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jamais un quart d'écu et elle de vous en refuser un papier par-devant notaire pour n'être payé qu'après sa mort. Quand il y auroit eu cent mille écus, je vous l'aurois donné tout de même, parce qu'il est juste de payer ses dettes; si elle a du bien et si elle n'en a pas, cela ne lui fait point de mal.

Voilà précisément tout ce que j'ai dit sur cette affaire; car pour ce que l'on me fait dire sur votre dépit, il faudroit que je fusse folle pour l'imaginer, et encore plus pour le dire; ainsi je n'en ai point parlé assurément, et vous le devez croire, puisque je le dis. Si je vous avois vu, je vous aurois dit mon sentiment sur la comédie que vous allez donner au public, en cas que vous plaidiez madame de Montglas; je vous parle ainsi par l'amitié que j'ai pour vous et par l'intérêt que je prends en votre conduite. Si après cela vous vouliez pousser cette affaire en justice, je m'en consolerai et je croirai que vous savez mieux vos affaires que moi. Je n'ai vu qu'une seule fois madame de Montglas depuis un mois; elle me dit que vous la menaciez sur cette promesse. Je ne puis l'ignorer, puisque vous m'en avez parlé autrefois, et je ne douterai jamais de ce que vous me direz. Je vous supplie aussi d'en user de même pour moi et de n'ajouter pas foi à toutes les impertinences qu'on vous peut dire. Je suis incapable de manquer à mes amis, et moins à vous qu'à qui que ce soit.

1807. - Le marquis de Trichateau à Bussy.

A Semur, ce 9 juin 1680.

J'ai reçu votre lettre du 25 de mai avec celle du 4 de ce mois, monsieur; je n'en sais pas la raison, mais je ne suis pas content de la poste. Je serois de meilleure composition pour d'autres que pour vous; mais je ne saurois

vous faire de quartier, monsieur; je vous demande pardon de ma cruauté.

Je ne crois pas que vous ayez sitôt Moncha à Paris; il attendra son congé en ce pays-ci où sa mère doit venir pour la profession de sa sœur; si l'on ne lui envoie pas son congé, il s'en ira camper près de Landau comme les autres.

J'ai bien peur que cette vieille Lussan (1) ne se soit pas souvenue de lui pour lui faire du bien; j'en serois fâché; c'est un fort honnête garçon.

Je reçus, il y a quatre jours, une lettre de mon frère qui est en Flandre, dont la femme est accouchée à sept mois d'un garçon pour lequel il nous demande un nom à madame de Trichateau et à moi. De la manière dont il m'écrit, il semble qu'il espère qu'il ne laissera pas de vivre; il a des raisons de le souhaiter autres que celles que la paternité inspire.

On dit en ce pays-ci que mademoiselle de Chateautiers a pris la place de mademoiselle de Fontanges qui est retombée malade; cela peut être, mais je crois que c'est une nouvelle de quelque compatriote.

1808. - Bussy au marquis de Trichateau.

A Paris, ce 11 juin 1680.

Madame de Coligny, voyant la difficulté des audiences, a fait appointer son procès malgré sa partie. Aussitôt qu'elle aura un rapporteur, elle lui laissera voir son affaire à loisir et s'en ira; ce pourra être dans le quinzième juillet prochain.

Je n'ai pas ouï dire qu'on donnât l'archevêché de Bor

(1) Louise de la Rivière, femme de Roger, comte de Lussan, morte sans enfants le 27 mai 1680.

deaux à M. d'Autun; cela pourroit bien être, mais on n'en parle pas. Le moyen de l'empêcher de l'avoir ce seroit de faire savoir au roi qu'on le dit : vous savez, monsieur, combien il veut être impénétrable. Je serois bien fâché que M. d'Autun nous quittât; mais comme il faudroit prendre patience, les comédiens, qu'il ne nous empêcheroit plus d'avoir à Autun, nous aideroient à nous en consoler.

Je savois déjà l'élection de M. de Thianges, et je m'étois déjà étonné que le beau-frère du roi se contentât de si peu.

Je n'ai pas ouï parler ici des coups de bâton donnés par le chevalier de Tilladet à Saint-Louis; mais bien du dessein de M. de Ventadour d'en donner à ce chevalier. M. le Prince accommoda dernièrement cette affaire.

