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Voulez-vous une nouvelle preuve de ce qui se prépare? cherchez-la dans les sciences: considérez bien la marche de la chimie, de l'astronomie même, et vous verrez où elles nous conduisent. Croiriez-vous, par exemple, si vous n'en étiez avertis, que Newton nous ramène à Pythagore, et qu'incessamment il sera démontré que les corps sont mus précisément comme le corps humain, par des intelligences qui leur sont unies, sans qu'on sache comment? C'est cependant ce qui est sur le point de se vérifier, sans qu'il y ait bientôt aucun moyen de disputer. Cette doctrine pourra sembler paradoxale sans doute, et même ridicule, parce que l'opinion environnante en impose; mais attendez que l'affinité naturelle de la religion et de la science les réunisse dans la tête d'un seul homme de génie : l'apparition de cet homme ne saurait être éloignée; et peut-être même existe-t-il déjà. Celui-là sera fameux, et mettra fin au XVIII° siècle qui dure toujours; car les siècles intellectuels ne se règlent pas sur le calendrier comme les siècles proprement dits. Alors des opinions, qui nous paraissent aujourd'hui ou bizarres ou insensées, seront des axiomes dont il ne sera pas permis de douter; et l'on parlera de notre stupidité actuelle

comme nous parlons de la superstition du moyen âge. Déjà même, la force des choses a contraint quelques savants de l'école matérielle à faire des concessions qui les rapprochent de l'esprit ; et d'autres, ne pouvant s'empêcher de pressentir cette tendance sourde d'une opinion puissante, prennent contre elle des précautions qui font peut-être, sur les véritables observateurs, plus d'impression qu'une résistance directe. De là leur attention scrupuleuse à n'employer que des expressions matérielles. Il ne s'agit jamais dans leurs écrits que de lois mécaniques, de principes mécaniques, d'astronomie physique, etc. Ce n'est pas qu'ils ne sentent à merveille que les

théories matérielles ne contentent nullement l'intelligence car, s'il y a quelque chose d'évident pour l'esprit humain non préoccupé, c'est que les mouvements de l'univers ne peuvent s'expliquer par des lois mécaniques; mais c'est précisément parce qu'ils le sentent qu'ils mettent, pour ainsi dire, des mots en garde contre des vérités. On ne veut pas l'avouer, mais on n'est plus retenu que par l'engagement et par le respect humain. Les savants européens sont dans ce moment es espèces de conjurés ou d'initiés, ou comme

il vous plaira de les appeler, qui ont fait de la science une sorte de monopole, et qui ne veulent pas absolument qu'on sache plus ou autrement qu'eux. Mais cette science sera incessamment honnie par une postérité illuminée, qui accusera justement les adeptes d'aujourd'hui de n'avoir pas su tirer des vérités que Dieu leur avait livrées les conséquences les plus précieuses pour l'homme. Alors, toute la science changera de face: l'esprit, longtemps détrôné et oublié, reprendra sa place. Il sera démontré que les traditions antiques sont toutes vraies; que le Paganisme entier n'est qu'un système de vérités corrompues et déplacées; qu'il suffit de les nettoyer pour ainsi dire et de les remettre à leur place pour les voir briller de tous leurs rayons. En un mot toutes les idées changeront: et puisque de tous côtés une foule d'élus s'écrient de concert : VENEZ, SEIGNEUR, VENEZ! pourquoi blâmeriez-vous les hommes qui s'élancent dans cet avenir majestueux et se glorifient de le deviner? Comme les poètes qui, jusque dans nos temps de faiblesse et de décrépitude, présentent encore quelques lueurs pâles de l'esprit prophétique qui se mani. feste chez eux par la faculté de deviner les

langues et de les parler purement avant qu'elles soient formées, de même les hommes spirituels éprouvent quelquefois des moments d'enthousiasme et d'inspiration qui les transportent dans l'avenir, et leur permettent de pressentir les événements que le temps mûrit dans le lointain.

Rappelez-vous encore, M. le comte, le compliment que vous m'avez adressé sur mon érudition au sujet du nombre trois. Ce nombre en effet se montre de tous côtés, dans le monde physique comme dans le moral, et dans les choses divines. Dieu parla une première fois aux hommes sur le mont Sinaï, et cette révélation fut resserrée, par des raisons que nous ignorons, dans les limites étroites d'un seul peuple et d'un seul pays. Après quinze siècles, une seconde révélation s'adressa à tous les hommes sans distinction, et c'est celle dont nous jouissons; mais l'universalité de son action devait être encore infiniment restreinte par les circonstances de temps et de lieu. Quinze siècles de plus devaient s'écouler avant que l'Amérique vit la lumière; et ses vastes contrées recèlent encore une foule de hordes sauvages si étrangères au grand bienfait, qu'on serait porté à

croire qu'elles en sont exclues

en sont exclues par nature en

vertu de quelque anathème primitif et inexplicable. Le grand Lama seul a plus de sujets spirituels que le pape; le Bengale a soixante millions d'habitants, la Chine en a deux cents, le Japon vingt-cinq ou trente. Contemplez cncore ces archipels immenses du grand Océan, qui forment aujourd'hui une cinquième partie du monde. Vos missionnaires ont fait sans doute des efforts merveilleux pour annoncer l'Evangile dans quelques-unes de ces contrées lointaines; mais vous voyez avec quels succès. Combien de myriades d'hommes que la bonne nouvelle n'atteindra jamais ! Le cimeterre du fils d'Ismael n'a-t-il pas chassé presque entièrement le Christianisme de l'Afrique et de l'Asie? Et, dans notre Europe enfin, quel spectacle s'offre à l'œil religieux! le Christianisme est radicalement détruit dans tous les pays soumis à la réforme insensée du XVI siècle; et, dans vos pays catholiques mêmes, il semble n'exister plus que de nom. Je ne prétends point placer mon église audessus de la vôtre; nous ne sommes pas ici pour disputer. Hélas! je sais bien aussi ce qui nous manque ; mais je vous prie, mes bons amis, de vous examiner avec la même

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