Il haïffoit Laïus, on le fçait, & fa haine Mais au feul nom du Roi, trop promt, cere, & trop fin Efclave d'un couroux qu'il ne pouvoit dompter, Il partit, & depuis fa deftinée errante Même il étoit dans Thebe en ces tems malheureux Que le Ciel a marqués d'un parricide affreux. Entre Phorbas & lui floterent incertains: Cependant ce grand nom qu'il s'acquit dans la guerre, Ce titre fi fameux de vangeur de la terre, Ce refpect qu'aux heros nous portons malgré nous, Et Et quand le Ciel lui parle il n'écoute plus rien. Helas! je porte envie A ceux qui dans ces murs ont terminé leur vie. Quel état, quel tourment pour un cœur vertueux ! Il n'en faut point douter, votre fort eft affreux. JOCASTE. Lui! qu'un affaffinat ait pû fouiller fon ame! Des lâches fcelerats c'est le partage infame. Il ne manquoit, Egine, au comble de mes maux, Que d'entendre d'un crime accufer ce heros; C Aprens que ces foupçons irritent ma colere, Et qu'il eft vertueux puis qu'il m'avoit fçû plaire. EGINE. Cet amour fi conftant... JOCASTE. Ne crois pas que mon cœur De cet amour funefte ait pû nourir l'ardeur. Je l'ai trop combatu... cependant, chere Egine, *Quoi que faffe un grand cœur où la vertu domine On ne fe cache point ces fecrets mouvemens De la nature en nous indomptables enfans: Dans les replis de l'ame ils viennent nous fupredres Ces feux qu'on croit éteints renaiffent de leur cen dre, Et la vertu fevere en de fi durs combats, Refifte aux paffions, & ne les détruit pas. EGINE. Votre douleur eft jufte autant que vertueuse, JOCASTE. Que je fuis malheureuse! Tu conois, chere Egine, & mon cœur & mes maux; J'ai deux fois de l'himen allumé les flambeaux," Deux fois de mon deftin fubiffant l'injustice, J'ai changé d'efclavage, ou plûtôt de fuplice; Et le feul des mortels dont mon cœur fut touché, A mes vœux pour jamais devoit être arraché. Mon front chargé d'ennuis fut ceint du diadême : Et mes premiers amours, & mes premiers fermenst EGINE. Comment donc pouviés-vous du joug de l'himenét Une feconde fois tenter la destinée ? JOCASTE Helas! EGINE. Parle. M'est-il permis de ne vous rien cacher a EGINE Oedipe, Madame, a paru vous toucher ; Et votre cœur du moins fans trop de refiftance, 1 De vos Etats fauvés donna la recompenfe. JOCASTE. Ah grands Dieux! EGINE. Etoit-il plus heureux que Laïus. Ou Philoctete abfent ne vous touchoit-il plus 3 Par un monftre cruel Thebe alors ravagée Et le vainqueur du fphinx étoit digne de moi. Vous l'aimiés ? EGINE. JOCASTE. Je fentis pour lui quelque tendreffe Je ne reconnus point cette brûlante flamme De fon charme fatal a feduit ma raison. |