Je m'emploierois de tout mon cœur à servir mademoiselle de Chaselles si j'en trouvois les occasions; mais l'établissement dont vous me parlez est une chose qu'on a dite dans le monde et qui n'a point eu de suite.

Le 2 de ce mois, le roi étant à la chasse du sanglier et en voyant un prêt à sortir des toiles, alla à lui l'épée à la main; le sanglier tourna tête et blessa le cheval du roi en deux endroits. Cependant Sa Majesté le tua sans être aidée de pas un de ses courtisans, qui virent fort tranquillement le danger où étoit leur maître.

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Vous ne devez pas douter, monsieur, que je n'aie reçu avec tout le plaisir que je dois la lettre que vous m'avez fait l'honneur de m'écrire et que je ne sois très - aise de pouvoir espérer d'être désormais de vos amies. Si cela n'a

pas toujours été ainsi, ça n'a pas été ma faute; mais comme il ne faut plus parler ni même penser au passé, je ne vous en dirai pas davantage là-dessus. Je vous supplie seulement, mon cher frère, que les sentiments que vous me faites l'honneur de me témoigner durent toujours et de croire que je ferai tout ce qui me sera possible pour vous obliger de n'en pas changer, et pour vous faire connoître le cas que je fais de votre amitié et que je suis, mon cher frère, avec autant de sincérité que je l'ai jamais été, votre très-humble servante.

M. de Toulongeon vous est très-obligé de l'honneur que vous lui faites; il est votre très-obéissant serviteur.

1810. Bussy au marquis de Trichateau.

A Paris, ce 15 juin 1680.

Quand la rigueur que vous me tiendrez, monsieur, n'ira qu'à me demander souvent des lettres, je ne me plaindrai pas et je ne vous donnerai pas sujet de vous plaindre.

La vieille Lussan ne s'est pas souvenue de M. de Moncha.

Madame de Fontanges se porte assez bien; il lui est arrivé une sœur à la cour qui lui ressemble extrêmement. Chateautiers vient d'avoir la petite vérole; ce n'est pas là le chemin de prendre la place d'une belle maîtresse.

J'oubliai dernièrement de vous mander que le jour que le sanglier blessa le cheval du roi, un autre sanglier blessa le cheval de M. le Dauphin.

Ce même jour un officier de madame la Dauphine tomba sur le pavé de la cour de l'ovale par une fenêtre du second étage et se tua roide; il vouloit retenir son chapeau, que le vent lui emporta.

Madame de Saint-Pouange n'est pas encore morte, mais

elle n'en vaut guère mieux. Son mari s'est signalé par les soins qu'il a pris pour la sauver : il a tiré pour cinq cents pistoles un homme de prison qu'on lui dit être très-habile pour la cure des plaies. Il a fait dire huit cents messes. Il a donné deux cents pistoles aux pauvres pour prier Dieu pour sa femme, et il couche dans sa chambre pour la veiller et pour la faire servir.

Madame de Maintenon a reçu un dégoût de madame la Dauphine; le roi en ayant parlé à cette princesse pour l'obliger de faire quelques amitiés à la dame et l'ayant trouvée froide et sèche, Sa Majesté a témoigné n'en être pas contente.

Je vous assure, monsieur, que je suis aussi aise du fils de M. votre frère que vous-même. Je le viens d'écrire au marquis de Bussy à Fontainebleau, qui lui en fera un compliment de bon cœur.

Ma fille de Rabutin m'ayant alors écrit qu'elle ne viendroit point à Paris sitôt, parce que les affaires que nous avions contre la maréchale d'Estrées l'attachoient en Picardie, je donnai son appartement chez moi à la Rivière.

1811. Le marquis de Trichateau à Bussy.

A Semur, ce 16 juin 1680.

L'affaire de madame de Bussy appointée fera donc, monsieur, que je vous reverrai bientôt. Tout est bon à ce prix-là; mais j'aimerois encore mieux qu'elle l'eût gagnée, elle seroit hors d'embarras, et je n'aurois pas à craindre un autre voyage à Paris, dont cet appointement me menace fort. J'espère pourtant en la mort de M. de Dalet, que le cœur me dit qui arrivera pendant l'instruction du procès.

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