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madame de Coligny, et sur la confirmation qu'elle aura de cette nouvelle, elle en veut faire compliment à madame de Dalet. D'abord je l'ai contredite, disant que ces genslà ne connoissent pas le prix des honnêtetés; mais enfin je me suis rendu sur la réflexion que j'ai faite qu'elle sera estimée de ses amis et qu'elle se contentera elle-même.

Le même jour que j'écrivis cette lettre, je fis cette réponse à une lettre de la Rivière que j'ai perdue:

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Pour répondre à votre lettre du 1er de ce mois, monsieur, je vous dirai que je n'ai jamais appréhendé l'indifférence de qui que ce soit. Je mérite bien l'honneur d'être haï, quand je ne suis pas digne de la grâce d'être aimé.

Je ne sais si je vous ai mandé que j'avois demandé au roi la place auprès de Monseigneur, qu'a refusée Clermont, pour mon fils. Deux choses m'empêchent de croire la pouvoir obtenir : mon malheur et sa jeunesse ; le plus jeune des gens nommés a trente ans. Mais le refus des grâces à ceux à qui l'on doit quelque chose leur acquiert un nouveau droit.

L'article de votre lettre où vous m'appelez votre maître me donne plus de peine à y répondre qu'à faire une lettre au roi. Ce sont de ces endroits où l'on répond d'ordinaire: Vous vous moquez de moi. Cependant, comme vous ne vous en moquez point, je n'ai qu'à vous dire que je suis votre très-humble serviteur.

1771. - Bussy à Jeannin de Castille.

A Paris, ce 16 mars 1680.

J'appris l'accident qui étoit arrivé à votre grand pavillon de la Place-Royale, monsieur, quatre heures après; mais comme il ne servoit de rien de vous en parler, je laissai ce soin à M. Maille de vous apprendre cette nouvelle, dont je vous assure que je suis très-fâché.

Je ne doute pas qu'on ne vous mande l'arrivée de madame la Dauphine à la cour, son mariage et les suites; en ce cas-là, vous verrez si mes nouvelles sont conformes aux vôtres.

Il faut vous dire la vérité, monsieur, madame de SaintAndoche est bien folle.

Le maréchal de Villeroi a été fort mal; mais il s'est sauvé en disant à ses médecins qu'il ne vouloit pas être saigné. Il seroit mort s'il les avoit crus.

1772.- Bussy à la marquise de Montjeu.

A Paris, ce 16 mars 1680.

Je ne vous mande point encore de nouvelles, madame, car comme je crois que M. Jeannin viendra bientôt ici, j'aurai assez de temps pour vous en mander. Cependant, je vous assurerai que je n'ai plus rien sur le cœur contre vous. Je ne suis pas haineux, surtout contre les bonnes gens qui, comme vous, entrent en éclaircissement; mais ce que je suis encore moins, c'est dissimulé. Quand je dis que j'aime, il faut me croire ; car je ne cache guère que je hais.

Faites réflexion sur ce que vous avez ouï dire de moi,

madamé, et sur ce que vous en connoissez, vous trouverez que je suis tel que je me dépeins à vous.

Si le marquis de Montrevel n'est pas empoisonné de quelques-unes de ses maîtresses, il mériteroit bien de l'être; c'est un bohémien qui en leur prenant toujours leur argent ne leur a jamais donné son cœur. Il en peut bien avoir fait sa provision maintenant, car si cela n'étoit pas encore fait, il n'attrapperoit plus personne; il est trop décrié.

1773. Bussy à madame de Rabutin (1).

A Paris, ce 16 mars 1680.

Il y a trop longtemps que je ne t'ai point écrit, ma chère fille. Il faut que je te mande des nouvelles. Ta mère t'a, je crois, mandé l'escarmouche qui se fit vendredi dernier au Palais entre elle et sa cousine d'Estrées, et la rusticité avec laquelle elle reçut mon salut au sortir de l'audience. Je ne t'en dirai rien davantage.

