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la Sancalpa. Avant de s'y précipiter, elle invoque les dieux, les éléments, son âme et sa conscience (1); elle s'écrie : et tui, ma conscience! sois témoin que je vais suivre mon époux, et, en embrassant le corps au milieu des flammes, elle s'écrie satya! satyal satya! (ce mot signifie vérité).

C'est le fils ou le plus proche parent qui met le feu au bûcher (2). Ces horreurs ont lieu dans un pays où c'est un crime horrible de tuer une vache; où le superstitieux bramine n'ose pas tuer la vermine qui le dévore.

Le gouvernement du Bengale ayant voulu connaître, 11803, le nombre des femmes qu'un préjugé barbare conduisait sur le bûcher de leurs maris, trouva qu'il n'était pas moindre de trente mille par ans (3).

(1) La conscience!

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Qui sait ce que vaut cette persuasion au tribunal du juge infaillible qui est si doux pour tous les hommes, et qui verse sa miséricorde sur toutes ses créatures, comme sa pluie sur toutes les plantes? (Ps. cxliv, 9.)

(2) Asiat. Research,, tom. VII, p. 222.

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(3) Extraits des papiers anglais traduits dans la Gazette de France du 19 juin 1804, no 2369. - - Annales littéraires et morales, tom. II, Paris, 1804 ; in-8°, p. 145.—M. Colebrooke, de la société de Calcutta, assure, à la vérité, dans les Recherches asiatiques (Sir William Jones's works, Supplém., tom. II, p. 722.,, que le nombre de ces martyres de la superstition n'a jamais été bien considérable, et que les exemples en sont devenus rares. Mais d'abord ce mot de rare ne pré

Au mois d'avril 1802, les deux femmes d'Ameer-Jung, régent de Tanjore, se brûlèrent encore sur le corps de leur mari. Le détail de ce sacrifice fait horreur : tout ce la tendresse maternelle et filiale a de plus puissant, tout ce que peut faire un gouvernement qui ne veut pas user d'autorité, fut employé en vain pour empêcher cette atrocité : les deux femmes furent inébranlables (1).

que

Dans quelques provinces de ce vaste continent, et parmi les classes inférieures du peuple, on fait assez communément le vœu de se tuer volontairement, si l'on obtient telle ou telle grâce des idoles du lieu. Ceux qui ont fait ces vœux et qui ont obtenu ce qu'ils désiraient, se précipitent d'un lieu nommé Calabhairava, situé dans les montagnes entre les rivières Tapti et Nermada. La foire annuelle qui se tient là est communément témoin de huit ou dix de ces sacrifices commandés par la superstition (2).

sente rien de précis ; et j'observe d'ailleurs que le préjugé étant incontestable, et régnant sur une population de plus de soixante millions d'hommes peut-être, il semble devoir produire nécessairement un très grand nombre de ces atroces sacrifices.

(1) Voy. The asiatic. annual Register, 1802, in-8°. On voit dans la relation que, suivant l'observation des chefs marattes, ces sortes de

sacrifices n'étaient point rares dans le Tanjore.

(2) Asiat. Research. tom. VII, p. 267,

Toutes les fois qu'une femme indienne accouche de deux jumeaux, elle doit en sacrifier un à la déesse Gonza, en le jetant dans le Gange quelques femmes même encore sacrifiées de temps en temps à cette déesse (1).

sont

Dans cette Inde si vantée, « la loi permet « au fils de jeter à l'eau son père vieux et incapable de travailler pour se procurer sa << subsistance. La jeune veuve est obligée de « se brûler sur le bûcher de son mari; on «<< offre des sacrifices humains pour apaiser << le génie de la destruction, et la femme qui << a été stérile pendant longtemps offre à « son dieu l'enfant qu'elle vient de mettre <<< au monde, en l'exposant aux oiseaux de « proie ou aux bêtes féroces, ou en le lais<< sant entraîner par les eaux du Gange. La

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plupart de ces cruautés furent encore com«mises solennellement, en présence des Eu

ropéens, à la dernière fête indostane don« née dans l'ile de Sangor, au mois de « décembre 1801 (2). »

On sera peut-être tenté de dire : Comment

(1) Gazette de France, à l'endroit cité.

(2) Voy. Essais by the students of Fort William Bengal, etc. Cal ella, 1802,

l'Anglais, maître absolu de ces contrées, peut-il voir toutes ces horreurs sans y mettre ordre? Il pleure peut-être sur les bûchers, mais pourquoi ne les éteint-il pas ? Les ordres sévères, les mesures de rigueur, les exécutions terribles, ont été employés par le gouvernement; mais pourquoi ? toujours pour augmenter ou défendre le pouvoir, jamais pour étouffer ces horribles coutumes. On dirait que les glaces de la philosophie ont éteint dans son cœur cette soif de l'ordre qui opère les plus grands changements, en dépit des plus grands obstacles; ou que despotisme des nations libres, le plus terrible de tous, méprise trop ses esclaves pour se donner la peine de les rendre meilleurs.

le

Mais d'abord il me semble qu'on peut faire une supposition plus honorable, et par cela seul plus vraisemblable : C'est qu'il est absolument impossible de vaincre sur ce point le préjugé obstiné des Indous, et qu'en voulant abolir par l'autorité ces usages atroces, on n'aboutirait qu'à la compromettre, sans fruit pour l'humanité (1),

(1) Il serait injuste néanmoins de ne pas observer que, dans les parties de l'Inde soumises à un sceptre catholique, le bûcher des veu ves a disparu. Telle est la force cachée et admirable de la véritable

Je vois d'ailleurs un grand problène à résoudre ces sacrifices atroces qui nous révoltent si justement ne seraient-ils point bons, ou du moins nécessaires dans l'Inde ? Au moyen de cette institution terrible, la vie d'un époux se trouve sous la garde incorruptible de ses femmes et de tout ce qui s'intéresse à elles. Dans le pays des révolutions, des vengeances, des crimes vils et ténébreux, qu'arriverait-il si les femmes n'avaient matériellement rien à perdre par la mort de leurs époux, et si elles n'y voyaient que le droit d'en acquérir un autre? Croirons-nous que les législateurs antiques, qui furent tous des hommes prodigieux, n'aient pas eu dans ces contrées des raisons particulières et puissantes pour établir de tels usages? Croironsnous même que ces usages aient pu s'établir par des moyens purement humains? Toutes les législations antiques méprisent les femmes, les dégradent, les gênent, les maltraitent plus ou moins.

La femme, dit la loi de Menu, est pro

loi de grâce. Mais l'Angleterre qui laisse brûler par milliers des femmes innocentes sous un empire certainement très doux et très humain, reproche cependant très sérieusement au Portugal les arrêts de son inquisition, c'est-à-dire quelques gouttes de sang coupable versées do loin en loin par la loi. EJICE PRIMO TRABEM,

etc.

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