

Je n'aurois pas l'esprit d'être maître chez moi?

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CHRYSALE.

Ouais! Qu'est-ce donc

Je vous trouve plaisante à me parler ainsi.

HENRIETTE.

Si je vous ai choqué, ce n'est pas mon envie.

CHRYSALE.

Ma volonté céans doit être en tout suivie.

HENRIETTE.

Fort bien, mon père.

CHRYSALE.

que ceci?

Aucun, hors moi, dans la maison

N'a droit de commander.

HENRIETTE.

Oui, vous avez raison.

CHRYSALE.

C'est moi qui tiens le rang de chef de la famille.

D'accord.

HENRIETTE.

CHRYSALE.

C'est moi qui dois disposer de ma fille.

HENRIETTE.

Hé! oui.

CHRYSALE.

Le ciel me donne un plein pouvoir sur vous.

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