La maladie du premier président a retardé le jugement de ta sœur. Il a rentré au Palais lundi dernier et a promis audience pour lundi prochain. Cela sera jugé en deux audiences au plus.

Jeudi dernier le roi rencontra madame la Dauphine en pleine campagne, un peu par delà Vitry; elle se voulut jeter à ses pieds; il l'en empêcha et la baisa. Elle lui dit qu'après les obligations qu'elle lui avoit de l'avoir choisie préférablement à toutes les princesses de l'Europe, qu'on eût été trop heureux de lui donner, elle assuroit Sa Majesté qu'elle auroit toute sa vie pour elle les plus grands

(1) Elle étoit alors à Laon.

respects et la plus tendre amitié du monde. Le roi lui répondit fort gracieusement, en l'embrassant encore une fois avec de grandes tendresses. Après cela, il se tourna en lui montrant M. le Dauphin, et lui dit : «Voilà de quoi il est question, madame, c'est mon fils que je vous donne.>> Madame la Dauphine répliqua qu'elle tâcheroit par toutes les soumissions et par toutes les tendresses imaginables de se rendre digne de M. le Dauphin. Ce prince oublioit de la saluer, si le roi ne l'eût fait avancer. Ensuite Sa Majesté lui présenta Monsieur et puis tous les officiers de la couronne qui la baisèrent. On remonta en carrosse et on alla à Vitry et à Châlons le même jour.

Le mariage se fit le vendredi au soir et le roi partit le dimanche pour aller coucher à Reims, le lundi à Fismes, le mardi à Soissons et le mercredi à Villers-Coterets où il a séjourné jeudi, vendredi et aujourd'hui samedi; demain dimanche, il viendra coucher à Dammartin, et samedi 18, à Saint-Germain.

Les comédiens françois et italiens sont à Villers-Coterets, et mardi prochain 19, madame la Dauphine verra Proserpine à Saint-Germain.

Tout le monde dit merveilles de cette princesse; elle a de l'esprit, elle parle bien, elle a le son de la voix agréable, elle parle obligeamment à chacun, cependant elle parle avec dignité. On lui trouve la bouche et les yeux beaux, quand on y est un peu accoutumé. Il n'y a que le premier coup d'œil à sauver avec elle, qui lui fait trouver un certain air rude, qu'ont la plupart des étrangers quand ils arrivent en France. Pour moi, je crois qu'avant six mois ces traits rudes seront léchés, et je pense qu'il en est souvent de ces premières vues comme de l'ébauche d'un portrait qui ne ressemble en rien au portrait quand il est achevé.

J'oubliois à te dire qu'elle ne baise que les femmes des officiers de la couronne; et ce fut un grand chagrin à

Châlons pour les comtesses de Béthune, de Guiche et de Gramont.

Ton frère ne m'a point encore écrit depuis son départ; ainsi je ne sais si ma lettre a été donnée au roi.

Le comte de Grandpré (1) vient de mourir subitement; je ne pense pourtant pas que ce soit de poison il ne nuisoit dans le monde à personne.

Adieu.

1774.- Le marquis de Trichateau à Bussy.

A Semur, ce 17 mars 1680.

Je ne connois point madame de Dalet, monsieur; mais je la défie de faire repentir madame de Coligny de lui avoir fait une honnêteté sur l'accident qui lui est arrivé. On a toujours de quoi se payer par ses mains de ce que l'on fait par générosité.

On me mande de la cour les mêmes biens de madame la Dauphine que l'on en dit à Paris; et comme sa beauté n'a point de part aux louanges qu'on lui donne, je ne pense pas que cela lui fasse tort.

On dit que l'on vola cinq éventails garnis de diamants, le présent étant étalé sur une table ou sur un lit, et qu'il n'y avoit presque dans la chambre que des gens titrés.

(1) Charles-François de Joyeuse, comte de Grandpré, lieutenant général des armées, gouverneur de Mouson, mort le 8 mars 1680.

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