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démarche comme le dernier acte de démence de ce trop fameux aventurier: mais le retour inopiné du maréchal Suchet, gouverneur de la province, qui eut lieu dans la soirée du 11 mars, lui fit changer de direction. Toutes les autorités civiles et militaires s'empressèrent de se rendre chez ce commandant, dans l'espoir de connoître par sa bouche la vérité sur ce qui se passoit. Le maréchal reçut tout le monde avec un froid silence, se bornant à répéter, à chaque question qu'on lui faisoit, ces mots: Lisez le Moniteur; il vous mettra au courant! C'étoit celui du 9 mars, dont il étoit porteur, et qu'il avoit placé sur une table de son salon : ce même numéro arriva le lendemain 12 à Strasbourg par le courrier de Paris.

Cette conduite du gouverneur de l'Alsace commença à donner des soupçons à ceux qui observoient dans le silence ses démarches, ses paroles et jusqu'aux gestes qui lui échappoient. Soit qu'il se fût aperçu de l'impression qu'elle avoit produite, soit que ses projets ne fussent pas encore mûris, il ordonna le 12 une grande

environs. Il pourra servir à éclairer l'opinion publique sur un pays dévoué à la France et habité par un peuple bon, industrieux et attaché à ses devoirs.

parade; et, pour ranimer la confiance, il fit défiler les troupes, en ordonnant aux musiques des régimens de la garnison de jouer l'air de Vive Henri IV. Le soir, au spectacle, il fit crier Vive le Roi! Ces démonstrations suffirent pour gagner au maréchal l'affection du bon peuple de Strasbourg, naturellement confiant et crédule. Toutes les inquiétudes se calmèrent, et l'on se crut au milieu de la paix.

Cependant l'esprit de parti se développa à mesure que Buonaparte avançoit. Le 13, pendant qu'on étoit au spectacle, on reçut la nouvelle de son entrée à Grenoble. Alors les cafés et tous les lieux publics devinrent les arènes où les passions se montrèrent à découvert. Les autorités, foibles ou corrompues, fermèrent les yeux sur tous les excès, et ne prirent aucune les faire cesser.

mesure pour

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La soumission de Lyon ayant été connue le 14, les Jacobins, restes impurs des brigands de 1793, ne purent contenir plus long-temps leur joie. Ils tinrent des conciliabules dans les tavernes, tandis que les militaires parjures, leurs complices, en formoient dans les ca

sernes.

Les autorités civiles, composées en majeure partie d'hommes honnêtes sans courage, ne

surent pas renouveler l'exemple de dévouement le département du Bas-Rhin avoit donné en 1792 (1), lorsqu'au péril de leur vie douze

que

(1) Aucune histoire de la révolution, et aucun journal n'ayant parlé des évènemens qui, à cette époque, se passèrent à Strasbourg, nous croyons devoir insérer ici une pièce intéressante.

Extrait du procès-verbal des séances du conseilgénéral du département du Bas-Rhin, du 13 août 1792, au matin.

Furent présent MM. Braun, président; Buchholtz, Ostermann, Sidel, Ammel, Mathieu, Ulrich, Bertrand, Staber, Gloutier, Neumann, Louis, Roederer, Burger, Saltzmann, Scholl, Schertz, Albert, administrateurs ; Xavier Levrault, procureur-général-syndic, et Hoffmann, secrétaire-général.

M. le président met sur le bureau quatre pièces parvenues au directoire, cejourd'hui à sept heures du matin, par un courrier extraordinaire, envoyé par le comité des décrets de l'assemblée nationale.

La première intitulée : Loi relative à la suspension du pouvoir exécutif, contenant quatre pages d'impression. Ladite pièce, signée. Au nom de la nation Dejoly; au bas se trouve apposé le sceau de l'état.

La seconde pièce, intitulée: Adresse de l'assemblée nationale aux François ; en placard, sans signature.

La troisième, intitulée : Acte du corps législatif, du 10 août 1792, est un in-8°, sous les signatures imprimées

membres de cette administration refusèrent de reconnoître la prétendue déchéance de

des président et secrétaires de l'assemblée nationale.

La quatrième, intitulée: Acte du corps législatif, du 10 août 1792, signée dans l'imprimé en placard, Gensonné, président, et Lecointe Puyravau, secrétaire.

Avant de délibérer sur le contenu desdites pièces, le conseil général a chargé M. Louis de se transporter sur-le-champ près des généraux pour les leur commu. niquer, les inviter de se souvenir de ce qu'ils doivent à la patrie dans les circonstances actuelles, de ne pas abandonner le poste qui leur est confié; de les assurer que le conseil général va s'occuper des moyens de maintenir la tranquillité publique, et qu'il désire se concerter avec eux sur toutes les mesures qui pourront sauver la patrie et la constitution des dangers qui la me

nacent.

L'assemblée a ensuite adopté la délibération qui se trouve ci-après.

Signé Braun, président; Kuhn, Ostermann,

holtz, Stæber, Kauffmann, Mathieu, Sidel, Ammel, Ræderer, Schertz, Schall, Albert, Burger, Gloutier, Neumann, Saltzmann, Lehn, administrateurs; Xavier Levrault, procureur-général-syndic; Hoffmann, secrétaire-général.

N. B. Au moment où notre destitution a été prononcée, le 23 ou le 24 août, par les représentans Carnot, Prieur et Coutard par rapport à ces délibérations et à notre influence qui les avoit, dit-on, dictées, MM. Schertz et Neef, membres du conseil général, en ayant

Louis XVI, et furent expulsés du lieu de leurs séances par les baïonnettes introduites par

entendu la lecture, réclamèrent contre l'omission de leurs signatures, le premier à tous ces actes; le second à plusieurs il fut constaté qu'ils n'avoient pas signé, parce que l'organisation des bataillons de volontaires, qui leur étoit confiée, les avoit empêchés de prendre part aux délibérations, sur quoi M. Schertz, prenant la parole et donnant l'exemple, se présente au bureau et demande , pour les deux, le droit de signer des résolutions qui étoient dans leurs principes, et de partager la proscription de ceux dont ils partageoient les opinions.

Extrait du procès-verbal de la séance du conseil général du département du Bas-Rhin, du 15 août 1792, l'an 4 de la liberté.

M. le procureur-général-syndic a dit : « Vous avez reçu, messieurs, différens imprimés qui vous ont été adressés ce matin par un courrier extraordinaire, sans aucune lettre d'accompagnement.

Parmi ces imprimés il en est un intitulé: Loi sur la Suspension du pouvoir exécutif, dont il vous est ordonné de faire la publication solennelle dans toutes les communes. Cette publication, par les formes dont l'acte attribué à l'Assemblée nationale est revêtu, blesse les lois qui prescrivent le mode de promulgation des lois, et, par les dispositions qu'il renferme, attaque directement les bases de la constitution ellemême; rien n'annonce en effet que cette prétendue loi

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