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Mémoire sur les moyens de détruire la mendicité, par M. le vicomte de Prunelé (1).

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Autant la pauvreté doit inspirer d'intérêt et de compassion quand elle est l'effet du malheur, autant la mendicité, fruit de l'oisiveté, de l'aversion pour vail et compagne ordinaire de la débauche, mérite peu de ménagement. L'enfant, l'orphelin, la veuve sans appui, le père dont les bras ne suffisent pas à l'entretien d'une famille nombreuse, l'infirme, le vieillard, ont de justes droits à la bienfaisance publique, à cette charité secourable et consolatrice, si particulièrement recommandée dans l'Evangile, vertu céleste à laquelle il étoit réservé au christianisme de donner tout son développement. Loin qu'on doive des secours à la misère qui provient de la paresse et de la mauvaise volonté, elle est punissable. Aussi les saints livres qui, à chaque page, plaident la cause de l'indigent malheureux, condamnent à ne point-manger celui qui ne veut pas travailler.

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De tout temps les législateurs ont eu soin d'écarter le fléau de la mendicité, soit en la prévenant, soit en la réprimant. Il ne manque point, en France, de lois qui aient proscrit la mendicité; elles condamnoient les mendians et vagabonds au bannissement. Une ordonnance de 1777 substitue à la peine du bannissement celle des galères à temps, et de la détention.

(1) Brochure de 72 pages in-4°.; prix, 2 fr. et 2 fr. 50 c. franc de port. A Paris, chez Le Normant, rue de Seine, n°. 8, F. S. G., et au bureau du Journal.

Le dernier gouvernement avoit pris la mendicité en considération, et publia qu'il l'avoit détruite. Mais il s'étoit trop hâté de s'en vanter. Après quelques mesures fort sévères, la mendicité reparut plus effrayante et plus étendue que jamais. Beaucoup d'écrits ont été publiés sur cette matière; tous indiquent des s moyens plus ou ou moins sagement conçus pour détruire la mendicité, mais dont l'emploi sans doute a ses difficultés, puisque ceux qu'on a pris n'ont point eu le succès qu'on en avoit attendu. M. de Prunelé croit que non-seule ment on peut détruire la mendicité, mais encore qu'on peut rendre sa destruction avantageuse à l'Etat, sous les rapports pécuniaires. C'est ce qu'il entreprend de démontrer dans le Mémoire qui fait l'objet de cet article, et qui n'est lui-même, dit-il, que l'extrait d'un travail beaucoup plus considérable, terminé avant le décret de 1808, qui ordonnoit l'établissement d'un dépôt de mendicité dans chaque département. Il pose, en principe que mendier n'est en soi ni un, crime, ni un délit; mais si la mendicité devient un état lucratif, si elle est l'école du vice, si elle fournit aux malfaiteurs de toute espèce d'abondantes recrues, elle est alors pour la société un fléau qu'il est de son intérêt de détruire.

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Il examine d'abord à quoi peuvent se monter les sommes que la mendicité lève, en France sur toutes les classes de la société, et d'après des calculs qui paroissent approcher assez de la vérité, il ne les estimne pas à moins de 154 millions, dont les quatre cinquièmes sont supportés par l'agriculture. L'auteur pense qu'avec le tiers ou les deux cinquièmes de cette énorme tribut, on pourroit fournir des secours suffisans à la classe indigente, et former des établissemens

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qui comprimeroient la mendicité et le vagabondage. Les moyens qu'il propose pour diminuer le nombre des indigens consistent à multiplier les associations de bienfaisance, à établir des maisons de retraite, des ateliers publics, des caisses de secours et de prêts, des tontines, des monts-de-piété, des maisons d'assurance, des conseils gratuits de consultation, soit pour les affaires, soit pour les maladies. Toutes ces vues ne sont que préliminaires au plan de M. de Prunelé.

Ce plan consiste à former une administration générale de bienfaisance pour tout le royaume. Elle auroit à sa tête un directeur général royal, duquel ressortiroit une hiérarchie de bureaux établis dans les communes rurales, et dans les chefs-lieux d'arrondissement et de préfecture. Les membres des bureaux n'auroient point de traitement; il seroit seulement alloué une foible rétribution aux secrétaires. Une légère addition aux charges communales suffiroit aux dépenses. L'auteur croit qu'une somme de 270,000 francs pourroit pourvoir à tous ces objets pour tout le royaume.

M. de Prunelé admet une sorte de mendicité autorisée qui ne pourroit s'exercer que par des pauvres ayant domicile. Il leur seroit expédié des permis pour demander l'aumône dans un certain nombre de communes, sans qu'ils pussent franchir la limite qui leur seroit fixée. Cette mendicité une fois organisée, tout mendiant qui ne seroit pas muni du permis et n'auroit point de domicile, seroit réputé vagabond, arrêté et conduit dans une maison de travail pour y être soumis au régime qu'on y auroit établi. Selon lui, une première mise de 1,200,000 francs suffiroit à la

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formation de chacun de ces établissemens. Ils se donnés à un entrepreneur qui se chargeroit de tout, excepté néanmoins de la distribution et de la manipulation de la nourriture, qu'il voudroit que l'on confiât à des sœurs de charité, auxquelles les denrées seroient livrées en nature.

Tel est, à peu près, le précis du Mémoire de M. de Prunelé. On ne peut disconvenir qu'il ne contienne de bonnes vues, et qu'il ne suppose de la part de son auteur quelque étude de la matière. Néanmoins j'avoue que je n'aime point tous ces rouages et tous ces bureaux. Encore une administration générale! encore un directeur général, avec tous ses employés, et sans doute aussi avec un traitement proportionné à sa dignité! C'est un singulier commencement pour détruire la mendicité. Que dire de l'extrême complication d'un systême qui suppose tant de bureaux de bienfaisance? trouveroit-on du moins dans les campagnes un nombre suffisant de personnes qui eussent assez de loisir, ou qui fussent assez désintéressées pour consentir à remplir les fonctions qui leur sont attribuées? Ne seroit-il pas à craindre qu'on ne se lassât bientôt d'occupations qui ne rendroient rien, et par lesquelles on seroit détourné de ses propres affaires? N'a-t-on pas remarqué que dans beaucoup de campagnes où on avoit établi, il y a quelques années, des bureaux de bienfaisance, ils ne font aucun bien quand ils ne font pas de mal, et deviennent tout à fait oisifs et inutiles quand ils ne sont pas tracassiers? Les principes de religion sont trop affoiblis dans la plupart des communes, la charité y est trop refroidie pour qu'on puisse compter sur leur influence. Enfin un défaut commun de tous ces plans

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est que la religion n'y tient point assez de place, a mon gré, qu'on n'y tient pas assez de compte des' obstacles, qu'on y dispose de l'avenir avec une assurance qui est rarement fondée, etc. La philanthropie est une très-belle chose sans doute; mais jusqu'ici elle a été un peu stérile en heureux effets. Elle a enfanté des projets magnifiques. Il ne leur manque que l'exécution. Je souhaite que celui de M. de Prunelé ait plus de succès que bien d'autres. Il me paroît au moins digne d'éloges par son zèle. L.

NOUVELLES ECCLÉSIASTIQUES.

PARIS. Les journaux de Rome, sous la date du 21 janvier, ne renferment aucune nouvelle. Ils annoncent seulement l'arrivée dans cette capitale de lord Guillaume Bentinck, venant de Florence. Ce seigneur, qui commande en chef toutes les forces angloises dans la Méditerranée, a rendu visite au cardinal Pacca, et devoit sous peu partir pour Naples. Il paroît que sa mission? est relative aux discussions élevées entre le Pape et un gouvernement voisin. On parle d'une mission de Mgr. Rivarola à Vienne. Il seroit chargé d'aller exposer les sujets de plaintes du souverain Pontife. Il est ques-. tion aussi d'un voyage du cardinal Litta pour le même objet. Les lettres particulières de Rome, du 27, n'annoncent aucun changement dans l'état des affaires. C'est lé 9 janvier que le cardinal Castiglione mourut à Osimo. Il étoit né à Ischia, le 31 janvier 1742, avoit été fait cardinal, le 23 février 1801, mais réservé in petto, et publié le 17 janvier 1803. Quoique évêque, il n'avoit que le titre de cardinal diacre. Sa mort réduit le sacré collége à 32 membres.

Un journal a dit, et les autres ont répété, que

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